Demi Teinte - Expedition 33

Je me souviens avoir rêvé de Clair Obscur après son annonce ; l'impression d'un déjà-vu foudroyant à l'écriture même de cette critique me pousse à me demander si ce n'était pas finalement bien prévu tout ça.


Attention, divulgâchage. Enfin un peu.


Commençons par les avantages du jeu.

Et son point fort, c'est évidemment le gameplay, bien qu'il ne prenne son envol qu'au début de l'acte 2 pour finalement et malheureusement stagner dans un acte 3 trop court.

On y retrouve donc du Persona 5 dans l'idée, saupoudré de SMT, avec une dose de Sekiro pour les parades/esquives, mais le cocktail, un tantinet bâtard il est vrai, fonctionne assez bien si on se donne la peine de jouer le jeu (justement) et d'exploiter le système jusqu'au bout.

Les combats de boss, surtout entre la fin de l'acte 2 et de l'acte 3 sont assez spectaculaires, dantesques, avec de la mise en scène vertigineuse rappelant les gros méchants de Persona, mais comme tout le reste, le jeu en fait trop, en cela que la mise en scène (redescends vil félon au lieu de voler tel un pigeon romantique avec ton épée qui fait de la lumière) brouille parfois l'action quand la caméra ne cache pas carrément nos persos tentant, pauvre d'eux, d'esquiver une attaque ô combien dévastatrice. En plus de nous déconcentrer. En revanche, l'effet théâtral est là, oui, mais c'est un sacrifice.

Gustave est able pour un temps (ahah), Sciel quant à elle dispose d'un mode assez intéressant composé de marques, Maelle est vite déée avec ses postures mais fait mouche et Verso se contente d'accumuler les points en attaquant et en esquivant, tandis que Lune comme Monocco sont plutôt oubliables et peuvent être mis de côté dès leur introduction, servant juste à l'équipe de réserve pour abattre le méchant s'il lui reste 2 PV.

Mais peu importe au final car c'est cette constante attention et concentration demandées qui fait les combats hautement jouissifs (même si certains mobs sont abusés comme tout inspiration de FromSoftware). Et par conséquent, terminé le fastforward (ou speedhack) avec cheat engine pour avaler la pilule du farm, terminé aussi le leveling outrancier (sauf peut-être à un endroit en particulier), Clair Obscur sait au moins se caler sur une courbe de difficulté cohérente et tranquille, bien que les boss soient assez faciles (en normal tout du moins), que ce soit en bien ou en mal. Difficile pour la plupart de ne pas les one try, surtout quand on connaît déjà leur pattern puisque certains reviennent plusieurs fois.

Il est également réconfortant de trouver un système où l'on peut vraiment combiner les avantages de chaque perso pour éclater un monstre trop puissant ou buter les plus éclatés en seulement un tour. C'est beau, c'est jouissif, ça rappelle de vieilles parties de Tag Force 2 où, avec le deck adéquat, on pouvait invoquer trois monstres niveau 6 en un tour. Cependant, comme déjà dit, le système de bagarre s'essouffle dès l'acte 3 malgré une compétence permettant de déer les 9 999 de dégâts (qu'on forçait depuis déjà plusieurs heures). Et encore, se cantonner à 9 999 dégâts n'est pas un handicap face au boss final. Un léger équilibrage serait sans doute nécessaire avec un futur patch.

On pourrait parler de l'exploration mais elle est si classique qu'elle fait correctement le taff. On pourrait cependant pester sur les murs invisibles digne de Vampyr mais surtout de la PS2. Cependant, pour un FRPG (JRPG dans le sang), quelle importance ? Les phases de plateformes peuvent être critiquables mais encore une fois... on est pas dans un Tomb Raider ou un Prince of Persia. Heureusement qu'on nous fait pas chier avec de l'infiltration cela dit.


Maintenant les désavantages. Eh oui.

Le point faible, donc, et c'est le constat obvie que l'on fait dès l'acte 3 achevé : ce scénario lacunaire, enfantin et finalement bien trop peu travaillé. Tout le propos et son exécution tiennent du mélodramatiques adolescent, bourrés de cutscenes tire-larmes et de violons empesés. On a d'ailleurs vu beaucoup de quarantenaires s'extasier devant le spectacle du jeu et ce n'est pas anodin quand on connait l'explosion du mainstream émotionnel bien 80's/90s dont ils furent abreuvés, puis aussi des écrans, au détriment malheureusement de l'expérience littéraire qui, si elle n'échappe pas à une eau de rose déjà fracturé par Flaubert en son temps, aura toujours eu le mérite de réussir à mieux dissimuler le sensationnel sous les considérations méthodiques du langage pour que les deux, d'ailleurs, se marient d'autant plus solidement. Dès qu'on e au visuel, le théâtre en premier certes mais l'audiovisuel encore plus, il faut de l'émotionnel visuel, affiché, frappant, et alors le risque est... d'en déborder. Évidemment, une caméra peut être subtile, voire très subtile, mais en tout cas, ce n'est pas le cas ici. Tout ça pour dire que ce n'est pas surprenant, ne nous fâchons donc pas, que Clair Obscur vienne nous tirer la larme, cependant, pour un jeu qui tente encore et encore de montrer sa maîtrise de l'animation, de la narration (pas vraiment mais c'est tenté) on aurait attendu un peu plus de retenu et de sobriété sur le plan sensible, pour le rendre d'ailleurs, d'autant plus percutant au final. Nul besoin de nous forcer la larme pour qu'elle tombe, bien que l'on soit à l'heure des déshumanisations et de la machine. On a compris, c'est le Paris fantasmé, ville de l'art, c'est la peinture, c'est la - poésie -, on est de l'ordre du sensible mais tout de même ! Un peu de retenu. Plus les larmes sont difficiles et discrètes, plus elles sont précieuses. Et on a tous pleuré devant RDR1 ou MGS3 mais... c'était qu'une fois et... Dieu qu'on avait été pris de court ! Sûrement l'inspiration J et ARPG qui a toujours la fâcheuse tendance à foutre du mélodrame à toutes les sauces de l'alphabet pour nous faire bouffer de la japoniaiserie.

À croire, et c'est un vrai problème moderne, que la qualité d'une œuvre se mesure à son potentiel larmoyant ; plus on aura pleuré, plus on aura aimé, et Clair Obscur veut se faire aimer, Clair Obscur est ce petit gars qui dit "oui" à tous ce que son crush lui demande, persuadé que s'il fait tout ce qu'elle lui ordonne, elle sera obligée de le respecter. Bref, pleurer c'est bien, ça montre qu'on est humain, c'est à la mode qui plus est, dans un discours quasiment politique de plus en plus prégnant et si noble qu'il défie le tabou de la santé mentale et du non-dit, les stéréotypes et autres mots choisis au hasard pour nourrir une publication facebook dont le seul but est d'apporter des likes et donc du clic. Ou alors est-ce juste les inspirations japonaises ? Peut-être mais même s'il paraît dérisoire, l'ancrage d'une œuvre dans son propre référentiel politico-sociétale, même si ce n'est pas explicitement son sujet, n'est pas anodin. Clair Obscur n'a pas peur de jouer la carte sensible, c'est... clair.

Le constat sera sans doute incisif, caricatural mais il utilisera des symboles donc forcément : Clair Obscur c'est un jeu féminin (adjectif qui n'a rien d'axiologique au demeurant, j'insiste parce que sinon... ; remplacez féminin/masculin par bleu/rose si ça vous chante ou dur/doux peu importe), sensible et tristoune. Oh. C'est meugnon.

Rappel avant d'aller plus loin, toujours sans axiologie quelconque (vu que l'époque est sensible) : les femmes pleurent plus que les hommes, c'est scientifiquement prouvé (les hormones, cherchez pas) et la littérature dite féminine, de sa caractérisation mercantile dans les années 1800 jusqu'à aujourd'hui (new romance et cie) verse toujours dans le drame larmoyant jusqu'au caricatural tandis que des récits plutôt destinés aux hommes s'en empêchent mais parce qu'un homme ça s'empêche disait Camus. Cela voudrait-il dire qu'un jeu masculin (c'est vrai que c'est rigolo dit comme ça) éviterait le mélodramatique et les larmes ? Non pas mais elles seraient plus rares et plus discrètes et ainsi, plus fortes et précieuses. Les larmes d'Arthur Morgan, de Naked Snake ou encore d'Edward Plumkett ? Eh oui. Trop de larmes tue la larme. Sans doute aurait-il fallu ici un équilibrage, malgré un politiquement correct toujours plus fort, surtout en dehors de la sphère vidéoludique. Je suis le premier à trouver Doom, Duke Nukem et autres jeu bien musclé trop peu raffiné pour ma modeste pomme, donc évidemment, que je ne peux que souhaiter du "en même temps" pour citer un mozart de la politique. Un exemple, pour un jeu qui paie pas de mine, mais Carla dans Dead Island 2, exquise et totalement tarax, cassait du zomblar à coup de masse et en lançant des " puta madre " à tous les coins de rues mais la dame voulait aussi et surtout sauver le monde, aider les gens et comprendre ce qu'il se ait. Alors je n'ai pas fait DI2 avec les autres persos mais nous avons un exemple de jeu nerveux qui ne tombe pas dans le caricatural masculin où ça sent la sueur, les couilles chaudes et où plus personne ne prend la moindre douche. Quoique. Revenons à Clair Obscur maintenant si vous le voulez, c'est par là.

Symptôme d'une époque dépressive, blasée, sans émotion où le moindre piano mal balancé permet à des fous de se sentir humain, de ressentir un peu, au moins un peu, quelque chose ? Pleurer pour l'introduction de Clair Obscur ne me semble pas être le témoin d'une existence particulièrement épanouie ou d'une capacité émotionnelle solide ; sans que cela soit un axiome bien sûr, ce n'est qu'un constat généraliste. Un peu comme on suspecterait une personne trop heureuse d'être profondément dépressive, eu égard à des gestes et paroles compensatoires ou à la prise d'anxiolytiques. Cependant, aurait-il fallu que Clair Obscur soit dur ? Insensible ? MASCULIN (lol) ? Non, bien sûr, ils veulent faire vibrer la corde sensible très bien, sauf qu'un peu plus de retenu aurait été beaucoup plus appréciable. Pourquoi ? Moins cliché, moins attendu, moins tire-larmes, moins sirupeux, beaucoup plus surprenant, beaucoup plus fort etc. Une équilibre, dirons-nous, entre sensible et moins sensible, même si la grande sensiblerie doit effectivement, c'est leur choix après tout, prendre le dessus.

Mais est-ce un choix conscient de la part de Sandfall tout cela ? Probablement pas. C'est juste leur truc et quelque part, ils le font bien. Juste bien mais quand même bien. Quoiqu'il en soit, le constat est là : le jeu est sensible. Mais trop ! Beaucoup trop ! C'est ça que je veux dire ! C'est pas parce qu'on pleure deux fois plus que c'est deux fois plus humains ou deux fois plus réussi ! Puis foutez la paix au piano ! #PianoLiveMatters !

En témoigne d'ailleurs ce dernier acte au ciel ô combien pleurant, un peu fourre-tout, avec plusieurs concepts (Les Écrivains, le combat de Cléa etc) non traités mais qui pourtant nous abreuve de sa larmoyante faconde. L'acte 1, déjà, est le moins convaincant, avec un personnage principal qui souffre beaucoup mais après juste dix minutes de jeu (le syndrome Cyberpunk, ne pas avoir le temps de s'attacher à des gens qu'ils disparaissent déjà en pétales de rose... oh...) mais on ne le connait pas ce gus(tave), et encore moins les gens qu'ils pleurent donc... ? Heureusement que le piano est là pour nous dire qu'il s'agit d'un moment triste. Son scénario et sa narration étaient loin d'être satisfaisants mais Last Of Us premier du nom réussissait au moins ce pari très risqué de plonger un personnage inconnu dans une souf folle pour nous la faire partager et nous attacher instantanément. Pareil avec l'arrivée du continent où Gustave souffre déjà d'idées noires (alors qu'on vient de se faire chier à tuer le premier mob, ça aurait été mieux de proposer la phase après) mais heureusement que Lune (qui sait se téléporter visiblement, avec du mana en cristal de scénario) débarque et lui dit de ne pas abandonner. Ce sera d'ailleurs sa seule ligne de dialogue avec un assez récurrent " je te crois pas " sans conséquences, puis aussi, allez, donnons lui ça, quelques fulgurances parfois qui frôle la maltraitance envers Maelle, au point qu'il est difficile d'apprécier le personnage et qu'on se demande pourquoi on aura pas encore largué cette pauvresse trop brune au milieu de la rue tel un chien malade. Sciel, de son côté, malgré son gameplay très plaisant et sa plastique appréciable, reste également enfermée dans son rôle d'allez les amis on va y arriver ; son mari le gentil Pierrot n'est qu'à peine évoqué d'ailleurs. Gustave non plus n'est pas assez développé mais difficile d'en dire plus pour lui. En parlant de développement, tous les personnages que l'on trouve/retrouve n'expliquent pas où ils étaient ni ce qu'ils faisaient ou juste " wesh j'étais sur la plage et badaboum me voilà ici ". Verso débarque de la même façon. Ok très bien. D'accord mais... ? T'as appris quelque chose ? Tu sais où aller ? T'as récupéré des artefacts ? T'as fait quelque chose quoi ? Non rien ? Bon. Maelle ? Qu'est-ce que tu fous dans la baraque de la famille Addams ? C'est qui ce fantôme qui te suit partout ? Et toi Sciel, pourquoi tu joues la gladiateur chez des guignols franglais sortis de NieR (que Sandfall copie un peu trop d'ailleurs) ? On sent donc l'amateurisme de Clair Obscur sur ce point mais gageons que ce n'est là que leur premier jeu et qu'il faudra encore du temps pour qu'ils maitrisent totalement leurs claviers et leurs fichiers word.

Quid d'ailleurs, du fait que les personnages en savent autant sur un monde dont on ne revient jamais ? Est-ce qu'il existe quelques manuels propédeutiques qui arrivent quand même jusqu'à Lumière ? On ne sait pas.

Lumière, Ville Lumière, Paris donc, (littéralement d'ailleurs), est certes joli mais l'on trouve ici un " vrai Paris fantasmé " (qui n'était pas comme ça post Haussmann pré WW1) vu et revu et c'est assez dommage, pour des français, surtout sudistes, de tomber dans le piège. Il ne manquerait plus qu'un des personnages s'appelle Modigliani (parce que l'onomastique du jeu est vraiment particulière et aussi subtil que Death Stranding) pour boucler le tout ; alors d'accord, symbolisme oblige mais tout de même ! Lune ? Verso ? Renoir ? Dessendre ? Allez, qui appelle son fils Verso ? Après c'est quoi ? La fille qui s'appelle Recto ? Je veux bien qu'une famille un peu gauchisante, un peu bobo, nous sorte des Capucine et des Tulipes mais Lune ? Pourquoi pas Soleil, Mercure ou Aldébaran aussi ! On dirait les gars des Antilles quand il fallait obtenir l'état civil mais que ça arrivait en fin de journée donc forcément... tout était pris sauf Pied-de-chaise, Blanchette et Saindoux au choix. Encore une fois, Dessendre ? Comme si tout cela était prévu finalement hein. Ah ! Bah alors ! Oui. Pourquoi pas. On se fout bien, d'ailleurs, de cette famille au final et c'est bien dommage. La faute à des personnages mal introduits et assez peu fouillés, l'acte 3 étant trop rapidement expédié.

Donnons quand même quelques fleurs à Sandfall : chaque acte est différent, que ce soit à son scénario, ses personnages, son gameplay (presque) ou son ambiance ; et il est appréciable, il est vrai, de changer un peu d'air à mesure que l'on avance dans cet énigmatique univers, bref, il y a du renouveau. Il est cependant dommage que tout ce suspens, toute cette tension, se résume à des conflits picrocholins entre quelques personnages secondaires qui ne savent pas s'asseoir autour d'une table pour discuter ; c'est toujours pareil. Beaucoup de carabistouilles, de mensonges, de soufs, de pertes, auraient pu être évité si les gens avaient juste CAUSÉ. Ou se seraient battus. L'un ou l'autre. Baston ou parlotte mais FAITES UN TRUC. Certes, leur drame est compliqué mais personne en va à des extrémités pareilles juste pour faire chier son monde. Moi-même ça m'est arrivé et je me transforme pas en pigeon marbré, avec des chtiottes d'étoiles qui brillent, pour attaquer un groupe de gugusses qui veulent sauver le monde.

Qui plus est, certaines cinématiques sont bien trop longues, notamment autour du début de l'acte 3, se perdent en arguties et amènent plus de questions que de réponses, tandis que d'autres comme l'introduction de Verso sont beaucoup trop courtes ! Le principe même de l'Expédition se casse assez vite dans une palinodie actetroisiemiste même s'il reste agréable d'être décontenancé, on aurait cependant aimé que ce soit pour une raison un peu plus forte et convaincante.

Les deux fins ont le mérite toutefois de sortir de la sempiternelle niaiserie qu'on nous sert dès l'introduction afin de plonger le joueur dans une aporie frappante, sorte d'injonction paradoxale qui montre bien que l'être humain ne fait qu'évoluer entre plusieurs frustrations... Et c'est assez rare, qu'une œuvre niaise de bout au bout décide subitement d'arrêter les conneries pour la fin. D'ordinaire, c'est l'inverse, une histoire dur et solide pour un final de guimauve où tout le monde se réconcilie. Là non. Quoique, le propos n'en devient pas mature pour autant, le fond ne se transforme pas tout à fait, mais il est appréciable de ne pas retrouver le manichéen et très binaire système de bonne fin/mauvaise fin, en plus de pouvoir éviter de recommencer le jeu en faisant 25 choix différents sans conviction pour espérer savoir ce qui se erait si on prend la mayonnaise plutôt que le ketchup pour nos frites.

La narration ne brille pas non plus pour sa sobriété, vous l'aurez compris, avec une musique quasi-omniprésente et qui débarque toujours à des moments clefs, parfois pour nous dire que faut nous concentrer, d'autrefois pour nous dire de pleurer (piano et violon), véritable béquille scénaristique qui semble témoigner là d'une époque trop peureuse d'avoir des consommateurs inattentifs ou tout juste blasé. Le problème d'un tel procédé, c'est qu'il est assez agaçant d'avoir une chanson quand des personnages parlent de sujet sérieux. Les pistes alternent d'ailleurs entre le très bon (musique de boss) et le très moyen, voire le pénible (parties chantés) mais se diversifient assez (même si on aurait préféré plus) avec parfois un peu d'électro et de rock quand il faut. L'écriture des paroles est par contre très déconcertantes jusqu'à parfois partir dans le " lalalalala " ou le " dadadidadada " (et c'est pas une blague) ou à inventer des mots qui, contrairement à des néologismes, ne se basent aucunement sur une sémantique construite et cohérente, basée notamment sur l'étymologie des lexèmes choisis.

On se souvient là d'un ténor comme RDR2 qui, malgré quelques moments mélodramatiques, n'osaient jamais (ou à peine) caler une tristoune chanson pour nous indiquer les émotions qu'il fallait ressentir ; les dialogues, l'ambiance, l'acting, les animations suffisaient amplement ; tout comme MGS3 en son temps ou même Koudelka pour les plus vieux et fous d'entre nous.


Nous pouvons aussi déplorer un doublage VF catastrophique (un comble pour un jeu de Montpellier) et, même si c'est également présent dans la VA, pénible pendant les combats.

- Gustave ne meurs pas ! Ah bah merci je comptais clamser.

- Esquive je t'en prie ! Ah bah merci je comptais essayer de parer la flèche avec ma tête.

- Fais attention ! Oui enfin le monstre de trois mètres de haut me saute dessus, je vais pas faire un bowling en attendant.

Et des vertes et des moins mûres. Certes, on le retrouve dans tous les JRPG quasiment mais entendre ENCORE Lune à CHAQUE PUTAIN de tour sortir " THE STORM IS COMING " ou dans la langue de Jean-Baptiste Molière " Une tempête approche ", ça casse les couilles.


Pour le gameplay c'est évident mais pour le scénario aussi, Clair Obscur finalement, apparait comme un amoncèlement de déjà-vu, une sorte de miscellanées de plusieurs idées chapardées à droite et à gauche ; on retrouve ça et là du FFX (surtout), du Persona 5, du NieR Automata (trop) et même du MGS3. Il existe manifestement un dialogisme interdiscursif exercé entre le jeu et ses références et qui amène forcément le joueur avisé comme connaisseur à deviner les enjeux autant qu'en soupirer lourdement, surtout pour l'éternel retour de la thématique onirique dont on se demande si ça ne devrait pas interdit par la convention de Genève tant le ressort scénaristique a été pompé et repompé, que ce soit au cinéma, à la télévision, en littérature, dans les jeux vidéo, de partout où il est possible de raconter une histoire. Il est difficile donc de ne pas voir Clair Obscur comme un succédané de ses propres références, mixées ensemble (que ce soit gameplay ou scénario) pour nous sortir une salade composée, bonne certes, mais déjà commandée maintes et maintes fois.


Enfin, il faudra sans doute se justifier sur un avis en demi-teinte face à des torrents d'acclamations. Le propos qui fait mal d'abord : sans doute pas assez de références matures ainsi qu'exigeantes au carquois. Le jeu vidéo n'a jamais défié (et n'a jamais prétendu le faire, malgré l'insistance du gamer moyen) la littérature sur sa profondeur (et pourquoi ne pas rajouter le cinéma d'une certaine époque révolue) mais il est clair et non obscur que si le jeu séduit autant de gens, c'est que leur propre exigence n'est pas bien haute. Ce constat me semble d'autant plus vrai qu'il est parfaitement impossible, faites l'expérience, d'aller sur une plateforme de discussions portant sur le sujet afin d'émettre un avis nuancé sur le jeu sans se faire insulter, soit méchamment, soit juste de troll qui veut pourrir l'ambiance. Ah. Évidemment, c'est plus rigolo que triste mais quand même, la propension du fanboyisme à ne pas savoir prendre le moindre recul, ou accepter l'idée même d'avis contraire, tend à démontrer qu'il existe de profondes lacunes dans l'instruction dialectique (voire l'instruction tout court) de ses charmants fans du jeu. Plus de livres et moins de jeux vidéo, malheureusement piégés dans un système influencé, mercantile et ostentatoire, auraient sans doute pallié à ce phénomène (phénomène qui ne marche pas qu'avec Clair Obscur cela dit).

On ne peut, d'ailleurs, pas vraiment leur en vouloir (sincèrement) à ces pauvres fans quand on voit le niveau des jeux depuis... allez disons 2020, même si on pourrait remonter à 2015... d'accord 2010 pour les plus cruels ; Clair Obscur est vraisemblablement au-dessus de cette vague longue et moyenne qu'on se prend dans le nez depuis plusieurs années, mais 20 ans en arrière, sans er inaperçu, le jeu serait sans doute é sous les radars de la hype ou aurait fait "un peu" de bruits. On s'en souviendrait avec nostalgie, on irait d'ailleurs sur le YouTube de 2025 nous taper la musique de fin, l'introduction en 4K, pour lâcher un " oh god, nostalgia hits hard " ou encore " rip my childhood " entre pleins de commentaires commençant par " I love how ".

N'oublions pas non plus qu'aujourd'hui tout est mode, surtout chez les gens peu sérieux, entre influenceurs, twitcheurs, youtubers, presses quotidiennes, et inutile de ressortir Oscar Wilde, Charles Baudelaire, Barbey d'Aurevilly et autres dandys (qui ont sans doute inspiré l'esthétique du jeu au demeurant) pour se souvenir que l'influence est une chose détestable. Trop peur d'être déçu aussi ? Nouveau studio sans idéologie ou casserole au panard (a contrario de Bethesda, Ubisoft et autres qui sont déjà excommuniés et donc des méchants aussi faciles qu'un Russe ou qu'un punk dans les années 80) ? Sans doute aussi que ça doit fonctionner.

D'ailleurs, un monde où les oeuvres d'art sont notées ne témoigne sans doute pas d'une portée artistique très profonde non plus. Je suis conscient cela dit qu'il existe une contradiction à de SensCritique pour faire er ce message alors ne m'en faites pas la remarque.


Gardons donc... un peu de recul : le jeu est sympathique, même très sympathique par moments, mais n'est clairement pas le chef d'œuvre annoncé.

Un scénario moins niais, moins mélodramatique, avec une mise en scène plus sobre aurait été hautement préférable ; cela dit, pour ce que c'est, c'est déjà pas mal. Ils ne sont qu'une trentaine au final dans leur petite équipe. Certains plans et mouvements de caméras forcent le respect d'accord, et mette une claque à AC Shadows et autres Spider-Man, surtout juste après le boss final de l'acte 2 et certaines parties de l'acte 3 mais ça ne suffit pas à faire le Gommage des défauts cela dit.


Certains d'ailleurs trouvent des bons points à constater que Clair Obscur refuse tout "wokisme/progressisme/[utiliser le synonyme le moins clivant]", comme la dernière version de Monte-Cristo, que cela se voit à la tête des développeurs (comparés alors avec Ubisoft), qu'aucun message dit politique ne s'insère ici à coups de marteau et de burin, tandis que d'autres, se plaignent qu'il y a trop de femmes (en tout cas, elles sont présentes) ; le soucis étant plutôt qu'elles sont mal écrites dans leur propre féminilité et que les hommes (Renoir, Verso, Gustave etc) ne se démarquent au final aucunement de leur homologue féminin (Lune, Sciel, Aline, Cléa, Maelle) tant sur le plan du sensible, du caractère et des ambitions. Quoique Gustave et Verso sont les meneurs... Voilà quelque chose que RDR1 ou MGS3, pour les reciter, faisaient bien mieux : l'écriture des personnages féminins dans un monde, réel et fictif, très masculin. Voilà qui me semble (innocemment) misogyne, disons alors plutôt maladroit. C'est comme mettre des noirs dans LOTR, que dit le LORE ? Apprécier les personnages féminins et bien les écrire, c'est aussi révéler leur particularité (de groupe et individuel)

Tiens, pourquoi envoyer autant de femmes dans l'expédition alors que ce sont elles qui portent la vie et que... le problème, c'est justement qu'il manque de plus en plus de gens à Lumière ?

Quelques exemples même si c'est réécrire l'histoire du jeu : considérer, à Lumière, les femmes comme de simples ovules et les hommes comme des soldats facilement sacrifiables auraient pu, pour le coup, proposer un tableau très froid, pragmatique (et révoltant) à peindre ! En plus de questionner le rapport du féminin et du masculin dans un univers paniqué (car Clair Obscur, même si en filigrane, tente le coup). Une femme s'engageant dans l'Expédition et qui aurait été dans l'incapacité de féconder aurait été un personnage intéressant à traiter par exemple mais là, ce serait réécrire le jeu à la place des développeurs et c'est leur bébé après tout, pas celui des joueurs ; et on se rend bien compte à l'acte 3 qu'on s'en fout un peu de cette expédition hein. Puis, il faut bien que Maelle parte à l'aventure sans justification non ? Encore une lacune du scénario.

Finalement, qu'importe que le jeu soit woke ou non, ce sont là des considérations de réseaux sociaux (preuve que l'idéologème de trop de jeux aura parasité nombre de cervelets), le soucis, c'est que les personnages, dans leur identité essentielle (et existentielle également) ne sont pas bien traités... alors que les développeurs prétendent le faire, certes en silence, mais ils le prétendent tout de même. Encore une fois, si Lune est détestable (il en fallait bien une), Sciel n'est pas assez mis en avant et c'est dommage, tout comme Cléa est oubliable, c'est peu de le dire, ou qu'Aline est plus dans l'obscur que dans le clair. Heureusement que Maelle est là mais encore une fois, que ce soit un garçon ou une fille, peu importe, elle ne propose rien dans sa propre féminilité. Ah, elle est douce et empathique mais c'est son adolescence qui le veut.


En revanche, un dernier point et celui-ci est très appréciable, c'est que malgré toutes les influences japoniaises et autres joyeusetés, le jeu conserve son identité française, jusque dans la VA où certains mots restent français.

Il semble malheureusement que le jeu ait été écrit en anglais (Sandfall après tout, et Kepler est anglais) mais tous les textes restent en français (BOULANGERIE, Une vie à aimer etc) ; on est bien à PARIS (fantasmé certes, et c'est dommage qu'on est pas dans le Sud montpelliérain ou azuréen au age mais c'est un peu exagéré) et, comme évoqué plus haut, certains mots dans la VA restent français (Maman, Papa, de guomahje) et les prénoms des personnages aussi (Giusstave et Loune) d'où le nom de Sciel au lieu de Ciel, enfin... sûrement.

Sans arrêt le jeu nous dit qu'hé oh on est en alors parle français. Ce qui est assez rare si on regarde du côté des lyonnais d'Arkhane ou des Parisiens de Quantic Dream et autres Dontnod qui veulent être encore plus anglo-saxons que les anglo-saxons. Le jeu est fier d'être français. Et voilà, ça fait zizir.

Bref, un jeu sympa, sans plus mais qui essaie. C'est déjà ça.


6
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Créée

le 28 avr. 2025

Modifiée

le 28 avr. 2025

Critique lue 1.2K fois

20 j'aime

Djokaire

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