Schizophrénique
FFXVI est un jeu schizophrénique capable de souffler le chaud comme le froid d'une heure à l'autre. Pour une fois, les bonnes comme les mauvaises critiques sont légitimes, et les exagérations...
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le 5 juil. 2023
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Depuis trois ans, à chaque printemps je joue à un Final Fantasy. Après Final Fantasy IX, voici venu le dernier opus en date, Final Fantasy XVI. Étant un jeu moderne, il est bien sûr bien différent des épisodes précédents. Faire des parallèles avec les jeux les plus anciens de la série n'a qu'une pertinence limitée. Je ne vais pas rentrer dans le débat du gameplay au tour par tour ou en temps réel, il me semble plus pertinent de parler du jeu pour ce qu'il est.
Qu'est-ce donc que Final Fantasy XVI ? En un mot, c'est un jeu qui m'a semblé en quelque sorte étrange. Tous les aspects du jeu ont à la fois ce côté qualitatif et en même temps critiquable, un peu bancal, pas assez peaufiné, pas totalement bien fait.
Prenons le scénario et l'histoire. Il y a eu un gros travail sur la création du monde que l'on explore, sur les différents personnages, sur l'intrigue, la quête principale, etc. Pourtant, j'ai eu énormément de mal à comprendre les tenants et aboutissements de tout ça. Même après avoir fini le jeu, il y a tout un tas de points qui restent obscurs parce qu'ils ne sont jamais vraiment expliqués. Le problème de l'histoire, c'est comment l'histoire est racontée, le storytelling comme on dirait en anglais. J'ai trouvé que la façon dont le jeu raconte l'histoire est horrible, au moins au début. Pourtant, ce n'est pas faute d'avoir des dialogues et des cinématiques. Le jeu en déborde, et on peut parfois littéralement poser la manette pendant vingt minutes tellement le jeu embarque sur de la narration plutôt que sur du gameplay.
Ce qui manque au jeu, c'est une vraie introduction qui pose les bases de son univers et de son histoire. Le jeu a un début in medias res, on est jeté dans l'action sans vraiment savoir ce qui se e. Même si cette approche a le mérite de nous plonger directement dans le spectacle que l'histoire a à offrir, on n'en reste pas moins perdu face à des personnages qui semblent importants, mais dont on ignore le rôle.
Le scénario a une approche à la Game of Thrones, avec des pays et des royaumes en guerre ainsi que des jeux politiques. Sauf que le joueur ne sait pas qui est qui, qui fait quoi, pourquoi, etc. Après quelques heures de jeu, j'ai dû mettre en pause ma partie pour aller voir des explications de base sur internet. Pour être honnête, le jeu offre plusieurs outils pour expliquer son univers, ses personnages et ses événements. Des outils plutôt bien faits dont j'ai réalisé l'existence un peu tard, mais qui ne font que limiter le problème sans vraiment le résoudre. Ces explications supplémentaires ne sont disponibles qu'après quelques heures de jeu, ce qui laisse largement le temps au joueur d'être perdu dans ce qu'il se e.
Autre exemple de cet aspect à la fois bien fait, mais pas assez : les environnements. Visuellement, le jeu est très propre, il offre de jolis environnements, mais a aussi ce côté très vide. Pendant tout le jeu, j'avais cette impression qu'il manquait une couche de détails, comme avec ces vidéos qui montrent les jeux en phase alpha lorsqu'il n'y a pas encore la touche finale du produit prêt à être distribué au public. On navigue souvent dans des zones qui semblent n'exister que pour héberger des monstres qui attendent qu'on les combatte. Ce qui est un peu dommage parce que les différentes régions sont globalement variées et sympas à parcourir, même si certaines ont un aspect un peu fade, comme s'il n'y avait que les deux ou trois même textures utilisées encore et encore.
Sur le plan visuel, je ne peux m'empêcher d'évoquer ce choix très étrange qu'ont fait les développeurs concernant les conséquences d'un événement du jeu :
Je parle ici du ciel qui devient nuageux et qui crée un filtre rouge sur toute la carte, impactant significativement la beauté des paysages. Même si cet événement arrive assez loin dans l'aventure, il reste quand même un bon paquet d'heures à devoir jouer avec cet effet assez moche. C'est limite du sabotage de la part des développeurs.
Un dernier exemple, la conception des personnages. D'un côté, j'ai adoré le design de tous les personnages qui me semble remarque et surement l'un des meilleurs de l'industrie du jeu vidéo. Ceux qui s'intéressent à la mode doivent être aux anges quand on voit le travail qui a été fait sur tous les costumes. Sauf que derrière leur apparence très travaillée, les personnages ont souvent ce côté un peu cliché, comme s'ils n'avaient pour but que de correspondre à un modèle de référence. L'exemple le plus évident est le personnage principal, qui est le cliché du Dark Sasuke au é sombre et au destin funeste, qui parle avec une voix grave et qui ne sourit jamais. Même si le personnage évolue au fil de l'aventure, il donne souvent l'impression qu'il a été conçu pour plaire aux adolescents, ce qui est franchement triste pour un personnage qu'on incarne pendant plusieurs dizaines d'heures.
On voit bien avec certains personnages qu'ils ont essayé d'aller plus loin, de déer ce moule un peu basique. Par exemple avec Jill, qui donne souvent l'impression d'être le personnage par défaut pour remplir un quota de féminité, ils ont voulu lui donner un é et un rôle plus important à un moment de l'histoire, mais une fois cette partie du jeu terminée, elle retombe dans son rôle de suiveuse qui ne va sortir une réplique que de temps en temps pour montrer qu'elle est là. C'est très dommage parce que le personnage avait du potentiel et que sa relation avec Clive m'a semblé sous exploitée.
Il y a aussi un truc étrange avec le doublage (en anglais tout du moins). Je ne sais pas si c'est à cause du doublage en lui-même ou à cause du faible niveau d'expressivité des visages, mais pendant tout le jeu, j'ai trouvé que les personnages transmettaient très peu d'émotions. Comme si les acteurs restaient dans un éventail d'expressivité très limité. C'est difficile de mettre le doigt précisément sur ce qui ne va pas, mais il y a un petit truc qui m'a chiffonné pendant tout le jeu et qui a clairement diminué l'impact narratif et émotionnel de ce qui est raconté.
Pour les joueurs qui veulent explorer davantage l'histoire des différents personnages et l'univers du jeu, les quêtes secondaires remplissent ce rôle. La grande majorité de ces missions servent à étendre la compréhension qu'on a de ce monde et les problèmes qui s'y trouvent. Le jeu aborde certaines thématiques intéressantes, par exemple le racisme et l'esclavage, à travers la métaphore des individus nés avec des pouvoirs magiques alors que la majorité de la population née sans aucun pouvoir. Même si au bout d'un moment ce thème semble tourner un peu en rond et devenir redondant, il n'en reste pas moins intéressant de voir l'utilisation d'un monde de fantasy pour évoquer des problèmes du monde réel. Ça reste tout du monde toujours mieux que les barbants univers où les méchants sont méchants parce qu'ils sont méchants, sans aucune forme de profondeur pour justifier leurs actions.
Il ne faut toutefois pas essayer de trouver beaucoup de logique dans l'exploration de l'univers, qui privilégie le gameplay à toute forme de cohérence. Par exemple, le jeu propose la possibilité de voyager rapidement vers différents lieux de la carte et essaye maladroitement de justifier cette mécanique. On pourrait ettre que notre personnage peut se téléporter de façon magique grâce à un pouvoir qui lui est propre, mais le jeu applique aussi cette téléportation aux autres personnages de notre groupe, ce qui n'a pas de sens. Ce manque de logique est encore plus visible quand, après de minutieuses préparations, notre équipe voyage vers une nouvelle zone du monde. Le jeu prend bien soin de nous expliquer qu'aller là-bas, c'est très difficile et qu'il ne faut pas se louper. Sauf qu'une fois sur place, on débloque la téléportation vers cette zone et on peut de nouveau se téléporter n'importe où vers les zones précédemment visitées, de sorte que cette zone si difficile d'accès ne l'est plus du tout. Ce voyage qu'il a fallu préparer en amont peut désormais être fait sans limites d'une pression de bouton. Les besoins du gameplay contredisent totalement les implications de l'histoire, ce qui casse la logique de la narration.
Comme je le disais au début, le jeu m'a semblé étrange, et cette sensation vient notamment de sa difficulté. Le jeu est incroyablement facile. En une soixante d'heures de jeu, DLC inclus, j'ai dû mourir à peine dix fois. La première fois que je suis mort, ça devait être après plus d'une vingtaine d'heures de jeu au Crystalline Dominion. Même si j'aimerais pouvoir me vanter que je suis un joueur exceptionnel, la facilité vient du jeu lui-même qui offre plein de moyens de limiter les dangers. Par exemple, il est possible d'équiper des objets qui permettent de ralentir le temps pour faciliter l'esquive des attaques ennemies, voire que le jeu les esquive à la place du joueur. Vu que je ne voyais pas l'intérêt d'avoir le jeu qui joue à ma place, je n'ai pas utilisé ces équipements, et même sans cela, j'ai rarement eu de la difficulté lors des combats. Les seuls moments un peu tendus sont les combats de boss, et encore, que quelques-uns. Tout le reste du temps, il est presque impossible de mourir contre les ennemis de base. Ce qui pose la question de l'intérêt du gameplay. À quoi ça sert d'affronter tout un tas d'ennemis s'il n'y a pas d'enjeu ? Heureusement, le gameplay est plutôt plaisant grâce à tout un ensemble de pouvoirs et de techniques, ce qui offre des affrontements dynamiques. Il reste pourtant regrettable que la difficulté maximale soit réservée uniquement aux joueurs qui ont déjà terminé une fois l'aventure. Un choix étrange et difficilement justifiable.
Le jeu est également très généreux en soin. Même si notre personnage ne peut avoir qu'une quantité limitée de potions, lors de certaines séquences scénaristiquement importantes où il n'est pas possible de se ravitailler, le jeu va nous offrir beaucoup de potions entre les combats pour s'assurer qu'on soit toujours en capacité de se soigner.
Dans le cas où le joueur meurt face à un boss, le jeu, toujours très sympa avec nous, va nous faire reprendre le combat au dernier point de sauvegarde de l'affrontement, de sorte qu'il n'est pas nécessaire de recommencer le combat de boss depuis le début. En plus de ça, on récupère plus ou moins toutes nos potions. À l'exception du dernier DLC, je pense qu'il est impossible de rester bloqué sur un combat de boss tellement le jeu nous offre les moyens de réussir.
Comme je le disais, je suis mort à peine dix fois, mais je voudrais quand même revenir sur ce point. Les morts que j'ai eues m'ont semblé assez injustes, car elles sont le résultat uniquement du jeu qui décide, sans savoir pourquoi, d'utiliser des attaques surpuissantes et bien plus dévastatrices que les autres. Imaginez un boss qui vous enlève au maximum 30 % de votre vie par attaque, mais qui d'un coup, décide de faire une attaque qui va vous enlever 50 % à 60 % de votre vie. Puisque jusqu'à maintenant vous n'aviez jamais été en danger de mourir face aux différentes attaques, il ne semblait pas nécessaire de garder votre jauge de vie au-dessus de 50 %. Dommage pour vous, vous êtes désormais mort à cause d'une quantité de dégâts que vous ignoriez que l'ennemi pouvait vous infliger.
Il y a aussi des situations où le jeu souhaite que vous fassiez une action bien précise, par exemple attaquer le boss plutôt que les ennemis qui l'accompagnent. Si vous ne faites pas ça, le boss peut décider de déclencher une attaque inévitable qui vous tuera forcément. Pour peu que vous ne sachiez pas que le boss peut faire ça, vous vous retrouvez à mourir sans aucune raison valable.
Dernier point sur les problèmes de gameplay, il est également possible de déclencher des attaques qui ont une animation durant laquelle l'ennemi va être plus ou moins ralenti. Sauf qu'il est possible que cette animation soit déclenchée lorsque l'adversaire lui-même attaque et que son coup rentre en avec votre personnage pile au moment où l'animation de votre attaque prend fin. Pour peu que votre vie soit basse, vous pouvez mourir sans vraiment pouvoir faire quoi que ce soit.
Autrement, comme je l'ai dit, le gameplay est très dynamique et plaisant. Il y a moyen de mélanger différents styles de jeu et différentes compétences en fonction de nos préférences ou besoins. Le seul bémol à mon sens, c'est le coût des compétences et de leurs améliorations qui est trop élevé, ce qui limite l'exploration du gameplay. A-t-on vraiment envie de dépenser énormément de points de compétence pour débloquer et améliorer une attaque sans savoir si elle nous plaira ?
L'un des points forts du jeu reste toutefois sa mise en scène. Pour ceux qui aiment le grand spectacle avec des monstres immenses qui se tapent sur la tronche et des attaques à la puissance égale à celle d'une bombe atomique, vous serez servis. Le jeu en met plein les yeux et tire parti de la puissance des consoles modernes pour proposer des affrontements de grande envergure.
C'est maintenant le moment que vous attendez tous, on va parler des musiques. Même si la bande-son a des qualités, comme ce morceau du début du jeu qui pose l'ambiance, j'ai trouvé qu'il n'y avait pas tellement ce côté envoutant et magique des jeux précédents. La musique fait son travail quand il faut et améliore grandement l'ambiance de certains combats, mais elle ne crée pas cette étincelle qui perdure lorsqu'on la réécoute une fois le jeu terminé. Certaines pistes musicales sont également trop utilisées et deviennent un peu répétitives au bout d'un moment. Ce qu'il manque à la bande-son, ce sont des morceaux réellement mélodiques plutôt que simplement des morceaux qui servent à accompagner ce qu'il y a à l'écran.
Pour ce qui est des DLC, Echoes of the Fallen était assez sympa en termes de gameplay et de difficulté, malgré un contenu scénaristique limité. Sa durée de vie était pile ce qu'il fallait, ni trop longue, ni trop courte.
Quant à Rising Tides, non seulement il offre de très beaux environnements (avec un ciel bleu :) ), mais il a aussi une histoire originale sympa à suivre. Ce DLC contient également probablement le boss le plus difficile du jeu, ce qui offre un défi bienvenu bien qu'en net contraste avec le reste du jeu. Dommage que le combat final soit si poussif et peu intéressant.
Je tiens quand même à dire un mot sur la fin du jeu qui me semble assez incompréhensible.
En somme, Clive doit tuer un dieu, très bien, sauf que, hormis si je n'ai rien compris, le jeu n'explique pas vraiment comment on parvient à le vaincre. De ce que je comprends, on le bat, de façon cliché, grâce au pouvoir de l'amitié, littéralement. Clive n'est apparemment pas plus fort qu'Ultima, on doit se mettre à trois pour espérer commencer à le dominer. Mais Clive a la détermination liée à tous ses amis, ce qui lui donne la force de vaincre un dieu. Bon, c'est pas ouf, c'est même un peu bateau et un peu triste que les scénarios de jeux en soient encore là en 2023.
Je ne suis pas non plus un grand fan de l’ambiguïté liée à la survie de Clive ou non. Je trouve que ça n'ajoute pas grand-chose à l'histoire et que c'est un peu une forme de couardise scénaristique que de ref de sceller le destin du personnage principal.
Final Fantasy XVI a beaucoup de défauts dans sa structure et dans ses mécaniques, mais c'est malgré tout un jeu qui se laisse jouer. On suit les événements au fur et à mesure qu'ils nous sont racontés, on explore son monde avec plus ou moins d'intérêt, on teste les différentes options de gameplay, et on profite du spectacle. Est-ce que l'aventure restera mémorable et redra le palmarès des meilleurs Final Fantasy ? Difficile à dire tant le jeu jongle entre les défauts et les qualités. Pour ma part, j'ai bien aimé parce que c'était sans prise de tête et suffisamment divertissant, même si j'ai l'impression que dans un mois j'aurai tout oublié. Le jeu est tellement long et offre tellement de contenu que quand on en arrive à la fin, on commence déjà à en oublier le début. On a malgré tout l'impression d'avoir assisté à une grande aventure, alors je suppose que c'est déjà pas mal.
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