Cover Litterarum anno MMXXV : lectures et commentaires

Litterarum anno MMXXV : lectures et commentaires

Voici la liste de mes lectures pour l'année 2025. Les cales de ce grand navire se garniront et seront annotés au fur et à mesure de l'année et au fur et à mesure de mes lectures, achevées ou abandonnées.
J'invite quiconque à venir échanger sur celles-ci, et donner leurs avis.
Cette ...

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25 livres

créée il y a 5 mois · modifiée il y a 7 jours
Le Monde englouti
6.1

Le Monde englouti (1962)

The Drowned World

Sortie : 1962 (). Roman, Science-fiction

livre de J.G. Ballard

Le débardeur ivre a mis 8/10.

Annotation :

(10/01/2025)
Mon dernier souvenir d'une lecture de J.G Ballard n'était pas - mais alors PAS DU TOUT - excellent. Il s'agissait en l'occurence du "Rêveur Illimité", où l'on suivait un Britannique du nom de James Blake (rien à voir avec le génie musical de notre monde bien réel), un désaxé désirant faire l'amour à des enfants handicapés. Bon, je résume BEAUCOUP mais ça a au moins le mérite d'expliquer pourquoi je n'ai pas persévéré.

Dans le Monde englouti, Ballard nous présente (une fois n'est pas coutume) un environnement en train de muter. A la suite d'explosions solaires, la température de la Terre s'est mise à grimper sans bride, de concert avec le niveau des océans, à un point tel que la planète toute entiere n'est plus qu'un gigantesque marécage. Depuis le pôle nord, les autorités d'une humanité déclinante envoient des expeditions scientifiques et militaires dans les restes engloutis de ce qui était autrefois l'Europe. Dans un Londres lagunaire, une mission de ce genre s'apprête d'ailleurs à lever le camp après des années sur le terrain. Parmis eux, le biologiste Kerans, que d'étranges rêves préhistoriques commencent à assaillir au même titre que les deux autres scientifiques qui l'avoisinent. Ceux-ci désirent rester sur place, hypnotisés par la jungle et l'eau noire qui inondent les rues...

Dans ce véritable tour de force sensoriel, Ballard décuple au fil des pages une atmosphère poisseuse absolument sidérante, conférant une vérité tacite à son Leicester Square englouti, grouillant d'iguanes et de chauves souris, et où viennent mouiller les pirates vaudous d'une humanité réduite à glaner les vestiges d'une civilisation qui a depuis longtemps moisie sur place. Thématiquement, là aussi, on décèle progressivement un sous-texte qui va au delà du simple pretexte apocalyptique. Tout ce récit est en fait un message fort sur la langueur et la dépression - quelque chose qui, après ma lecture des carnets de Raymond Maufrais, semble entrer formidablement en résonnance avec ce trop plein de vie qui caractérise la jungle. Celui qui se revelera l'antagoniste du récit, le flibustier Strangman, est finalement une force vive, certes grotesque mais désireuse de s'accrocher à l'existence là où le protagoniste Kerans se revele un être subjugué par le néant et le pourrissement. Et le livre est axé d'une telle manière que l'on adhere à la vision regressiste du monde de ce biologiste, et de ses acolytes malades. Excellent.

Arrachez les bourgeons, tirez sur les enfants
7.7

Arrachez les bourgeons, tirez sur les enfants

Memushiri Kouchi

Sortie : 1958 (). Roman

livre de Kenzabūro Ōé

Le débardeur ivre a mis 9/10.

Annotation :

(17/01/2025)
Prix nobel de littérature en 1994, et décédé il y a deux ans, je crois comprendre que la trajectoire d'auteur et d'homme de Kenzaburo Oé fut bouleversée en 1973 lorsque vint au monde son fils, Hikari, un "anormal" - un terme que je vois écrit partout et qu'il faut grandement mesurer car si Hikari est effectivement autiste et déficient intellectuel, il est aujourd'hui un brillant compositeur de musique, donc niveau "anormalité" capacitiste, on reera. Mais je comprends que pour un père, ce genre d'évenement est un traumatisme qui vous transforme à jamais...
Il y a donc chez Oé un grand rapport à l'enfance, et c'est justement d'enfance que parle ce Arrachez les bourgeons, tirez sur les enfants. Pendant la seconde guerre mondiale, des "délinquants" orphelins sont transférés de leurs maison de correction vers un village de montagne très reculé où ils seront censés être à l'abris des bombes. Après un voyage épuisant, ces garçons déjà maltraités et affamés se retrouvent donc à la merci de villageois abusifs qui leurs font d'entrée enterrer des cadavres d'animaux, morts de maladie. Mais subitement, un matin, tous les villageois fuient le hameau, abandonnant les garçons à leur sort au beau milieu de l'hiver...
Alors 9/10. C'était extraordinaire. Extraordinairement terrible. Pourquoi pas 10/10 dans ce cas ? Une réserve, en vérité, m'a poussé à ne pas m'emballer completement : quand un auteur masculin et adulte commence à parler de sexualité enfantile, je ne peux m'empêcher d'être prudent car on ne sait jamais quel est le degré de fascination pédocriminelle qui motive certaines insisitances malsaines, surtout quand ce n'est pas à proprement parlé le "fond de commerce" de l'auteur en question.
Mais malgré tout, quelle expérience ! C'est un livre sur la maltraitance, sur la ségregation (adulte/enfant, fille/garçon, japonais/coréen, voire même humains/animaux) mais aussi un très puissant livre d'amour. Je parlais plus tot de ma réserve quant à la notion de sexualité (surtout homosexuelle) qui hante ce livre, mais si il y a bien une chose qui dévaste ici, c'est à quel point Oé sait décrire la naissance de l'affection dans tout ce qu'elle a de beau et tout ce qu'elle annonce de dramatique dans une société agressive comme celle de ce Japon nationaliste. Les actes manqués, les gestes affectifs et finalement la brève histoire d'amour entre le narrateur et la petite orpheline sont...ah ! à s'arracher le coeur au couteau.

La Crise de la masculinité
7.9

La Crise de la masculinité (2018)

Autopsie d'un mythe tenace

Sortie : 2018. Essai

livre de Francis Dupuis-Déri

Le débardeur ivre a mis 8/10.

Annotation :

(27/01/2025)
Ce fut l'un de mes cadeaux d'anniversaire. Ou de Noel. Je ne sais plus très bien où j'en suis dans cette sordide affaire de temps qui e... Je tiens à dire que c'est dans des moments comme ça, quand un ami vous tend un livre de sciences sociales ayant trait au masculinisme pour célebrer votre vingt-septieme giration autour du soleil, que vous vous rendez compte combien vous êtes devenu adulte, et combien ça ne badine définitivement plus.

Produit du politiste libertaire spécialisé (entre autre) dans l'anti et le proféminisme François Dupuis-Déri, ce livre intitulé "La crise de la masculinité : Autopsie d'un mythe tenace" tend donc à s'intéresser et à décortiquer cette notion d'une masculinité apparemment en péril. De la millénaire origine de ce concept jusqu'à nos jours, en s'attardant sur les justifications qui peuvent avoir trait à l'économie, au divorce ou tout prosaiquement à l'essort du féminisme, l'auteur nous montre l'évolution de cette pensée, voire cette idéologie réactionnaire qui semble avoir encore de beaux jours devant elle.

Je crois avoir rarement lu un livre aussi vite. Une centaine de pages par jours, sur un peu moins de trois après-midi...Une prouesse, mes amis.
Dupuis-Déri a une méthode "Lindqvistienne" qui me charme beaucoup. Il n'essaie pas de nous "apprendre des trucs", partant du principe qu'on en sait suffisament et que ce qui nous manque est finalement une vue d'ensemble détaillée, réfléchie et coherente. Et à la sortie de cette lecture, on constate comme l'auteur (et les differents spécialistes cités) qu'il n'existe pas une crise de la masculinité mais un discours de crise, étalé sur des siecles et ressurgissant à chaque avancée antisexiste. En clair, une crise de la masculinité non, mais des hommes qui piquent des crises oui. Et quelles crises, vindieu ! Articulés, ces arguments victimaires aparaissent pour ce qu'ils sont, de grotesques simagrées de dominants. Ultra-fascinant, meme si ce livre de 2018 mériterait une MAJ vue les régressions récentes du discours ambient sur le sujet.

Les Naufragés du Wager
7.6

Les Naufragés du Wager (2023)

Une histoire de naufrage, de mutinerie et de meurtres

The Wager: A Tale of Shipwreck, Mutiny, and murder

Sortie : 25 août 2023 (). Récit

livre de David Grann

Le débardeur ivre a mis 8/10.

Annotation :

(02/02/2025)
Que dire de David Grann si ce n'est qu'il a été aux origines de deux de mes obsessions cinématographiques récentes, à savoir "Killers of the Flower Moon" de Scorcese (que j'avais lu et instantanement adoré un an avant la sortie de l'adaptation cinématographique) et "The Lost City of Z" de James Gray. Il est l'auteur de réference en matiere de non-fiction, en témoigne son phénomenal succès.

Nous sommes au temps de la méconnue "Guerre de l'Oreille de Jenkins" entre la Grande-Bretagne à l'Espagne. Si il est aujourd'hui largement oublié tant il fut un désastre et ne changea strictement rien, ce conflit vit pourtant des escadres Anglaises partir massivement à l'assaut des riches colonies Espagnoles d'Amérique du Sud dans un déploiement de moyens encore inédit pour la nation insulaire. Parmis elles, celle du commodore Anson dont l'objectif était de er dans le Pacifique et de capturer un riche galion. Les systematiques tempêtes du cap Horn auront malheureusement raison d'un grand nombre de ses navires, dont un en particulier - le HMS Wager - qui disparaitra quelque part dans le Golfe des Peines. Alors qu'on pensait l'équipage envoyé par le fond, des groupes de survivants refont subitement leurs apparitions deux ans plus tard. L'histoire (ou plutot les histoires) qu'ils vont raconter viendra troubler la conscience Anglaise du XVIIIe siecle...

Si le fond est en soit redoutablement classique (les récits de naufrage, même les plus sordides comme celui-ci, sont rarement novateurs), c'est le don de Grann pour les sources qui rendent cette tragédie exhumée des ténèbres de l'histoire maritime anglaise si ionante. Toute la singularité de ce naufrage est d'avoir été extremement bien documenté vu que ses acteurs (en particulier les ennemis que sont le capitaine David Cheap et le canonnier John Bulkeley, mais aussi le tout jeune John Byron, grand père du poète) ont tenus des journaux et ont publiés des mémoires qui, en entrant en concurrence, sont aussi magistralement entrés en résonnance, permettant à Grann de produire des siecles plus tard une oeuvre somme qui tend à s'approcher modestement de la vérité. A travers l'expédition Anson, le naufrage du Wager, les luttes intestines des naufragés, leurs résurrections et finalement le procès qui leur sera intenté , c'est un empire en devenir et en plein tatonement qui se révele dans toute "ses" violences : celles de son autoproclamée civilisation.

Les Hommes et le féminisme
7.2

Les Hommes et le féminisme (2023)

Faux amis, poseurs ou alliés ?

Sortie : 11 octobre 2023. Essai, Politique & économie

livre de Francis Dupuis-Déri

Le débardeur ivre a mis 8/10.

Annotation :

(07/02/2025)
D'à peine 130 pages, ce "Les Hommes et le Féminisme : faux amis, poseurs ou alliés ?" est effectivement comme je l'avais supposé à la lecture de sa quatrieme de couverture une sorte d'addendum (j'aime pas le mot mais j'ai rien d'autre de plus inspiré qui me vient à l'esprit...) au précédent livre qui commence, mine de rien, à dater. Le politiste prend cette fois ci le probleme de l'antiféminisme à l'envers et va plutot s'attarder sur ces hommes qui, au contraire,s'autoproclament féministes, ou "hommes nouveaux" ou alliés, ou déconstruits, ou que sais-je encore.
Si ce livre est cette fois ci bien plus court, ce n'est pas pour rien. Il ne faut pas longtemps pour saisir et cerner l'ambivalence que de telles déclarations portent en elles dans une société fondamentalement et violemment patriarcale. Par des exemples très concrets là encore comme dans son précedent travail, Dupuis-Déri pointe la limite performative de ce qui est en e de devenir une posture généralisée chez bien des hommes de notre génération qui confondent - par exemple - la notion d'allié (qui induit une égalité totale, mais fondamentalement innateignable, dans la lutte parce que pression patriarcale oblige) et la notion d'auxiliaire conscient, en retrait, qui se rapproche déjà plus de ce qui peut-être demandé de la part de la mouvance féministe à l'égard des hommes qui veulent en être. En concluant son livre par une sorte de "guide" féministe à l'intention des hommes, Dupuis-Déri fait le pari très risqué de tomber dans l'essentialisation racoleuse, le livre de recette du parfait petit déconstruit ; pourtant non, la pudeur, la mesure et l'introspection sont de mise et permet à cette ultime partie (ultra brève) d'être plus un appel très serein à la modération masculine - dans les actions ou les discours. Le tout en concluant que de toute maniere, l'abolition du genre est quoi qu'il en soit l'unique porte de sortie dans tout ce merdier.

L'Empereur des Ming

Sortie : février 1996 (). Biographie, Histoire

livre de Wu Han

Le débardeur ivre a mis 4/10.

Annotation :

(10/02/2025)
La figure du terrible Zhu Yuanzhang, paysan devenu premier empereur de la dynastie Ming sous le nom posthume de Hongwu, je l'avais effleuré l'année derniere par le truchement d'un bon livre, à savoir "Celle qui devint le Soleil" de Shelley Parker Chan, un roman audacieux lorgnant vers la fantasy qui partait du postulat fascinant qu'on pourrait résumer ainsi: et si, dans le tourbillon de mensonges que fut la vie de cet empereur issu du peuple, Hongwu avait en fait été un homme transgenre ?
Grisé par cette lecture rafraichissante, j'avais donc acheté cet Empereur des Ming de Wu Han pour obtenir certaines bases plus historiographique afin d'en apprendre un peu plus sur le véritable Hongwu. Je l'oubliais, et le redecouvris récemment dans ma PAL...Et autant dire que ce n'a pas été exactement la même tisane.

Il ne faut pas être très perspicace pour comprendre qui est vraiment cet "empereur des Ming" dont Wu Han - "l'historien Chinois le plus important du XXe siècle" d'après ce que je lis de ci de là - fait ici véritablement le portrait ultra-violent...Comment, dans tout cet acharnement digne d'un Michelet sous cocaine, pourrions nous nous détacher de la figure d'un autre homme du peuple Chinois devenu un autocrate cruel et paranoiaque ? Quand on sait en plus que Wu Han fut mis à mort par les gardes rouges en 1969, on se dit que la messe est dite ; en plus, toutes les infos qu'on lit sortent un peu du chapeau de l'auteur et les references aux sources sont rarissimes, donc niveau crédibilité historique ça se pose là.
En bref, je préfère voir dans ce livre non pas un livre d'histoire mais une autre déclinaison sur le premier empereur des Ming, une énieme utilisation entreprenante de cette figure à la réputation ténèbreuse dans une perspective personelle.

Pourquoi tout n'a-t-il pas déjà disparu ?
7.7

Pourquoi tout n'a-t-il pas déjà disparu ? (2007)

Sortie : avril 2007. Essai

livre de Jean Baudrillard

Le débardeur ivre a mis 9/10.

Annotation :

(10/02/2025)
A la question posée par le titre du livre, on a envie de répondre en sortant de la lecture de cette cinquantaine de pages à la froideur si entêtante que si tout n'a pas déjà disparu, c'est que le concept même de disparition a cessé d'exister - et que, paradoxalement, cela a entrainé une disparition du réel par sa trop grande présence. Tout est toujours là, tout le temps, dans un simulacre de permanence et Baudrillard qui n'était pas qu'un philosophe mais aussi un photographe, use des mécaniques et des agonies de son médium pour stimuler son argumentaire. ionant.
Si dire ici d'un tel texte, si détaché de toute frivolité métaphysique, qu'il inspire une angoisse tout a fait apocalyptique serait pour beaucoup stupide, je le dis et je l'assume tout de même. C'est peut-être cela la grande force de Baudrillard : il y a une pulsation derriere toutes ces lignes, un souffle qui s'approcherait de la poésie...A lire à nouveau.

De la destruction comme élément de l'histoire naturelle
7.5

De la destruction comme élément de l'histoire naturelle (1999)

Luftkrieg und Literatur

Sortie : 1 janvier 2004 (). Essai

livre de W.G. Sebald

Le débardeur ivre a mis 3/10.

Annotation :

(20/02/2025)
Bon, d'une part, les éditions où l'on se bouffe des plâtrées de phrases sans aération, ni retour à la ligne, ni alinéa d'aucune sorte, juste...merde voilà. On est pas à proprement parler dans un exercice de style de fiction là, donc l'ingurgitation se transforme vite en gavage abscons (donc pas bravo les éditions Actes sud).
Et puis, au delà de ça, je trouve tout ce qui est avancé par W.G Sebald très subjectif. Que les bombardements alliés massifs ayant dévastés les grandes villes Allemandes à la fin de la seconde guerre mondoae ne soient pas ou alors très rarement traités par les historiens et les oeuvres de fiction parce que cela entre en avec un sentiment de culpabilité nationale est un fait indéniable. Cependant, déposer sur ceux qui après 45 se sont essayés à l'exercice un jugement de valeur parfois très capilotracté lorsqu'ils ne coincident pas avec un désir de "réalisme" de la part de l'auteur, ça, ce n'est pas vraiment recevable.
En bref, pour toutes les interrogations soulevées dans ce livre, dirigez vous plutot vers "Le siècle des bombardements" de Sven Lindqvist.

La Promesse du sang
7.4

La Promesse du sang (2013)

La Trilogie des Poudremages, tome 1

Promise Of Blood- Powder Mage Trilogy, book 1

Sortie : 15 janvier 2014 (). Roman

livre de Brian McClellan

Le débardeur ivre a mis 5/10.

Annotation :

(02/03/2025)
Le parcours de McClellan est somme toute assez classique dans le milieu des écritures de l'imaginaire. C'était un geek féru de fantasy qui écrivait depuis le lycée, et il s'est dit en arrivant à l'âge adulte "tiens ! et si je créais mon propre monde, ma propre saga ?" et il a publié sa trilogie Poudremage de 2013 à 2015 et continue à l'entretenir à ce jour par des trilogies dérivées, voilà. Je donne l'impression là d'être mesquin, essentialiste et condescendant alors que non, bien au contraire, je pense que plus de gens devraient se faire confiance de la sorte afin de nous permettre de voir ces mondes qu'ils ou elles voient, mais je ne peux qu'être intransigeant car nous sommes, lecteurs de fantasy du XXIe siecle, devenus intransigeants car saoulés des redites.

Et McClellan tente un truc avec ses Neufs Royaumes, c'est clair et net. Ouvrir une saga de fantasy sur une révolution, la mort d'un roi et l'extermination systématique d'une noblesse, on voit pas ça souvent. Faire de la poudre à canon un substitut ensorcelé à l'injustice des dons qui ont légitimés durant des siecles les abus d'une féodalité magique c'est créer une singularité diegetique innovante, un outil dramatique spectaculaire (les scènes d'action sont très prenantes et font dans le blockbuster) et un levier thématique astucieux.
Maintenant, 640 pages d'une intrigue qui semble s'écrire ligne après ligne, qui ne parait pas savoir jusqu'à très tard où elle veut aller et ce qu'elle veut faire, c'est un peu lourd à lire...Tuer les rois, défier les Dieux, révolutionner et rénover, c'est une chose, mais il faut aussi combattre les éceuils d'une littérature biaisée et vieillissante par des partis pris peut-être plus universalistes tel que - au minimum - des persos féminins intéressants et forts. Cela demeure un bel effort ; je doute continuer la trilogie cependant.

Merfer
6.8

Merfer (2012)

Railsea

Sortie : 13 octobre 2016 (). Roman, Science-fiction

livre de China Miéville

Le débardeur ivre a mis 6/10.

Annotation :

(14/03/2025)
"Gneugneugneu c'est juste un Moby Dick qui fait tchoutchou c'est trop nul gneugneugneu"
Si j'accorde, qu'effectivement, le livre n'est pas de la qualité de "The City and The City" du même auteur et qu'il fut assez pénible à terminer, il faut tout de même rendre au pape du New Weird la grande originalité de sa narration et de son univers. Suffisament cohérent sans être d'une matérialité trop étouffante, et suffisament fou sans être décontenançant, ce monde couvert de rails peuplé par une mégafaune et une humanité ayant remplacé la navigation par le pilotage de train tient la route. L'action est rondement mené (la plupart du temps) et même le petit "truc" stylistique utilisé par Mieville, à savoir le remplacement de la conjonction "et" par l'esperluette afin de tisser ses phrases à la façon d'un réseau de rails, ne gêne en rien le plaisir de lecture...mais ne l'accentue pas pour autant.
Car le livre est très moyen, oui. Sa narration et ses enjeux sont assez faibles, et la seconde partie - véritable ventre mou du roman où celui-ci va venir se disperser entre différentes petites aventures, brisant la focalisation unique faite jusqu'alors - rabat structurellement et trop peu brillament les cartes de ce qui était jusqu'alors un roman d'aprentissage à l'Anglaise dans la plus pure tradition du genre.
Maintenant, est-ce que c'est juste Moby Dick qui fait tchoutchou ? Bah justement, non. Mieville décale, comme d'habitude. Pas seulement sur le vernis diegetique, mais sur le discours lui même. Son oeuvre est une ode à l'indépendance, à l'empathie, et à la résilience...Tout ce que Moby Dick n'est pas en somme. Remplacer les baleines par des taupes, ça aurait été bien trop faignant. Il fallait apaiser Achab, et crever sa rage comme une baudruche, ce que ce livre fait adroitement en refusant de faire de la folie furieuse de Picbaie (supplétif féminin du capitaine baleinier) le moteur véritable de ce livre vu que sa traque de Jackie La Nargue, sa taupe ivoirine (et un peu jaune), est secondaire.

Le Vent dans les saules
8

Le Vent dans les saules (1908)

(traduction Jacques Parsons)

The Wind in the Willows

Sortie : 1980 (). Roman

livre de Kenneth Grahame

Le débardeur ivre a mis 7/10.

Annotation :

(18/03/2025)
Un charmant conte sur l'amitié avec des animaux anthropomorphes se situant dans la campagne Anglaise, on se dit tout de suite "Winnie L'Ourson". Et pourtant, Le Vent dans les Saules est arrivé avant (Milne adapta l'oeuvre de Grahame au théâtre, preuve du lien de parenté qui existe entre les deux histoires).
Oeuvre pour la jeunesse, et en même temps, n'importe qui peut puiser dans ce récit qui respire bon le vieux tweed et les tartines au coins d'un petit feu crépitant ce qu'il recherche au fond de son coeur. Le lecteur adulte que je suis, sans doute un peu déconcentré et impatient, y a retrouvé quelque chose de primordial, une fenêtre parabolique sur une sérénité et une fraternité depuis trop longtemps disparue...L'ode à la pantouflardise et aux petits plaisirs du quotidien, ponctuée par les mésaventures pathétiques du vaniteux Monsieur Crapaud, dissimule pourtant une forme de mélancolie et une ouverture sur d'autres possibles qui n'adviendront jamais assez troublant. Le chapitre où le rat de riviere rencontre le rat des mers, où l'immobilisme se laisse tenter par la perspective du mouvement et de l'aventure, est vraiment triste et prononce une étonnante forme de fatalisme quant aux natures antagonistes des individus.

La Guerre des jours lointains
7.5

La Guerre des jours lointains (1978)

Tōi hi no sensō

Sortie : octobre 2007 (). Roman

livre de Akira Yoshimura

Le débardeur ivre a mis 8/10.

Annotation :

(22/03/2025)
L'oeuvre de Yoshimura est traversé par une terreur de la vie. C'est l'épreuve des responsabilités pour le jeune garçon de "Naufrages", le suicide collectif du "Voyage vers les étoiles" et le retour impossible à la vie civile du féminicide de "Liberté conditionelle" dont la structure très routiniere est similaire à celle qui nous concerne ici (c'est même une fusion entre "Liberté conditionelle" et la portée documentaire du "Tremblement de terre de Kanto").
Ici, je trouve que bien des observateurs se plantent sur les intentions de l'auteur : loin d'être un livre qui veut affronter de plein fouet le non-dit des crimes de guerre au Japon dans la seule perspective d'ouvrir un débat de société, on est plutot face à une oeuvre qui prône le relativisme, la prise de recul et qui n'est rien d'autre qu'une histoire de fiction excellemment documenté. Le personnage principal est - avant d'être un criminel de guerre en fuite - un jeune homme qui e totalement à côté de sa jeunesse, et qui rate lamentablement son entrée dans la trentaine (une période encline à la stabilité, celle là même qui semble revenir dans son pays natal) par une peur tout a fait compréhensible d'être pris - et donc de mourir. Tout ça à cause d'un acte, un accès de colère isolé qui peut s'expliquer par mille façon et qui le travaille de mille façon. Une culpabilité face au simple fait d'exister qui crée un pont fantastique entre la dissimulation perpetuelle de son protagoniste et les incertitudes existentielles de ses lecteurs.

Les Bienveillantes
7.6

Les Bienveillantes (2006)

Sortie : 13 septembre 2006. Roman

livre de Jonathan Littell

Le débardeur ivre a mis 8/10.

Annotation :

(07/04/2025)
Eh bien, voilà qui est fait...
De quoi ça parle, finalement, les Bienveillantes ? Les avis divergent, et après tout une oeuvre de 1400 pages si méticuleusement solide dans sa retranscription historique ne peut être résumée en un seul bon mot, ou un seul concept. Pour autant, je voudrais tenter ici l'idée toute simple de perversion ; contrairement à ce que vous lirez ou entendrez de ci de là au sujet de cet oeuvre, vous "mes freres humains", ne soyez pas dupe : ce Max Aue, ce narrateur, n'est pas un homme ordinaire et ceci n'est pas la démonstration que n'importe qui peut devenir un monstre, et que le mal est une banalité blablabla.
En vérité, Littell (consciemment ou non) pose très clairement et ce des les toutes premieres pages un fait indéniable qui est que ce type, cet incestueux mégalomane à la sexualité si tourmenté, est une créature que n'importe quelle forme de société morale aurait su controler, punir, mais aussi soigner, aider. Seulement voilà, la personnalité sourdement perverse de Aue va entrer en résonance avec celle de son époque, à savoir celle du troisieme reich et donc de l'Endlosung. Un monde qui a aboli l'interdit du meurtre et l'a légitimé à grande échelle est un monde qui rompt implicitement avec toutes les autres formes d'interdits, de la violence sexuelle, au matricide, en ant par la coprophagie. L'obscénité du monde nazi, mortellement obsédée jusqu'à l'absurde par l'épuration, se déploie ici sur des échelles historiques et intimes qui viennent se lier en un individu, un seul être face à ses démons déchainés et la course du temps.
Une lecture de l'abime, qui vous fera somatiser autant que son personnage principal.

L'Ivrogne et la marchande de fleurs
7.6

L'Ivrogne et la marchande de fleurs

Autopsie d'un massacre de masse • 1937-1938

Sortie : mars 2009 (). Essai

livre de Nicolas Werth

Le débardeur ivre a mis 5/10.

Annotation :

(18/04/2025)
Il y a quelque chose (comme l'exposerait, cyniquement voire cruellement, le Max Aue de Littel dans la Toccata des "Bienveillantes) de particulierement peu intéressant à résumer les grands carnages de l'histoire en s'appuyant uniquement sur leurs mathématiques. Nombres de tués, pourcentages de tués, inlassablement , et ce sans tenter (suffisament) d'expliquer pourquoi, comment, à quelle fin les bourreaux tuent. C'était pourtant cette chair là, cette nourriture de l'imaginaire que promettait le titre si humain de ce livre qui finit par n'être qu'un compte rendu assez froid - basé d'ailleurs en grande partie sur les travaux de recherche de l'association Memorial. Mais, toute séverité mise de côté, on ne peut décemment pas reprocher au travail de Nicolas Werth de rendre au moins tangible la dimension stakhanoviste de cette compétition à l'éxecution. Des vertiges productivistes.

Le Joueur
7.6

Le Joueur (1866)

(traduction André Markowicz)

Игрок (Igrok)

Sortie : 1991 (). Roman

livre de Fiodor Dostoïevski

Le débardeur ivre a mis 9/10.

Annotation :

(18/04/2025)
Une "paranthèse" dans la vie d'un auteur n'est pas nécessairement une oeuvre négligée. L'histoire de l'écriture de ce petit livre, ovni de concision dans un océan de romans russes à la profusion monumentale, est légendaire: pris à la gorge par un contrat d'édition sadique, le ruiné Dostoievski doit rendre un roman en moins d'un mois si il ne veut pas devenir l'esclave de son éditeur pour les dix prochaines années. Ses amis le confient alors au bon soin d'une sténographe, Anna Grigorievina Snitkina, afin de rendre le manuscrit le plus rapidement possible. De cette collaboration naitra donc ce roman, mais aussi une complicité, un mariage, des enfants, et une stabilité pour l'auteur. Une histoire qui mérite, en soit, d'être raconté

Je faisais plus haut allusion à l'idée d'asservissement et c'est très clairement autour de cette notion que s'articule ce roman qui ne semble avoir ni réel début, ni réelle fin. La dérive d'une cour de la petite aristo-bourgeoisie russe en exil (in)volontaire dans une ville d'eau Allemande, taquinée par des sangsues Françaises, le tout vu à travers les yeux du précepteur, un être intense consummée par la ion univoque qu'il voue à la belle-fille de son employeur et à celle de la roulette - deux maitresses imprévisibles. Et tous s'asservissent, soit à l'amour, soit au hasard des jeux d'argents au point d'en perdre le sens des réalités. Tout comme "Les Carnets du Sous-Sol", on tate du bout des doigts cette inéffable bien que juste observation que l'auteur faisait de ses congeneres qui, encore aujourd'hui, résonne avec nos âmes mortes vivantes, nos miroirs aux alouettes. Entre deux surgissements xénophobes (surtout antifrançais, donc c'est drole), Dostoievski démontre son génie brouillon et me donne plus que jamais envie de m'essayer à son "Crime et Chatiment".

Les Récits d'Odessa
6.7

Les Récits d'Odessa

Sortie : 4 juin 1999 (). Récit

livre de Isaac Babel

Le débardeur ivre a mis 5/10.

Annotation :

(23/04/2025)
On la surnommait (et peut-être la surnomme-t-on toujours, malgré les incertitudes et les destructions de la guerre russo-ukrainienne) "la Marseille de la mer noire : Odessa. Cosmopolite et bariolée, cette cité fut le berceau d'une importante communauté Juive ainsi que le point de fusion d'une émulsion politico-artistique dont Isaac Babel fut la tête de proue. Son existence d'homme coincida avec les bouleversements de la révolution bolchévique dont il se rendit témoin. Des bouleversements qui happerent à leur façon le destin de sa ville natale, et finirent - vingt deux ans plus tard - par tuer le plus grand de ses chantre, victime de la folie aveugle des Grandes Purges staliniennes.

Agrémenté de nouvelles annexes, antérieures et ultérieurs, ces récits jettent à bas par leur hétérogéneité stylistique. Les nouvelles qui composent le noyeau des récits - en clair, les quatre histoires qui gravitent de prés ou de loin autour de la figure du chef de la pègre de la Moldavanka, Bénia Krik dit "Le Roi" - se chevauchent et se transvasent les unes dans les autres sans jamais se ressembler, réusant régulierement de multiples personnages tout en décalant leurs points de focalisation, leurs tons, leurs temporalités. Un exercice d'adpation plutot incongru pour le lecteur aisément perturbable que je suis mais qui s'explique : Babel, soucieux de produire une oeuvre flexible aux remous de son époque, puise dans une grande palette littéraire, allant des contes hassidiques à la littérature naturaliste française afin de réaliser quelque chose qui sera réellement unique, à l'image de sa ville, "la premiere de toutes les villes". En ressort, certes un résultat en demi-teinte, mais une représentation indéniablement unique de la communauté juive, loin du lugubre misérabiliste.

Soleil
7.2

Soleil (1923)

Nichirin

Sortie : 19 janvier 2016 (). Roman

livre de Riichi Yokomitsu

Le débardeur ivre a mis 9/10.

Annotation :

(27/04/2025)
Himiko est-elle la soeur japonaise de Salammbô ? C'est plus complexe que cela. Bien que ce soit la lecture de la traduction japonaise du roman de Flaubert qui ait motivé Yokomitsu Riichi a écrire Soleil, l'approche de l'auteur de l'ère Taisho prend tout de même le large de celle du français.
De sa minutie historique, tout d'abord. Si l'auteur de "Madame Bovary" s'épuisa à la lecture de textes classiques et se rendit en Tunisie afin de rendre sa Carthage de la guerre des mercenaires la plus "réaliste" possible, Riichi décide quant à lui assez astucieusement de choisir justement une période obscure de l'histoire de son pays - à savoir la fin de l'ère Yayoi, crépuscule de la préhistoire sur l'archipel. Sa reine chamanesse Himiko n'apparait que très brievement dans une source chinoise de l'époque ; autant dire que la liberté créative de l'auteur fut ici bien plus décomplexée. Et puis, Soleil est un roman beaucoup plus concis (90 pages) dont la luxuriance transpire plus par à un rapport à une nature intact et monumentale (faune,flore, activité volcanique,...) qu'à une quelconque acuité historique.

é la comparaison, on est avant tout face à quelque chose de brillant par sa singularité. Structuré comme une course-poursuite à travers des chefferies protohistorique, l'élan dramatique et l'astucieuse préservation des détails décalquent une grande modernité sur une atmosphère archaique. Les dialogues sont incantatoires, limités et répetitifs comme peuvent l'être ceux des textes primordiaux de l'humanité, et la vie dans cet univers rude et verticale se perd plus facilement qu'elle ne se crée - exception faite donc du spectacle lumineux et éternel de la nature. Un univers patriarcal où Himiko (comme Salammbô) devient l'obsession des mâles prédateurs qui règnent avec brutalité sur leurs pays. En cela, en plaçant par l'épopée une femme dont l'existence est attesté au coeur d'une violente dynamique de fusion politique dans les temps primordiaux de sa nation, Riichi conteste la tradition masculinisante de l'empire Japonais. Si l'attitude ultime de sa protagoniste semble un peu ternir son magnétisme durement construit, le roman est une lecture forte quelque peu oubliée à redécouvrir sans retard.

Ambient Music
8.4

Ambient Music

Avant-gardes, New Age, Chill-Out & Cinéma

Guide & manuel, Musique

livre de Jean-Yves Leloup

Le débardeur ivre a mis 6/10.

Annotation :

(04/05/2025)
Il faut rendre à Brian Eno ce qui est à Brian Eno. C'est à dire cette façon qu'il eut de verbaliser, mais aussi, malheureusement, de limiter par sa subjectivité le concept du genre musical qu'il nomma. Bien entendu, et ce livre est là pour l'attester, il exista de l'ambient avant, et il en exista après et toutes ces créations ne furent pas forcément des nappes sonores sereines.
Un bonne base de donnée d'albums par ailleurs, que je n'ai pas encore tout a fait épuisé. Encore pas mal de pépites à découvrir.

Des fleurs pour Algernon
8.1

Des fleurs pour Algernon (1966)

Flowers for Algernon

Sortie : 1966 (). Roman, Science-fiction

livre de Daniel Keyes

Le débardeur ivre a mis 6/10.

Annotation :

(04/05/2025)
Con ou intelligent, les gens vous rejettent quand même.
Je voudrais résumer ce livre à ce seul aphorisme mais ce serait er à côté de sa derniere partie, cette désagrégation que l'on devine presque dès les premieres pages et que j'ai personellement trouvé trop convenue. Il est évident que ce qui lui est donné va lui être repris, et c'est justement (sur un plan peut-être très subjectif) toute l'amertume qui se dégage du constat que dresse Charlie, entre l'aveuglement de la stupidité et la solitude de l'intelligence, qui confere à ce récit sa singularité, son sel. Ce qui est évident, c'est que dans la froideur du genre qu'il effleure ( la science-fiction), Des fleurs pour Algernon ressort comme un récit très humain et joliment empathique.
Cependant, ne nous voilons pas la face : cela reste un mélodrame. Si je n'ai d'habitude aucune hostilité particuliere à l'égard de ce style (il en faut), la greffe des codes - particulierement appuyée par ailleurs, avec l'utilisation de la premiere personne et du discours introspectif par le biais de compte rendu qui rendent l'ascension et la chute très personnelle - suppure sur la durée. L'examen de conscience qui piétine, mâtiné de psychologie voire de psychanalyse par moment hasardeuse, a ce quelque chose qui lasse. C'est un risque à prendre quand on veut écrire quelque chose d'intime , et Keyes l'a pris. Pour le meilleur, vu la réputation universelle de ce livre.

La Battue

Sortie : 1 avril 2015 ().

livre de Rohan Wilson

Le débardeur ivre a mis 7/10.

Annotation :

(12/05/2025)
"L'enfant spirituel de Cormac McCarthy".
Non. Rohan Wilson est Rohan Wilson, et c'est déjà pas mal. Mais rapeller que l'ombre de "Méridien de Sang" plane evidemment sur cette Battue est nécessaire, car il parait évident que l'auteur australien n'aurait jamais abordé son histoire avec ce style-ci si le chef d'oeuvre américain n'avait pas existé. Je peux paraitre monomaniaque avec "Méridien de Sang", et après tout mes lectures gravitent toujours de près ou de loin de son pôle magnétique, mais cela me permet justement d'appréhender par l'opposition d'autres sensibilités, d'autres approches de la littérature du massacre.

Et justement, si ici en cette Tasmanie de 1829 l'enjeu initial est une fois de plus de traquer et de tuer des naturels, si les dialogues ne sont jamais annoncés et alternent entre une vulgarité décatie et un lyrisme aussi taciturne qu'étonnant, si les descriptions des environnements sont autant de peintures puissantes qui rendent hommages à la très grande diversité des biomes Vandiemiens, l'histoire est en un sens bien moins violente et désespérée - ce qui est assez étonnant quand on sait que les aborigènes de Tasmanie ont été totalement exterminés. De par sa texture et quelques touches, mais surtout par son choix de faire d'un traqueur aborigène rangé du côté des colons blancs le personnage central du livre, Wilson se détache d'a peu près tout ce qu'on pourrait attendre d'une oeuvre d'emblée vendue comme l'héritiere australienne de "Blood Meridian" afin de proposer quelque chose qui sera moins axé sur la cruauté et bien plus orienté sur la Tasmanie en tant que territoire. Une Tasmanie encore sauvage qui écrase par son hétérogénéité, et qui semble encore à même d'éponger toute la violence décrite.

Les Ecorcheurs (2023)

Violence et pillage au Moyen-Age, 1435-1445

Sortie : 20 octobre 2023. Essai, Histoire

livre de Christophe Furon

Le débardeur ivre a mis 7/10.

Annotation :

(14/05/2025)
Il est vrai que j'ai été surpris, à la façon de l'utilisateur.rice SC qui m'a permis.e grace à sa liste de lecture de découvrir ce travail, des balises temporelles qu'appose Christophe Furon sur l'évenement dit de l'écorcherie - à savoir la décennie 1435/1445, celle de la paix d'Arras et de la praguerie de 1440 entre autres menus évenements. Par une sorte d'effet mandela apparemment collectif, ecorcheurs et grandes compagnies s'imposent dans un imaginaire commun comme une seule et même chose bien sinistre ; grâce à Christophe Furon, je saurais à l'avenir différencier les deux.

Qu'est-ce que l'écorcherie si ce n'est une proposition assez sérieuse pour la fin du Moyen-Age en ? Si ce n'est la fin du Moyen-Age en tant qu'ère (pour autant que cela puisse signifier à l'historien moderne), il apparait comme évident que cet évenement cloture la séquence féodale de la maniere la plus graphique et la plus chaotique qui soit, la centralisation étatique de Louis XI venant quelques années plus tard jeter la derniere pelletée de terre sur le cerceuil. Cet ère de semi-anomie durant laquelle des compagnie mercenaires désoeuvrées traversent et ravagent les campagnes franco-bourguignonnes a de quoi ioner tant elle permet, en soit, de contempler par la chronique et l'enquête l'accomplissement d'une mutation sociale que le monde medievale empêchait de toutes ses forces. L'écorcheur, piétaille ou capitaine, est en soit un homme nouveau, dont la prédation et la violence apparait comme un rejet des lois de son monde et de son époque. Le pardon royal, voire l'intégration au sein des compagnies d'ordonnances nouvellement créées de ces individus marquerait la confirmation de ces hommes (petit h) nouveaux, bâtis à l'ambition. Assez fascinant instant de l'histoire française, pourtant assez négligé.
Pour autant, malgré son classicisme, le livre de Furon devient assez bouleversant quand la sélection de sources laisse entrevoir les victimes de cette frénesie. Enfant pendu dans une cheminée, centenaire attaché à un cheval puis trainé dans la boue, prostituée massacrée par des paysans revanchards, adolescente violée à mort...Autant de petites vies réanimées dans toutes leurs soufs.

Tous ceux qui tombent
8.3

Tous ceux qui tombent (2021)

Visages du massacre de la Saint-Barthélemy

Sortie : 2 septembre 2021. Histoire

livre de Jérémie Foa

Le débardeur ivre a mis 10/10.

Annotation :

(19/05/2025)
En lisant Foa, j'ai eu la sensation de retrouver un peu de ce que l'historienne résistante Marguerite Gonon avançait dans le si beau documentaire qui lui avait été dédié en 1986: "Je connais les gens du moyen-âge, disait-elle, aussi bien que je connais les gens de 1986." A force d'excaver l'archive, de se noyer (sans mauvais jeu de mot, vu le sujet traité) dans les actes notariés de la seconde moitié du XVIe siècle, l'historien des guerres de Religion qui nous intéresse ici parait doté aux yeux de l'amateur (que je suis) du même don. Et comme tout super-pouvoir, il crée une solitude, une mélancolie si grande qu'elle ne peut être contenue ; l'auteur ne semble pas du genre à lui apposer des carcans de solennité scientifique et c'est bienvenu.

L'écriture de l'historien est donc ici surprenamment intime. C'est elle qui, en premier lieu, bouleverse. Ce n'est pas la seule. La Saint-Barthélémy, comme toute hécatombe, est une abîme que l'on croit avoir cerné : un meurtre massif prémédité paradoxalement cantonné aux conflits de cour, l'instant paroxystique (voire purgatif) de décennies de guerres civiles où moururent avant tout des figures "importantes"... Il n'en est rien. Ce massacre comme le présente Jérémie Foa, au niveau des "visages" donc (d'où tout le sens d'une écriture intime),s'opère entre voisins du peuple, entre membres de la même famille, et ce en Paris comme en province. On touche du bout de ces inventaires et de toutes ces dépositions en moyen français, qui finissent par faire concordance dans un jeu de piste sidérant, un monde de persecutions, de rancoeurs et d'avarice. Un monde de ligues bourgeoises et de fraternité milicienne pour les tueurs, un monde d'abjuration et de peur constante pour ceux qui seront tués ou survivront à peine. Le chapitrage proposé en enquêtes, s'attardant sur des cas qu'il relie entre eux (créant cette interactivité de voisinage qui permet donc à ces gens du XVIe siecle d'être aussi reconaissables que ceux du XXIe), permet à Foa de disséquer "l'évenement monde" qu'est la Saint-Barthélémy, de sa topographie à sa psychologie, de son économie à sa troublante modernité.

Les Mines du roi Salomon
6.8

Les Mines du roi Salomon (1885)

King Solomon's Mines

Sortie : 1926 (). Roman

livre de Henry Rider Haggard

Le débardeur ivre a mis 5/10.

Annotation :

(23/05/2025)
La mauvaise foi, c'est parfois fantastique. Désireux de légitimer de maniere positive la réedition de l'indéniable classique d'aventure qu'est "Les Mines du roi Salomon", les éditions Terre de Brume se sont senties obligées d'intégrer une préface de l'auteur britannique Brian Stableford qui tend à démontrer que l'oeuvre d'Henry Rider Haggard est une oeuvre progressiste, voire anticolonialiste pour son époque.
C'est faux et ça saute immediatement aux yeux ; pourquoi s'enquiquiner ainsi à ne pas ettre le caractere très "Victorien" de ce récit ? C'est justement sa solide catalisation de l'imaginaire impérialiste et raciste de ses contemporains qui fit des aventures d'Allan Quatermain un classique instantané au moment de sa sortie, surclassant l'alors récemment publié "L'ile au trésor" de Robert Louis Stevenson dont le succès commercial fut d'ailleurs la motivation qui poussa Haggard à écrire son propre roman d'aventure pour petit garçon (afin de s'en mettre plein les fouilles). Vitrine de la course à l'Afrique, ces premieres aventures de l'osseux Quattermain inaugure justement le mouvement de la littérature d'aventure dans tout ce qu'elle a de dérangeante pour un lecteur de notre époque, entre mise à distance et humiliation permanente des personnages indigènes, éloge constant de la civilisation occidentale et essentialisation des coutumes africaines (connes au point de vénerer un mec parce qu'il a perdu son futal), vu à travers le monocle simplificateur du traceur de frontiere et du chasseur d'élephant. Alors certes, quelques timorées saillies aparaissent par moment pour venir critiquer certaines "dérives", voire "bavures" mais elles s'oublient bien vite.

Il reste cependant un roman d'aventure correct. Pionnier dans l'exotisme, donc poussif et téléphoné la majeur du temps, il est intéressant de voir comment Riggard codifie pas à pas le genre du monde perdu. Quatermain demeure le père originel de bon nombre d'aventuriers, d'Indiana Jones à Nathan Drake. Bien plus pleutre que ses sucesseurs, lire les Mines nous font subtilement comprendre pourquoi Alan Moore fit du chasseur le perso prinicipal de sa ligue - et pourquoi, dans son approche materialiste, l'auteur de "Watchmen" le transforma en un opiomane raciste.

La destruction de Kreshev

Sortie : 15 mai 2003 (). Roman

livre de Isaac Bashevis Singer

Le débardeur ivre a mis 6/10.

Annotation :

(24/05/2025)
Satan en narrateur, un voisinage juif dans une ville de Pologne à une époque non précisée, un couple dévoré par la ion et le blaspheme...Bref, un conte méphistophélique plutot sordide dont le "cataclysme" final, annoncé par ce titre si abrupt et fascinant, a quelque chose de précipité et donc d'assez décevant. La véritable destruction ici est celle d'une femme avant tout, prise au piege dans un couple à la toxicité insidieuse et d'une communauté aux moeurs bien tristes. Avec le recul, faire du diable le narrateur a quelque chose de finalement pas si con dans le sens où Singer le positionnerait presque durant tout son récit comme un spectateur plus qu'un acteur. On le lit dire qu'il a jeté des sorts, qu'il tente les mortels, patatipatata, mais il ne parait pas être responsable dans le flot des évenements qui conduiront cette ville à la combustion. Le mal est une chose purement humaine, voire masculine.

Zoulou Kingdom
6.1

Zoulou Kingdom (2006)

Sortie : 2006 (). Roman

livre de Christophe Lambert

Le débardeur ivre a mis 6/10.

Annotation :

(29/05/2025)
Quel embêtant petit livre ! Il ne parait pas comme ça, perdu qu'il est dans la collection sf des éditions Pocket avec son allure d'énieme uchronie d'un auteur français adepte de la citation, mais il s'articule pourtant à deux pas d'un précipice abyssale. Et si je l'ai dévoré car il est écrit à la façon d'un scène à scène très cinématographique (proche du travail littéraire d'un Zahler, par exemple), il me laisse cependant un arriere gout de cendre dans la bouche...

Redite de "La Guerre des Mondes" où l'Angleterre Victorienne ne serait pas envahie par des Martiens mais par ces même guerriers Zoulou qu'elle essaie de mater à l'autre bout de la planete, transportés de leur Zoulouland natal jusque sur les côtes anglaises par une magie tribale ayant pour ce faire besoin du meurtre rituel de quelques jeunes femmes (coucou Jack l'éventreur), ce Zoulou Kingdom est une opportunité pour Christophe Lambert de donner vie à une idée qui le taraude depuis son enfance. Il l'avoue lui même dans la postface du livre, où l'on lit assez circonspect l'auteur détricoter la maille de réferences qu'il se sent obligé de nous clarifier afin de nous faire ressentir le cheminement créatif de son concept.
Mais pourquoi se sent-il obligé de nous le clarifier, justement ? Peut-être parce que tout ceci est assez limite, que Christophe Lambert s'en rend compte et qu'il espère par cette addendum se dédouaner de toute logique racialiste. Son histoire, celle de guerriers noirs déferlant avec violence et sauvagerie au coeur de l'Europe, évoque (sans doute sans le vouloir) "L'invasion noire" du Capitaine Danrit (aka Le Jules Verne raciste). Essentialisée, déshumanisée, cette submersion est vue comme un chatiment sur une société victorienne décadente, déchirée entre violence économique, sexuelle et ironiquement raciste. Loin de moi l'idée de jouer les choqués du village - j'ai lu et lirai sans nul doute bien pire - mais ne pas capter cela, ou tenter de faire comme si cette oeuvre ne pulsait pas d'un imaginaire colonialiste, ce serait justement er à côté de son interet principal : une oeuvre écrite comme un renversement décerébré, une giration plus ou moins intelligente sur la bassesse humaine.

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