Ou quand le théâtre se fait prison.
Elia Kazan, dont c'est le premier film que je vois, signe ici un chef d'oeuvre. Cela se reconnait dans le fait que moi, inculte, ne sachant même pas que le film était tiré d'une pièce, me suis rendu compte de ce caractère théâtral.
Kazan réussit magnifiquement sa mise en scène en transformant ce petit appartement, en une scène de théâtre où intrigues amoureuses, folie et tragédie familiale se confrontent. La chambre et le salon se font scène, et les rues adjacentes se font public.
Se déchireront durant deux longues heures, des personnages tous plus atypiques (une bourgeoise pleine de mystères et qui s'ennuie au point de s'imaginer une vie inexistante et de s'aliéner complètement, un mari violent et viril qui comprend vite le petit jeu du premier personnage, une sœur le cul entre deux chaises, un amoureux éperdu qui se fait manipuler...), dans de longues scènes de dialogues mythiques, où les acteurs, tous géniaux, évoluent dans cet espace restreint, le tout en des mouvements chorégraphiés et millimétrés. S'en est presque éprouvant tant ce huit-clos présente une situation quasi inable où le personnage principal (Vivien Leigh absolument épatante), qui n'est pas sans rappeler le personnage du Blue Jasmine de Woody Allen, horripile et refuse de fuir cet appartement où elle est rejetée par le MÂLE Brando. Ces longues scènes de tensions sexuelles sont contrebalancées par un humour corrosif ; Stanley, avec sa présence masculine oppressante, terrifiante, violente, est le personnage le plus moqué, rendant certaines situations hilarantes. On e aussi à des scènes belles à pleurer où les personnages se dévoilent longuement et expliquent avec ion leurs amours meurtris (à l'image de la scène sublime où Blanche se révèle, faussement certes, à Mitch sur les quais, ou encore celle où notre Bovary moderne embrasse un jeune vendeur de porte à porte).
Le tout est souligné par un style ébouriffant, qui dés les premières images nous promet des portraits de femmes sublimes magnifiées par l'éclairage, un travail sonore impressionnant et des jeux de miroirs époustouflants offrant quelques unes des plus grandes séquences du 7° art.
Brillant dans son intrigue, réussi dans ses dialogues (pas du tout manichéens), plastiquement époustouflant, Un tramway nommé désir est une chef d'oeuvre. Officiellement.