L’idée fondationnelle de la SF, c’est de changer une ou deux variables de notre réalité, et d’en extrapoler les conséquences. Avec Le Guin, ces changements sont souvent dans les moeurs et coutumes des sociétés imaginaires qu’elle a tant de talent à décrire. Et dans ce recueil, on a droit à sept structure sociales distinctes au travers de huit nouvelles. Pour le lecteur de Left Hand of Darkness, on revisite Karhide en ouverture, puis Seggri, O, et Eleven-Soro. Ces histoires s'intéressent essentiellement aux relations et à la sexualité, mais je m’en veux quelque peu de simplifier autant. La richesse, la texture incroyablement élaborée en si peu de mots n’a de cesse de m’ébahir.
Les trois dernières histoires sont davantage centrées sur l’Histoire et la religion. La chute d’une dictature entraîne le chaos sur Werel, thème particulièrement contemporain. Une caste dirigeante, objet d’une religion, confronte une crise de succession. Un vaisseau de colonisation, fondé sur des valeurs athées, voit l’émergence d’un culte. Les protagonistes sont généralement des gens intelligents, qui agissent en accord avec leur éducation, leur croyance, leur situation. Ni blanc, ni noir, seulement des nuances de gris. Le lecteur est libre de tirer ses conclusions. Ursula Le Guin a certainement ses opinions, mais on ne peut qu’applaudir ses efforts pour ouvrir le débat sur des thèmes difficiles, alors qu’il eut été tellement plus facile d’adopter une présentation consensuelle.
Sans surprise donc, une excellente lecture, pleine d’imagination, de variété, et de questions stimulantes. Pas mal de SF pastorale, mais aussi un peu d’action. Et comme toujours, lire quelqu’un d’autre après Ursula Le Guin, c’est dur!