James Mangold n’est pas un perdreau de l’année mais à part une incursion dans le biopic avec Walk The Line, il est dernièrement surtout un réalisateur de films grand public avec Wolverine/Logan, un épisode d’Indiana Jones ou encore Le Mans 66. C’est donc son deuxième biopic qu’il nous livre là et encore une fois, sur une légende américaine qui aime gratouiller les cordes : Bob Dylan.
Le film se concentre sur l’arrivée de Dylan dans le New York des années 1960 jusqu’à sa “trahison” au folk en électrisant sa musique. Tourné dans une reconstitution soignée, la pop visuelle éblouit l'œil autant par les décors que par les tenues des différents personnages. Par contre cette reconstitution est trop propre, rien ne dée et la sensation de se promener dans un musée à ciel ouvert où une époque est idéalisée est très présente tout le long du visionnage. Quoiqu’il en soit, Mangold sait jongler entre la fiction et le documentaire, ce qui peut aussi mettre en doute certaines situations et donc orienter les jugements du spectateur.
Pour illustrer ce biopic, Mangold a su s’entourer. Dans les seconds rôles, Edward Norton en idole et mentor du jeune Dylan est comme à l’accoutumé, très bon. Son interprétation de Pete Seeger (chanteur folk traditionnel), autant avenant que méfiant, est d’une justesse et me laisse penser que Dylan n’a vraiment pas été tendre avec lui. Même si au final, Seeger savait que Dylan ne pouvait prendre son envol qu’en “trahissant” son univers. Les femmes de Dylan (au moins pendant cette période) sont interprétées par Elle Fanning (en petite amie) et Monica Barbaro (en Joan Baez) qui toutes les deux savent jouer sur les émotions et montrent à quel point Dylan a pu utiliser son entourage pour atteindre ses buts artistiques et personnels.
Enfin que dire de Timothée Chalamet ? Il n’interprète pas Dylan, il est Dylan. En comparant les quelques reportages que j’ai pu voir sur Dylan, Chalamet reprend toute la gestuelle, l’articulation et la voix nasillarde qui caractérisent Dylan. Il n’y a pas grand chose à lui reprocher, il a sûrement dû regarder le roi du folk US sous toutes les coutures pour l’incarner. Mais au final, s’en imprégner à ce point, n’est-ce pas simplement copié ? Est-ce que Chalamet a apporté une touche à lui sur son Dylan ? Je pense que seul le principal intéressé peut le savoir.
Cet exercice de style, jonglant entre réalité et fiction, amène à me poser pas mal de questions. Ce que j’en retiens est un Dylan “féroce” pour devenir ce qu’il veut devenir. Il est prêt à blesser ses proches et ceux qui l’ont aidé pour aller en son sens. Est-ce qu’en être arrivé à ce point à consommer les humains a été la réalité ? J’en resterai sûrement sans réponse.
Dans tous les cas, le portrait acide de Bob Dylan qui nous est servi ici est un ravissement cinématographique. J’en suis ressorti avec une question digne du baccalauréat philosophique : doit-on parsemer son chemin de cadavre et renier ses racines pour obtenir ce que l’on souhaite ? Mais malgré ce sentiment, j’ai profité d’une bande sonore et musicale d’une époque dorée pour la folk-pop. Toute la musique est régalante pour les oreilles, autant pour les chansons de Dylan que pour celles de Baez ou encore de Seeger. Donc oui, même si ce génie a un comportement très limite, ce biopic est une petite pépite à voir.