Parmi les jeux majeurs de ces quinze dernières années qui reviennent constamment dans les discussions, The Last of Us a une place prédominante. Étant adoré par bon nombre de joueurs, ça faisait longtemps que je voulais savoir de quoi il était réellement question, mais je n'avais pas envie de me lancer dans l'histoire sans avoir la possibilité d'enchaîner rapidement la suite jusqu'à maintenant indisponible sur PC. Comme Sony s'est enfin décidé à sortir le second opus dans un mois, le temps était venu de découvrir ce jeu.
La première chose qui marque quand on lance The Last of Us, c'est sa qualité graphique, surtout quand on peut jouer en ultra sur PC. Les décors sont remplis de détails, tout est extrêmement bien travaillé. Progresser dans les niveaux et voir le soin apporté à chaque pièce et à chaque paysage est grandement plaisant. La qualité des animations est également phénoménale. Je pense que ce jeu a la meilleure motion capture que j'ai pu voir dans un jeu vidéo. Les visages sont ultra détaillés, et chaque expression faciale a cette touche de réalisme qui manque souvent aux jeux qui cherchent le photoréalisme. Même la simulation de l'eau m'a semblé un cran au-dessus de ce qu'on trouve ailleurs. Quand on voit le résultat visuel, on comprend les histoires de crunch qui ont pu souiller la réputation de Naughty Dog.
L'intro est particulièrement mémorable et fait sans doute partie des intros les plus percutantes du jeu vidéo. La mise en scène est particulièrement soignée, et tout fonctionne bien. Pourtant, dès l'intro, on retrouve un problème narratif qui va perdurer tout au long du jeu, à savoir que le jeu ne raconte pas une histoire, il saute de moments coups de poing en moments coups de poing.
Si on s'y attarde deux secondes, on se rend compte que le jeu n'a finalement pas d'histoire, son scénario est ridiculement basique. En vérité, si on devait écrire une histoire de zombies post-apocalyptique la plus simple et plate possible, on arriverait sans doute à ce que The Last of Us propose. Quand on y réfléchit, le jeu dure entre 15 et 20 heures, mais ne raconte globalement rien. On pourrait résumer le jeu en une moins d'une demi page tellement les événements sont limités. Et comme le jeu n'a pas grand-chose à nous raconter, au lieu de mettre en scène des événements, il met en avant des scènes à forte dose émotionnelle. Le jeu carbure à coups de décharges émotionnelles. Simple résumé :
La mort de Sarah, la mort de Tess, la mort du partenaire de Bill, l'embuscade à Pittsburgh, la trahison de Henry, la mort de Sam et Henry, la blessure de Joel, le kidnapping d'Ellie, la mort de David, la mort de Marlène.
Là, je viens de résumer tout le jeu, à l'exception du age à la centrale hydroélectrique avec Tommy, qui est le seul age sans événement choc (même s'ils ont tenu à créer une pseudo-attaque inutile qui n'a pas vraiment de sens pour avoir une séquence action).
En soi, ça pourrait fonctionner, sauf que c'est un artifice un peu grossier qui met sous silence d'autres éléments narratifs, comme la construction de la relation entre les personnages et le développement de ces derniers. Dans le jeu, il n'y a que très peu de scènes de dialogue où les personnages discutent simplement de leurs plans, de leurs attentes, de leurs peurs, dans leurs envies, etc. En somme, des scènes normales qu'on trouve dans n'importe quel récit. Pour preuve, il faut attendre la fin du jeu pour qu'Ellie raconte à Joel qu'elle a perdu sa meilleure amie lorsqu'elle s'est faite mordre. À ce moment-là, ça fait un an qu'ils voyagent ensemble, et en un an, ils n'ont jamais eu de discussion aussi basique ? J'ai bien aimé le personnage d'Ellie qui semble une ado cool et sympa, sauf qu'une fois le jeu fini, j'avais l'impression que je ne la connaissais même pas et que j'ignorais tout de ce personnage, comme si elle n'avait aucune profondeur, ce qui est triste pour un personnage avec lequel j'ai é près de 15h.
En y réfléchissant davantage, le problème derrière cette idée qu'il n'y a pas d'histoire, c'est qu'il n'y a en réalité pas d'événements externes aux personnages principaux (hormis un ou deux). Dans presque n'importe quel récit, il se e des choses qui sont hors de la portée des personnages, et ces derniers doivent réagir par rapport aux imprévus. Dans The Last of Us, cette logique se manifeste surtout à travers le age avec David, mais hormis ça, les événements externes sont si minimes qu'ils ne sont que des contretemps. Une façon de le constater, c'est de se demander si tel ou tel age a un impact sur l'évolution de l'histoire et si le retrait d'un age changerait cette dernière. Par exemple, si on retirait les personnages de Sam et Henry, l'histoire serait exactement la même puisque dans tous les cas, Joel et Ellie doivent traverser la ville pour continuer leur périple.
Les sauts temporels sont un autre problème narratif majeur du jeu. Pour une raison quelconque, les scénaristes ont voulu faire des ellipses de plusieurs semaines, voire plusieurs mois entre différents moments clés du jeu. Et c'est durant ces périodes que la relation du duo évolue. Le jeu ne montre finalement que très peu le processus de rapprochement des deux personnages. Ce rapprochement est sous-entendu, et c'est en ant d'une saison à l'autre qu'on voit qu'ils sont devenus plus proches. Au final, chaque phase de gameplay ne dure que quelques jours, voire parfois moins, on ne voit donc presque rien des moments qui font qu'ils se rapprochent et commencent à s'apprécier.
Ce problème concerne aussi le développement individuel des personnages. Avoir un personnage qui évolue entre le début et la fin d'une histoire est un principe de base de la narration, sauf qu'ici, les personnages ne semblent pratiquement pas bouger. Ellie est amenée à prendre soin d'elle-même et à faire ce qu'il faut pour rester en vie, mais dès le début du jeu, elle a en elle ce qu'il faut pour survivre. Même si elle répète qu'elle a peur, dès le départ elle prend sur elle et fait preuve de courage. Elle demande aussi à avoir une arme et accepte de se battre. On est loin du personnage enfantin qui est extirpé de son enfance et qui doit grandir coûte que coûte ou mourir. Quand on rencontre Ellie, elle est déjà mature et souhaite être indépendante. Et à la fin du jeu, elle n'est pas particulièrement différente de ce qu'elle était un an auparavant.
La même chose s'applique à Joel, sa seule évolution étant son affection pour Ellie, mais pour le reste, il était têtu, grognon et prêt à tout pour survivre, et il en va de même à la fin du jeu.
Sur le plan purement narratif, je trouve que le jeu n'a absolument rien d'incroyable. Je ne sais pas d'où sort cette aura de jeu phénoménal au scénario exceptionnel. Tout ce que j'ai vu, c'est un enchaînement de personnages pas particulièrement profonds vu qu'on les voit une heure au maximum et des scènes assez bateaux dans ce genre d'histoire. Ce qui est triste, vu que le jeu propose un dilemme moral intéressant, qui n'arrive que trop tard dans l'histoire, et le jeu se termine avant que cette thématique soit pleinement explorée. Je me dois aussi de mentionner ce age absurde qui m'a donné envie d'arrêter de jouer tellement ce cliché m'énerve :
Quand Joel se retrouve blessé, il est au bord de la mort, et n'a aucune assistance médicale et une alimentation certainement sous optimale, mais se réveille soudainement après une seule dose d'antibiotique et trouve la force d'aller batailler pour sauver Ellie (qui n'avait même pas besoin d'aide). J'en ai marre de ce cliché du gars physiquement défoncé qui parvient à surmonter ses blessures par la force de la volonté ou je ne sais quelle absurdité (coucou Ghost of Tsushima).
Niveau gameplay, j'ai trouvé le système de loot et de craft très frustrant. D'un côté on a des environnements exceptionnels qu'on veut juste irer, et de l'autre on nous impose un système de loot qui nous oblige à garder la caméra au sol à la recherche de loot et de munitions, au risque de er à côté de ressources importantes. Pour contexte, j'ai joué en difficulté Hard (avec encore deux niveaux de difficulté supérieurs), donc j'avais encore de la marge, pourtant même avec ce niveau de difficulté et en jouant beaucoup sur la discrétion pour utiliser le moins de ressources possibles, je me trouvais à devoir fouiller de fond en comble les environnements.
À mon avis, le problème n'est pas tant la rareté des ressources, mais le fait que le jeu ne les met pas en évidence, à moins qu'on soit littéralement devant elles. S'il y avait un logo plus gros et affiché de plus loin indiquant une ressource à ramasser, le joueur n'aurait pas à longer chaque table et à ratisser chaque mètre carré de peur de rater quelque chose.
L'autre gros problème du loot, c'est l'inconsistance concernant les munitions. Parfois, quand on tue un ennemi, on peut ramasser les balles de son arme, et parfois non, sans aucune raison apparente. L'arme est littéralement par terre, devant moi, je la vois, mais je ne peux pas la prendre pour récupérer les balles. C'est un choix de gameplay qui casse complètement l'immersion, qui est particulièrement frustrant et qui semble totalement artificiel pour simplement pousser le joueur à subir le loot des différentes zones qu'on visite.
Après, pour un jeu de zombies, au final on e plus de temps à combattre des humains que des infectés, à croire qu'ils ne savaient pas quoi faire de ces derniers pour rendre leur intégration intéressante. Il n'y a que quatre types de zombies, dont un type qu'on ne voit finalement qu'une fois. Les ages avec les infectés sont assez répétitifs, ils consistent surtout à s'accroupir et à marcher doucement pour ne pas se faire repérer. Je crois qu'il n'y a que deux ages où le jeu nous force à les combattre. Ces ages sont d'ailleurs complètement loupés puisque le jeu, pour une raison incompréhensible, ne donne pas assez de munitions pour se défendre. La technique consiste donc à courir en rond dans la pièce en attendant que l'IA de notre partenaire s'occupe de les tuer. Un échec complet du gameplay.
En parlant d'IA, j'ai trouvé que celle des ennemis humains fonctionnait plutôt bien, en tout cas mieux que bon nombre de jeux, avec des comportements cohérents et pertinents. Par contre, nos alliés sont complètement à la ramasse. Ellie se cache n'importe où et e littéralement devant les ennemis (qui ne la voient pas puisqu'ils sont programmés pour ne détecter que le joueur) ou rentre en collision avec eux. Et nos compagnons restent immobiles à côté de nous quand on est attaqué par des infectés. Le jeu a aussi la fâcheuse tendance à faire parler Ellie dans des moments d'infiltration où on est censé être justement silencieux, ça n'a aucun sens.
Voilà en somme mon expérience de The Last of Us. Encore une fois, un résultat plutôt décevant pour un jeu dont on entend souvent les éloges. Un joli emballage très bien travaillé pour une histoire simple et basique qui n'a pas grand-chose à raconter, le tout accompagné d'un gameplay qui tend vers la frustration avec ce système de loot trop lourd et encombrant.