Quand ce monsieur parle, tu te tais

Etienne de la Boétie n'avait que seize ou dix-huit ans lorsqu'il a rédigé le discours de la servitude volontaire, et il était déjà un génie. Un auteur unique capable de décrire le monde tel qu'il était, et tel qu'il sera.

Il explique de manière extrèmement pédagogue comment les hommes ont abandonné leur liberté naturelle pour se soumettre à autrui, pour un gain apparemment objectif mais uniquement de façade. Il détaille, précise, analyse, rappelle. Simplement. Brillamment.
Maître à penser de bien d'autres philosophes à venir, servant de base à la réflexion d'autres personnages, repris par Thoreau, ou Onfray pour citer un intellectuel encore vivant, il fait la preuve que sa vision ne meurt pas. Il montre que plus de quatre siècles après son écriture, son propos est toujours d'actualité, la soumission volontaire plus que jamais installée, et le ridicule avec elle, toujours plus profondément ancré.

Benjamin Franklin, quelques siècles plus tard, lançait très justement « Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l'une ni l'autre, et finit par perdre les deux. » Un présage qu'on comprend aisément à la lecture de la Boétie.

Autre époque, autres moeurs, on était un érudit accompli au XVIe siècle à seize ans quand aujourd'hui on se tape dans le dos d'avoir perdu son pucelage.

Toujours est-il que ce Discours, édité aux éditions Mille et une nuits, intégralement traduit en français depuis le texte d'origine, à la lecture rendue fluide et actuelle, souffle comme une tempête intellectuelle, une réflexion prodonde sur la société, l'homme. Un texte qui vibre d'une révolte sociale.

La Boétie livre une réflexion intense, lucide sur le monde. Une réflexion qui devrait servir la cause qu'il défend, mais qui est, semble t-il, plus lu par les conseils en communication et les stratèges de l'esbrouffe et de la soumission. La Boétie était en avance, et il serait temps que les gens d'aujourd'hui le réalisent, avant que son avance se prolonge encore de quelques centaines d'années.

Joignant le geste à la parole, La Boétie vit une vie dévouée à la cause qu'il défend. Est-ce que nous aurons le courage de faire de même ?
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le 31 déc. 2012

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hillson

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