Après être rentrée dans la sixième génération de consoles avec Code Veronica sur la Dreamcast, Capcom réoriente la franchise sur Gamecube à l’occasion d’un partenariat de première importance débutant avec un remake, celui du premier épisode de la franchise horrifique, par Shinji Mikami lui-même. Resident Evil dans sa version Gamecube, que j’appellerai par commodité Rebirth même si je sais très bien que ça n’a jamais été son nom officiel, est un projet que je trouve pertinent car le jeu d’origine a toujours souffert à mon sens de sérieux défauts en raison des limites de son ainsi que du manque d’expérience et de moyens de ses développeurs. Et n’ayant pas apprécié Code Veronica, je ne suis pas très déçu que la franchise ne persiste pas dans sa voie.
Cette critique concerne cette version Gamecube originale, elle est à différencier de l’épisode original sur PS1 ou encore de sa remasterisation de 2015. Pour rappel, si j’apprécie la franchise Resident Evil, je n’apprécie pas du tout son premier épisode et j’attends donc de cette version une relecture en profondeur de l’expérience qui se vend donc comme une renaissance.
RÉALISATION / ESTHÉTISME : ★★★★★★★★★☆
Accueilli par une cinématique d’introduction complètement refaite, mes premières impressions furent grandioses, je l’apprécie beaucoup plus que la version filmée de la PS1, qui je le sais a ses fans inconditionnels pour lesquels nanardise rime avec joie de vivre. Personnellement, j’ai une large préférence pour cette cinématique à la mise en scène qui me parle beaucoup plus. Ce plan où l’on voit le regard de Jill figée par la peur, la musique angoissante qui y va crescendo, l’action qui s’enclenche brutalement... cette seule cinématique est déjà un beau travail et n’en est pourtant que le début.
L’expérimentation des décors tout en 3D de Code Veronica ayant plutôt déçu les fans, le choix est fait d’en revenir aux décors pré-calculés des épisodes antérieurs, et c’est un choix qui a toute mon approbation. Si loin sont les gros tas de pixels de l'épisode original, expliqués par son technique bien entendu, j'ai été bluffé par la qualité graphique de ce remake. C’est à tel point que je dirais que Resident Evil est l’un des plus beaux jeux non seulement de 2002, non seulement de la Gamecube, mais tout simplement de toute sa génération, alors que le jeu est un remake fait assez rapidement sur une machine sur laquelle les développeurs n’ont pas encore travaillé, quelle claque !
Les décors sont superbement détaillés, la direction artistique est sublimée dès le hall du manoir, les effets d'eau rendent super bien, les effets de lumière sont très bien gérés (éclairs, feux...), les reflets dans les miroirs ou même dans la flotte sont impressionnants de détails, les éléments en 3D ne jurent plus dans les environnements, il y a moins de temps de chargement, les animations du personnage joué sont encore plus développées pour accentuer leur personnalité et épo leur nouveau chara-design... d'un point de vue artistique comme technique ce remake est irréprochable.
L’ambiance horrifique est très clairement renforcée à travers les nouveaux choix de direction artistique et de mise en scène en cinématique comme en temps réel, que ce soit le zombi qui fracasse la porte qui ne pouvait pas l’être jusqu’ici, les requins faisant monter la pression alors que l’alarme s’intensifie, la nitroglycérine qui menace d’exploser au moindre mauvais réflexe… venant puiser son inspiration dans les suites tout en ayant ses propres idées.
L’OST serait peut-être le seul point sur lequel je dirais que la progression est bonne mais pas fulgurante, surtout après la très grande réussite musicale de Code Veronica, l’une de ses principales forces, mais je ne bouderai pas mon plaisir pour si peu. C'est vraiment appréciable de voir un véritable remake sur lequel il y a eu beaucoup de travail pour rendre le jeu plus impressionnant et que plus captivant que son modèle, modèle qui en plus en avait grandement besoin. D'autant que pour Rebirth, l'aspect visuel n'a pas été le seul à avoir été retravaillé, le contenu a lui aussi été revu en profondeur et c’est là que tout se jouait pour moi.
GAMEPLAY / CONTENU : ★★★★★★☆☆☆☆
Rebirth apporte tout de même pas mal de nouveautés dans ses bagages. Le level-design a été revu ici et là et parfois très intelligemment avec beaucoup d’apparitions inédites d’ennemis. Des énigmes comprennent des nouveautés ou des différences avec la version originale, venant sanctionner le joueur se précipitant alors que le plus souvent la différence est légère et peut facilement être résolue, ce qui ne rend pas le jeu trop frustrant à ce niveau là. Fort heureusement, la carte plus détaillée selon notre progression atténue bien le problème de l’exploration qui s’en retrouve un petit peu plus fluidifiée. De nouveaux modes de jeu plus difficiles avec des paramètres originaux sont disponibles sous certaines conditions pour les plus acharnés, pas pour moi donc mais j’apprécie quand même que l’ajout existe.
De nouvelles zones de jeu assez grandes s’implémentent en toute logique dans la map globale avec de nouveaux ennemis, de nouvelles énigmes et même de nouveaux boss à la clef. L'ajout des armes de défense est une bonne idée, comme le fait que parmi ces 2 armes il y en a une de spécifique au personnage joué et la possibilité de rendre leur déclenchement manuelle ou automatique, ça s'imbrique très bien dans le jeu à mon sens et permet de compenser l’équilibrage qui rend désormais les ennemis bien plus résistants, tuer un simple zombi uniquement à coup de couteau devient ingérable, les chiens sont d’une agressivité infernale... Augmenter la difficulté des combats ne me semble pas trop problématique une fois le gameplay pris en main, ce n’est pas là que mes reproches s’adressent.
Les zombis qui se relèvent plus forts et plus vifs si on ne les crame pas, ça serait une bonne idée dans un jeu qui n’aurait pas de problème d’inventaire sauf que... La gestion de l'inventaire n’a pas été revu or c’était le reproche majeur que je faisais au jeu original, y ajouter une mécanique demandant de nouveaux items à trimballer, ça ne fait que l’empirer en toute logique. Et en plus, ils ne sont pas forcément bien répartis puisqu’on va trouver du kérosène dans des zones de jeu où ça n’aura que peu d’intérêt comme dans la résidence, et très peu dans des zones où ça semble indispensable comme dans le manoir.
C’est dommage parce que la quantité limitée de kérosène force à ne pas tuer tous les ennemis et ça s’inscrit pleinement dans une logique plus survival-horror qu’action, récompensant le joueur gardant son sang-froid pour comprendre qu’il vaut mieux contourner un ennemi que le tuer dans un environnement large, mais à cause de l’inventaire c’est un coup d’épée dans l’eau pour moi. Beaucoup de bonnes idées intelligentes sont propres à ce remake mais aucune ne rectifie le problème que j’ai avec ce jeu et certaines tendent même à le renforcer.
Les déplacements et la visée sont toujours bien lourds comme je le redoutais, même si visée automatique et demi-tour rapide sont là par défaut, encore heureux, je trouve dommage que ce remake ne se soit pas attaqué à cette question plus en profondeur avec un maniement plus souple, en rajoutant la possibilité de pouvoir marcher tout en tirant avec une arme légère par exemple. Même parmi les améliorations des anciens épisodes, le jeu fait machine arrière, pas de bousculade après que l’ennemi nous ait attrapé à la Resident Evil 2, pas de réelle esquive ou d’amélioration ergonomique de la malle à la Resident Evil 3... reproduisant des défauts de Code Veronica.
SCENARIO / NARRATION : ★★★★★★☆☆☆☆
Comment améliorer un scénario incohérent et nanardesque, le rattacher davantage aux épisodes qui l’ont suivi alors qu’ils ont pris des directions scénaristiques diverses absolument pas prévues à l’avance, tout en respectant ses grandes lignes ? Voilà la problématique complexe et multiple à laquelle a été confrontée Shinji Mikami avec ce remake qui va déjà prendre ce problème à bras le corps avec nouveaux doublages, nouvelles répliques et nouvelles péripéties.
Pour les doublages et les répliques, ils tendent à effacer l’allure kitch du récit au profit d’un ton plus dramatique, plus adapté à l’ambiance horrifique et ça me va très bien, même si je ne comprends pas pourquoi on ne retrouve pas les doubleurs des précédentes productions pour les personnages principaux. Ils avaient fait leur preuve, on commençait à s’habituer à leur voix, il n’y avait pas besoin de tout revoir à ce niveau-là mais puisque cette nouvelle équipe fait du bon travail, aucun reproche ici.
Les personnages bénéficient tous d’une relecture pertinente même si légère. Jill suit une trajectoire psychologique plus complète avec davantage de fragilité en début de récit pour marquer le développement de son assurance au cours du jeu, rendant plus cohérent son comportement dans Resident Evil 3. Rebecca paraît moins idiote et naïve tout en conservant un minimum le rôle de la jeune fille en détresse attachante. Le renforcement du rôle de Wesker en de Chris est assez malin pour rendre les révélations de fin plus impactantes.
Quelques ajouts créent des liens supplémentaires avec les épisodes suivants avec des mentions à William Berkin, Alexia Ashford ou encore Georges Trevor, ce qui permet d’étoffer l’univers efficacement. Mais clairement, l’ajout majeur c’est le personnage de Lisa et son intrigue émouvante et surprenante qui se paie le luxe de très bien s’implémenter dans l’intrigue principale en rentrant dans le jeu de survie des personnages secondaires. On peut toujours reprocher quelques incohérences propres à cette intrigue, notamment en retrouvant Lisa à des endroits improbables, mais c’est le cas également pour le reste de l’intrigue originale, je ne vois pas aucune raison d’en tenir rigueur à cet ajout.
Je salue l’effort, je reconnais la pertinence des changements mais toutes ces améliorations ne corrigent pas les problèmes de fonds de la trame qui reste un navet. Selon moi, il aurait fallu aller encore plus moins en réécrivant une grande partie de l’histoire, en trouvant de bien meilleurs raisons pour expliquer l’absence des personnages à nos côtés, en revoyant complètement la fin pour trouver de meilleurs explications à la survie de certains personnages dont on sait désormais qu’ils ne sont pas morts, rendre les variations de scénario plus systémiques...
À la manière de la campagne annexe d’Ada Wong, Separate Ways, dans Resident Evil 4 quelques années plus tard, ce qui a été fait rajoute une plus-value à l’intrigue et je ne peux que l’apprécier, mais le matériau de base a trop de défauts pour tous les éclipser. Et est-ce que ça ne me donnerait pas une transition toute trouvée pour ma conclusion ?
CONCLUSION : ★★★★★★★☆☆☆
Nous sommes en présence d’un des remakes les plus ambitieux, les plus honnêtes et les plus pertinents de l’histoire du jeu vidéo mais malheureusement c’est sur un jeu que je n’aime pas énormément et qui ne vise pas à corriger ce que je lui reproche principalement. Je m’incline devant son excellence technique et artistique, je reconnais toutes ses améliorations ludiques, scénaristiques et narratives insufflées par le retour de Sinji Mikami, mais j’avais tellement de reproches sur la formule originale que ce n’est pas assez pour en faire à mes yeux le jeu culte qu’il est pour la grande majorité des joueurs. Il est à noter que la version HD est encore sensiblement meilleure, même si beaucoup moins ambitieuse.