Il y a, depuis la fin du premier tome, comme un certain essoufflement narratif. L’écriture est toujours aussi saisissante, les personnages toujours aussi réalistes, mais je vibre avec un peu moins d’intensité pour leurs drames et leurs fuites.
Et pourtant, les pages défilent avec rapidité, avec facilité. Malgré une forme de de redondance, il n’y a rien de poussif dans ce roman. Chaque nouveauté, aussi ténue soit-elle, garde un charme. Je n’éprouve pas l’envie brûlante de me précipiter sur le tome suivant, mais je sais que j’y reviendrai, entre deux lectures plus exigeantes.
Ce volume marque une légère inflexion dans la relation entre Lila et Elena. La domination psychologique de la première sur la seconde est toujours là, mais elle s’estompe peu à peu. Et c’est un soulagement. Ce relâchement laisse Elena respirer, enfin, et nous donne à voir autre chose : les désillusions d’un mariage sans ion, l’épuisement de la maternité…
Parmi les surprises de ce tome, il y a la trajectoire inattendue d’un personnage que j’avais, jusque là, profondément haï : la mère d’Elena. De cette personne figé dans l’aigreur, il émane soudain quelque chose de plus complexe, presque touchant. Quelque chose affleure, une ombre de tendresse. Je n’irai pas jusqu’à dire que je l’apprécie, mais pour la première fois, j’ai éprouvé une forme de comion à son égard. Le parallèle entre cette femme qui a été une source constante d’angoisse pour Lenu, et Lenu elle-même, désormais terrifiante pour ses propres filles, qui cessent de jouer dès qu’elle e devant leur chambre est finement amené. Cette scène, poignante, où Elena se met à boiter, vivant la pleine réalisation de son plus vieux cauchemar, en dit beaucoup sur les transmissions inconscientes. Et permet d’une certaine manière de se dire que la mère d’Elena a sans doute, elle aussi, été jeune, pleine de rêves et de tendresse avant de finir handicapée et mauvaise. Pour autant, rien n’édulcore la rudesse du personnage. Elle reste inable, acide, terriblement dure. Ferrante n’a pas cherché à l’absoudre, et c’est précisément ce que j’ai apprécié.
Enfin, ce qui me retient toujours, c’est la densité humaine du récit. Les personnages, qu’ils soient centraux ou secondaires, existent avec très grande intensité.
Et puis, il y a cette dimension politique, plus affirmée dans ce tome, qui ajoute de l’épaisseur au récit. La violence sociale, les débats idéologiques… infusent le quotidien des personnages.
Malgré une légère perte d’élan, ce tome conserve ce qui fait la force de la saga : des personnages travaillés, réalistes, à la psychologie complexe. Je lirai le dernier tome car je pense que cette histoire mérite qu’on aille jusqu’au bout.