Ape Escape
7.2
Ape Escape

Jeu de Sony Interactive Entertainment (1999PlayStation)

Culte et pourtant oublié

C’est marrant comme certains jeux, sans qu’on les place jamais dans un panthéon personnel, continuent de s’ancrer dans la mémoire comme des jalons. Ape Escape, c’est typiquement ça. Un jeu que j’ai découvert à l'époque et avec la manette adéquat et qui m’a scotché simplement parce qu’il osait autre chose. Pas forcément mieux, pas forcément plus beau, mais différent et souvent, c’est tout ce qu’il faut pour marquer.


Déjà on ne joue pas à Ape Escape comme aux autres jeux. À l’époque, personne ne savait quoi faire de ces sticks analogiques fraîchement débarqué sur la DualShock. Ce jeu, presque seul dans son coin, te dit : “OK, bouge ton personnage à gauche, utilise tes gadgets à droite.” Un système entièrement pensé autour de la double saisie, qui demande un vrai apprentissage.

C’est pas juste un gimmick, c’est le cœur du gameplay.

Tu ne sautes pas pour taper. Tu vises. Tu attrapes. Tu vises encore. Chaque gadget, le filet, la matraque tournante, la voiture télécommandée, la fronde et le propulseur t’obligent à repenser tes gestes. Rien n’est automatique, et même choper un singe devient une mini-danse entre patience et précision. Et ces singes, justement… c’est probablement la meilleure idée du jeu. Chacun a sa personnalité propre, un comportement unique, une façon de réagir à ta présence. Certains fuient dès qu’ils te voient. D’autres te balancent des bananes explosives. D’autres encore attendent, tapis, pour te sauter dessus au dernier moment. C’est un vrai petit bestiaire vivant, qui te pousse à observer, t’adapter, improviser.


Dans un jeu de plateforme 3D sorti à la fin des années 90, c’était pas banal. La majorité des jeux te mettaient un parcours devant les yeux et te demandaient de le traverser. Ape Escape te dit trouve tes cibles. Comprend-les. Piège-les!

Du coup, le rythme est différent. On n’avance pas pour “finir le niveau”, on explore, on revient, on optimise. C’est un platformer presque stratégique, où tu es autant de temps à traquer qu’à sauter.


Visuellement, il a bien vieilli, dans le sens où il a mal vieilli, mais avec panache. Les environnements sont cubiques, les textures baveuses, les animations rigides. Mais le jeu compense par une DA colorée, lisible, parfois même audacieuse dans ses choix de thèmes, zones préhistoriques, laboratoires futuristes, temples flottants… chaque monde a sa petite identité, et même si le moteur technique n’impressionne plus personne aujourd’hui, il garde ce charme de l’expérimentation sincère.


La musique, composée par Soichi Terada (oui, le même qui s’éclate en house japonaise), est une bombe de groove synthétique. Un truc totalement à part, à la fois enfantin et pointu. Chaque piste donne une saveur unique aux zones visitées, avec des nappes un peu psyché, des boucles électroniques qui restent en tête pendant des jours. C’est un jeu où l’audio a une vraie personnalité, et ce n’est pas si fréquent.


Côté structure, c’est relativement classique, tu avances de niveau en niveau, tu débloques des gadgets, tu reviens parfois dans d’anciens mondes pour choper les derniers singes. Mais ça fonctionne, parce que le jeu sait dosé sa difficulté, proposer des situations variées, te surprendre de temps à autre avec un boss ou une épreuve un peu hors cadre. Ce n’est jamais le grand huit d’un Mario 64, ni la narration étonnante d’un Jak & Daxter, mais c’est une aventure généreuse, intelligente, qui mise plus sur l’inventivité que sur la prouesse.


Alors bien sûr, tout n’est pas parfait. Le contrôle caméra, notamment, reste parfois un peu capricieux, la DualShock n’avait pas encore de stick droit pensé pour ça, et on le sent. Certains gadgets sont un poil redondants, les hitboxes ne sont pas toujours d’une précision chirurgicale, et la courbe de difficulté peut paraître molle au milieu. Mais rien qui ne vienne saboter l’expérience.

Ape Escape, c’est ce genre de jeu qui ne fait pas de bruit, mais qui me reste dans un coin de la tête des années après. Il a osé construire une expérience entièrement autour d’une nouvelle manière de jouer, et il l’a fait avec malice, inventivité et sincérité. Ce n’est pas le roi du platformer 3D, mais c’est un prince excentrique, qui a laissé plus de traces qu’on ne l’aurait cru.

Pourtant... Je reste convaincu qu'aujourd'hui, un retour de cette licence pourrait être un véritable vent de fraicheur sur l'industrie. C'est drôle et terriblement engageant!

8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

il y a 3 jours

Critique lue 13 fois

1 j'aime

Anthony

Écrit par

Critique lue 13 fois

1

D'autres avis sur Ape Escape

Imposer un accessoire avec classe et brio, leçon 1

Dans les années 90′ le commerce du jeu vidéo pour enfant était un marché de niche extrêmement casse-gueule, les marketeux et éditeurs préférant appuyer sur le côté éducatif bien pensant et bâclé le...

le 28 févr. 2014

7 j'aime

4

C'est quoi ce pitch à la con ?

Sauter dans une machine à voyager dans le temps dans l'idée de capturer des singes super intelligents dans le é pour éviter qu'ils ne finissent par conquérir le monde ? Un jeu super long, où on...

Par

le 26 juil. 2010

4 j'aime

1

Ces singeries qui pertubent l'espace-temps

Un des premiers jeux Playstation avec DUAL Shock analogue et faisant ressentir la douleur que notre héros a quand il a du mal à capturer des singes, et quand il explore de vastes zones géographiques...

Par

le 27 juil. 2018

1 j'aime

Du même critique

See You Space Samurai

J'ai entendu la sortie du derniers chapitre pour pouvoir enfin partager tous l'amour que je porte à cette série. Gintama, que j'ai dans un premier temps connu fin 2006 avec son adaptation animé, que...

Par

le 1 sept. 2019

15 j'aime

Le saint Okami ne m'aura pas conquit

J’ai pas tenu bien longtemps… Seulement 5h… Puis voici l’éternelle question, ais-je le droit de donner un avis car j’ai fait le choix de ne pas perdre encore 35h sur ce jeu? Je suis vraiment désolé,...

Par

le 3 juin 2020

12 j'aime

6

à vouloir chercher l'originalité et la surenchère, sans plus... On a Kill la Kill...

Difficile de parler d'une telle oeuvre, j'ai l'impression d'avoir vu le "The Expendables" du shonen. Le genre d'anime qui s'assume complètement dans son trip et qui a pour but de nous livrer le...

Par

le 5 oct. 2014

12 j'aime