Dérive sanglante par Hurlalune
Aaahhhhhhhh...... Chroniquer un livre de chez Gallmeister... un dimanche matin ... Le bonheur. Gallmeister, chez Polarys, c'est comme Tim Willocks. On sort rarement de la librairie sans avoir pris sa dose de l'un ou de l'autre, ou si je suis très en forme et que vous êtes bon public, des deux. Bref. Gallmeister, it's good for you. Et ô joie, Dérive sanglante sort dans la collection Totem, donc en petit format, donc pas cher, et donc plus personne n'a d'excuse pour ne pas lire ce livre.
Dérive Sanglante, c'est la nature généreuse et bucolique du Maine, ses rivières, ses truites, et ses cadavres qui dérivent ... Et c'est aussi Stoney Calhoun, un homme sans é, sans souvenirs, venu échouer là comme pour s'accrocher aux impressions de "déjà vu" qui l'assaillent parfois. Le Maine l'attire, lui parle, alors pourquoi pas ? Là il va se recontruire une vie, se trouver un métier, guide de pêche, rencontrer un ami, un chien et une femme, dans l'ordre qui vous plaira. Et puis son ami disparaît lors d'une partie de pêche. La culpabilité ronge Calhoun, et va le pousser à demêler les fils de cette histoire. Il se découvre au cours de l'enquête des talents étonnants, mais le mystère demeure sur son é.
Une histoire finalement assez simple, comme les personnages, comme les paysages. On se laisse doucement porter par l'écriture de Tapply, on imagine bien Calhoun forcer sur un accent local bien plouc pour donner aux touristes ce qu'ils attendent, donner du "chérie" à tout va à sa douce, toujours poli, d'un calme à toute épreuve, mais obstiné et redoutable quand il s'agit de trouver qui a tué son ami... Amateurs d'hémoglobine, d'action trépidante et d'émotions fortes, ez votre chemin. Ou plutôt non, prenez donc un peu de ce petit Gallmeister qui se laisse lire comme coule la rivière, et vous verrez qu'il n'est pas nécessaire d'avoir un mort par chapitre pour s'accrocher à un bouquin.
" Nom de nom, qu'est-ce que c'est que ça ?
Calhoun garda les yeux baissés.
- Une bunker fly, marmonna-t-il avec l'accent du coin, ce qui donnait quelque chose comme bunka fly. Il en remettait toujours une couche pour les clients des autres états, histoire de faire couleur locale. C'était une idée de Kate: les touristes, les gens des plaines, tous ceux qui "venaient de loin" - et ce vieux type avec son pantalon de toile tout juste sorti du pressing, ses mocassins rutilants, son polo vert boutonné jusqu'au cou et son accent garanti vieux Sud, si lui ne venait pas de loin ! - tous ces gens-là s'attendaient à ce que Calhoun parle comme un guignol de pub télévisée, et Kate était d'avis qu'ils seraient plus enclins à dépenser leur argent dans sa boutique s'ils n'étaient pas déçus. "Un peu plus de "Ouaip" Stoney, lui disait-elle sans répit. Joue les taciturnes. Et si tu arrives à le placer, dis-leur des trucs comme "Il y a plus d'saison, mon pauv' monsieur" (...) Calhoun se lécha les doigts, lissa les plumes de marabout et les poils de chevreuil de la mouche qu'il fignolait en artiste, puis il fit deux trois tours de soie sur la tête avant de les ramener en arrière. En prenant son temps. Taciturne. Laconique. Le gars du coin. Du Calhoun tout craché."
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