J'ai le malheur de lire ce livre en même temps que L'orientalisme d'Edward Saïd, et ça fait mal.
Les photographies sont magnifiques, issues de plusieurs voyages réalisés par les auteurs dans les années 1990, avant la période Bush et ce qui a suivi. C'est un monde qui a disparu, que ce soit par la globalisation ou par les guerres successives soutenues par des acteurs extérieurs (Iran, Arabie Saoudite, israël...).
Par contre le texte est un véritable bingo des réflexes orientalistes que dénonce Saïd : l'auteur a peur que les Yéménites abandonnent leur mode de vie traditionnel ; voit dans leurs gestes et leurs regards une sagesse ancestrale ; cherche sous chaque pan de roche et de mur un mystère insondable ; plaque sur ce qu'il voit les ages de la Bible sur Salomon et la reine de Saba ; marche dans les pas des Européens qui ont arpenté/balisé pour lui cet Orient (Bon, Rimbaud et Nizan, il y a pire, mais l'auteur ne mentionne pas la critique anticoloniale de Nizan, soit le coeur d'Aden Arabie) ; les femmes sont évidemment un mystère, tout comme chaque porte en bois, etc...
Il y a un petit effort pour citer quelques poètes yéménites au début, mais sinon on est face au ventriloquisme que dénonce Saïd : on objectifie l'Orient, on le fait parler en mettant dans sa bouche des paroles d'Occidental qui cherche dans cette altérité son propre reflet.
Mais bon, les images sont bien. Et on ne peut pas dire que les auteurs ne se sont pas intéressés au pays. Simplement, le texte a mal vieilli.