Scarlett l'a dans la peau!

Under the Skin nous arrive comme le petit film expérimental/ science-fiction de cet été.
Et c'est une grande surprise. Après avoir prêté sa voix à l'intéressant mais long "Her", on retrouve à nouveau Scarlett Johansson dans un rôle atypique.
Sans doute habitués au cinéma américain surexplicatif que nous sommes, il est difficile ici de voir le vrai moteur de l'action du film. On comprend certes que "Laura" séduit des hommes pour s'emparer de leur peau. On comprend à peine le rôle des motards, et il n'y a aucun dialogue entre eux (ce qui est normal, les aliens ne parlent pas comme nous). De manière générale d'ailleurs, le film ne s'étend pas en dialogues et la deuxième partie est presque muette, ne contenant que quelques échanges de quelques mots.
Il faudra donc se rattraper à l'image et c'est là que le film prend toute sa dimension.
Le film se découpe en deux environnements. Loin de l'esthétique léchée des productions actuelles, même en contexte réaliste (reprenons l'exemple de "Her"), le premier environnement est un Glasgow naturaliste avec son béton et sa grisaille. Les hommes sont des hommes comme vous et moi, pas des playboys, les plans de la ville semblent sortis d'images d'archives. Et après recherche, on se rend compte que les tentatives de séduction de "Laura" sont en caméra cachée et que Scarlett drague vraiment ces hommes, ni vu ni connu. Et là, on ne peut que trouver sa performance d'actrice superbe! Il est tout aussi rafraîchissant de voir un film où Scarlett n'est pas un sex-symbol. A l'opposé de son personnage de Veuve Noire dans la franchise Marvel, à coups de tenues moulantes et de poses suggestives, on ne manque pas de la voir ici nue ou dénudée, mais comme une fille de tous les jours. Elle est belle, certes, mais avec ses défauts et non idolâtrée. Ses seins ne sont pas rebondis et galbés, sa lingerie sort des rayons discounts et non de chez Victoria's Secret. Une façon de casser son image? Aucune idée, mais c'est positif à montrer à n'importe quelle fille gavée de standard hollywoodien.
Ensuite il y a le deuxième environnement, qu'on va qualifier "d'extraterrestre". Est-ce son vaisseau? Une maison investie en avant-poste? une projection mentale des événements? Le film ne nous le dit pas. Ce qui est certain c'est qu'ici le naturalisme laisse place à des trips qui ne sont pas sans rappeler "2001", aux couleurs tranchées. Le tout accompagné d'une musique qui prend au tripes, digne des plus grands thèmes de la science-fiction noire.
Au age avec la scène traumatisante que je ne citerai pas mais que vous reconnaîtrai au visionnage.

La fin du film par contre est un peu décevante. On voit la quête d'humanité de "Laura" qui se rend compte qu'elle commence à ressentir des émotions humaines mais se rend également compte de l'inaptitude totale qu'elle a à vivre comme une humaine, son corps n'étant qu'une enveloppe. Il est dommage de la voir d'un coup fragile, incapable de se défendre alors qu'auparavant elle était un prédateur sans pitié. être humaine la rend-t-elle fragile? Pire, être une femme la rend-elle fragile?

Malgré ce petit écart dans la logique du film, il faut néanmoins saluer la thématique sur la recherche de soi, de ses émotions mais aussi la critique de la superficialité de ce film. Ce que voient les gens en Laura, c'est un fantasme, mais ce n'est que sa peau, pas ce qu'elle est réellement (symbolisé par l'alien). Pour preuve, ce sont les gens qui ne s'intéressent pas qu'à son corps qui sont épargnés, quoi que inconsciemment. Et quand quelqu'un finit par se rendre compte de sa vraie nature, son désir se transforme en dégoût.
La recherche des émotions humaines induite par le des humains et le fait de vivre dans leur peau rappellera le remake de la série "V", mais avec une approche beaucoup plus contemplative.

Un film à ne pas mettre entre toutes les mains, adeptes de science-fiction à message et visuelle plutôt que d'action. A fortiori, pas dans les mains de ceux qui ne connaissent Scarlett que pour ses rôles de blockbuster.
7

Créée

le 30 août 2014

Critique lue 150 fois

Loïc François

Écrit par

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