Ce texte de Johan Zarca fonctionne bien. On est tenu en haleine par une trame cohérente et riche en affect. On suit un groupe d’abstinents qui évoluent dans la capitale en essayant de s’en sortir, les personnages sont plutôt bien dessinés, on s’y attache, ils tentent tous d’éviter les rechutes, même s’ils replongent tous à un moment donné d’une manière ou d’une autre, ils font face à l’adversité. La langue de Zarca est ici beaucoup plus sage et moins argotique que dans Paname Underground (2017), et en même temps, on sent que l’expérience de l’auteur est évidemment corrélée avec son processus d’écriture et de témoignage. Ça sent le vécu, à chaque page quasiment. Le roman est plutôt conventionnel dans sa trame, sa forme, son déroulement et ses caractéristiques narratives. Peut-être qu’il faut avoir un peu d’expérience avec les narcotiques pour en apprécier le potentiel consolateur et cathartique, mais pas forcément. J’ai été très ému parfois, il y a du tragique sans que ce soit misérabiliste. Le monde est dépeint tel qu’il est, sans chichis, sans factice, sans travestissements. Après avoir lu notamment L'herbe bleue (1971) ou Moi, Christiane F., 13 ans, droguée, prostituée…(1978)sur l’inéluctabilité de la drogue et son côté sans espoir, je dois faire remarquer que le texte de Zarca nous en donne de l’espoir. (Je ne rapproche que partiellement ces trois textes étant donné qu’ils ne racontent pas la drogue du même endroit et par conséquent, ne sont pas situés pareillement.) J’ai été moins sensible au personnage de Lucy, même si le lien qu'elle entretient avec son fils disparu est touchant, je ne me reconnaissais pas dans sa quête spirituelle. Le portrait de Redouane, le videur costaud et pas commode, comme celui du futur papa Aymeric plein d’insécurité, m'ont beaucoup touché et résonné en moi. Sonia a une belle place elle aussi, tranchante et va-t-en-guerre, avec une pointe de tendresse, jusqu’au syndrome de Stockholm pour son bourreau. Le livre vaut le détour, une jolie réussite, très humble et bien menée.