Veneno para las hadas par Spectateur-Lambda

Film vu lors du festival "Hallucinations Collectives".

Film de la sélection "Trois chemins de l'enfance".


Le pouvoir de l'imaginaire des enfants.

Qui a déjà eu le plaisir d'observer des enfants élaborer pour leurs jeux des univers mentaux fantastiques, des univers de tous les possibles, auront été partagés par d'un côté constater l'étonnante capacité de nos enfants à se construire leurs fantaisies féériques et de l'autre puiser dans cette observation, l'expression des liens personnels distendus qu'il nous reste de cette période trop courte de la vie. Comme un memento cruel de notre perte en cette faculté qui semble disparaitre à mesure que nous gagnons en raison.


Une petite fille à l'imagination débordante nourrie des contes qui lui sont lus à l'heure du coucher par une aïeule qui bien qu'ayant oublié sa propre créativité de l'imaginaire n'en est pas moins disposée à accepter le fantastique issu des croyances religieuses, réussit à faire croire à une de ses camarades de classe qu'elle est une très ancienne et très puissante sorcière. Si cette seconde gamine, pourtant élevée dans un milieu plus pragmatique, plus ancré dans une vision scientiste du monde, adhère et même est convaincue de la véracité des déclarations de sa copine, c'est uniquement parce que suite à une incantation formulée par la première, incantation faite dans un but bien précis, qui n'a pas davantage de base concrète que celle de croiser les doigts pour conjurer le mauvais sort ou fertiliser un souhait, une coïncidence heureuse ou pas, advient et laisse penser aux enfants que l'une détient effectivement des pouvoirs de sorcelleries immenses.

Le film ne fait aucun mystère de la nature de ce concours de circonstances, le sort jeté n'a pas fonctionné, c'est le hasard et un ancrage dans le concret qui se sont heurtés à cet instant aux jeux "pour se faire peur" des mômes. Cette optique exclut de facto le film de toute incursion dans le fantastique, il est un guide à travers l'imaginaire et ce que cet imaginaire va animer dans la perception du monde pour ces fillettes. Un cœur qui est d'autant plus mis en exergue par une mise en scène systématiquement à hauteur des yeux des petites, même les adultes avec qui elles interagissent sont toujours cadrés comme si nous les voyions depuis leurs points de vues. Une recette de l'immersion qui ne sera pas sans évoquer une certaine atmosphère à la Amblin.


Se développe alors une relation qui verra le caractère bien trempé de l'une créer un rapport de domination sur l'autre, plus influençable, esquissant là un discours sur la domination des classes sociales auquel on peut être tenté d'addre une réflexion sur l'adhésion aux croyances mystiques, religieuses, des populations les moins éduquées, mais cela est fait sans jamais que ça ne devienne l'essentiel du film, sans jamais que ces questions ne soient tranchées. Chaque spectateur est libre d'y projeter sa subjectivité. Le film est juste un très beau récit de camaraderie forgée au chaudron d'une imagination fertile certes, mais enfantine. Et si l'on soupçonne que hélas le petit jeu délicieusement cruel va mal se finir, si des éléments viennent nous dire qu'une fin effroyable nous est promise, si on est même encouragés par divers dispositifs à se construire mentalement une fin attendue, le film dans un dernier mouvement surprenant renverse notre perception et si effectivement la fin est radicale, elle nous laisse cois et hébétés.


Un peu comme ces sucreries qui en fin de bouche révèlent une petite pointe d'acidité aussi troublante que bienvenue.

7
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le 28 avr. 2025

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