Sorti en 1999, Etoiles mourantes est un livre de science fiction francophone que nous devons au duo composé de Jean-Claude Dunyach et d’Ayerdhal. Leur récit invite notre imagination à nous projeter dans un avenir très, très, (très) lointain. Vous y êtes ? Voilà. Là-bas, loin, l’humanité a bien changé. Elle s’est dispersée à travers l’univers et en a profité pour se diviser en quatre « rameaux » qui s’évitent autant qu’ils se détestent.
Commençons par les moins originaux : les Mécanistes. Extrêmement hiérarchisée et tournée vers la guerre, cette société est composée de guerriers dont chaque représentant mâle vit engoncé dans une armure dotée de personnalité propre. Les Organiques en sont un peu les opposés. Pacifistes, anarchistes, ils sont tellement naturels que chacun d’eux vit en symbiose avec un être qui, en échange de pouvoirs particuliers, leur fait sécréter d’étranges artefacts. Les Originels, eux, vouent un culte aux morts qui atteint des proportions telles qu’ils vivent avec les âmes reconstituées de ancêtres décédés. Enfin, mes préférés, les Connectés, très fragiles, dépendent entièrement de leur réseau et d’un afflux de données qui leur est aussi vital que l’air et l’eau. A ce tableau s’ajoute une espèce extraterrestre exotique : les AnimauxVilles, vastes entités intelligentes voyageant dans l’espace. Profitant des lois physiques pour traverser des distances gigantesques, elles ont un jour croisé la route de l’humanité et lui ont permis de se disperser. Certaines Villes communiquent et vivent avec les humains, certaines mêmes en abritent.
A l’occasion de l’explosion imminente d’une étoile binaire, les Villes invitent divers représentants des rameaux humains à assister à l’événement sur place. L’histoire raconte donc les préparatifs et le déroulement de ces retrouvailles historiques, que l’ambition des Mécanistes, sur le point d’achever la construction d’un vaisseau d’un genre nouveau, pourrait bien venir perturber. Concrètement, chaque rameau a droit à sa propre intrigue et à un minimum de background social et politique. Cela permet aux auteurs d’aborder pêle-mêle des sujets tels que le féminisme, le racisme et l’anarchisme, de traiter du rapport à la mort, à la nature ou encore à la famille, en saupoudrant le tout de space opera, de métaphysique et d’extraterrestres aussi immenses qu’étranges.
Evidemment, cette richesse se paie de prime abord par une certaine aridité qui peut effrayer au moment d’aborder un pavé de plus de quatre-cent pages. Heureusement, les premières clés arrivent au bon moment et il ne faut pas bien longtemps au lecteur pour commencer à maîtriser les arcanes de cet univers. Notons également que le style varie selon les rameaux abordés. Les ages évoquant les Mécanistes apparaissent ainsi rigides et pragmatiques (parfois même un peu pénibles), en comparaison de quoi les Organiques, prompts à débattre, font l’effet de bouffées d’oxygène. Et les personnages ? Ils sont nombreux, comme il se doit. Humains de diverses obédiences ou AnimauxVilles, il y en a pour tous les goûts et tous ont suffisamment de caractère pour qu’on s’y attache et se souvienne de chacun d’eux.
Dans Etoiles mourantes, il est au final surtout question de peuples qui ne se parlent guère et ne se comprennent pas. Le sujet est on ne peut plus d’actualité, et c’est loin d’être le seul point sur lequel ce récit reste parfaitement à jour. Le plus fort, c’est que malgré la gravité thèmes qu’ils abordent, Ayerdhal et Dunyach arrivent en plus de tout cela à transmettre leur émerveillement tout enfantin face à l’univers et ses mystères insondables. N’est-ce pas formidable ?