Catherine Deneuve dans Yokai, c’est un peu comme une apparition spectrale au sein même du film : fascinante, intemporelle… et totalement sous-exploitée. Eric Khoo semble avoir convoqué l’icône française comme on invoquerait une divinité du cinéma, mais au lieu de lui offrir un rôle à la hauteur de sa légende, il la cantonne à une présence élégante, certes, mais bien trop éthérée pour véritablement marquer les esprits.
Son personnage, une expatriée française installée au Japon, aurait pu être l’ancrage émotionnel du récit, une figure de transmission entre l’Occident et l’Orient, entre le réel et le surnaturel. Mais au lieu de cela, elle erre dans l’histoire comme une spectatrice mélancolique, livrant quelques dialogues au compte-gouttes, toujours avec cette grâce détachée qui la caractérise, mais sans jamais être réellement impliquée dans l’intrigue.
Et c’est bien là le problème de Yokai : comment peut-on avoir Catherine Deneuve et ne pas lui donner un rôle à la mesure de son talent ? À plusieurs reprises, le film laisse entrevoir ce qu’elle aurait pu incarner : une femme hantée par son é, un guide à travers l’univers spectral du film, une erelle entre les légendes japonaises et une perception plus cartésienne du monde. Mais non, Khoo préfère la laisser flotter en arrière-plan, comme une silhouette élégante qui traverse le cadre sans jamais vraiment s’y imposer.
Bien sûr, chaque apparition de Deneuve est un plaisir pour les yeux et les oreilles. Sa voix grave, légèrement altérée par le age du temps, confère une aura troublante à son personnage. Mais c’est aussi une frustration immense : on aurait voulu qu’elle prenne les rênes du film, qu’elle impose sa présence comme elle l’a fait tant de fois dans le cinéma français. À la place, Yokai se contente d’effleurer son potentiel, comme une brise légère qui ne se transforme jamais en tempête.
En fin de compte, le film aurait pu être bien plus qu’un simple exercice esthétique s’il avait osé exploiter la puissance dramatique de son actrice principale. Mais non : Deneuve est là, magnétique comme toujours, mais trop peu utilisée, à l’image de ce film qui, au lieu d’embrasser pleinement ses ambitions, se contente de les survoler.