Adolphe est un roman particulier. Très bref, il ne s’étend que sur une petite centaine de pages. Très brumeux, il prend le parti d’une économie totale de moyens, faisant jouer des personnages sans visages, dans une histoire sans rebondissements, au milieu de décors sans reliefs. Alors pourquoi c’est si bien ?
Adolphe, c’est l’histoire d’un jeune homme qui tombe amoureux d’une femme mariée de 10 ans plus âgée que lui, et qui se retrouve bientôt enfermée dans sa relation avec elle, sans avoir le courage de s’en séparer, précipitant la mort conte de ses sentiments et de sa liberté. Au fil des cent pages qui compose le récit, on suivra le personnage dans sa faiblesse, ses contradictions, sa lâcheté désespérante et pourtant si familière.
Jamais Adolphe n’agit, jamais il n’évolue, son mouvement n’est que géographique à mesure qu’il suit sa compagne Éllénore à travers les provinces polonaises, sa trajectoire n’est qu’une fuite perpétuelle. Il se contredit à chaque page, oscillant entre un attachement tristement ionnelle et une fureur émancipatrice qui caractérise le jeune fauve en cage. C’est toute la médiocrité de l’âme humaine qui est révélée à travers ce personnage que la vie écrase.
Ces malheurs et ces contradictions reflètent une forte part autobiographique du récit, que l’auteur n’assumera pas. Il écrira pourtant dans son journal intime que lui-même est « Constant dans la seule inconstance » (irez l’adroit jeu de mot).
Je tiens à recommander la lecture des préfaces de Constant, magnifiquement écrites, qui retranscrivent explicitement le message à dimension morale que l’auteur souhaite faire er dans ce qu’il appelle son « anecdote », mais aussi l’introduction à l’édition Folio par Marcel Arland qui apporte un regard parfaitement juste sur Adolphe, et qui en dira : « Aucun roman n’est plus nu », et plus loin « Rien n’est exact en ce livre : tout y est vrai ».