Hong Sang-Soo, où l'épuration jusqu'à la moelle d'une existence qui s'avère être une non-vie. Un jour avec, un jour sans, où l'éloge du vide, du rien, du néant. Fracas intersidéral, vie qui s'échine à ne pas être, à vaquer, à errer, à faire semblant d'exister en s'exténuant à marcher à côté de toutes choses. Destruction de l'être, de l'intelligible, du rationnel. Ici, tout s'échine à faire semblant d'être, mais n'est pas. A la place, des individus qui parlent sans parler, qui marchent sans marcher. Ce sont des fantômes, des observateurs qui se contentent de jouer à vivre comme s'ils avaient une seconde vie de rechange au fond de leur poche. Mais il n'y a pas d'alternative. Il n'y a que la vie, belle et bien là.
La vie de Un jour avec, un jour sans, est une existence réduite au néant. C'est la destruction inconsciente d'individus qui s'échinent à s'effacer, à se montrer inconsistants, inertes, car ils ne sont pas. Ils ne vivent pas. Parce qu'ils ne savent pas être, ils sont du vide, de l’inexistence. Alors ils vivent à côté des choses, à côté d'eux-mêmes, à côtés du monde, des surfaces, des autres.
C'est la radicalité d'un film jusque dans sa forme, son contenu. C'est une mise en abîme d'une oeuvre qui joue à se répéter, à étaler sa propre absurdité, son propre mode d'incommunicabilité. Ce sont des rires qui fusent, mais qui se lassent, se prélassent. Des scènes qui sans cesse se répètent, demeurent les mêmes : d'éternels bouts de vie qui ne savent faire autrement que de répéter les mêmes choses, les mêmes situations, les mêmes lieux, les mêmes visages. Le film en lui-même, comme ses personnages, s'embrouille dans un gruau insolvable. Tout est pathétique. Vies collantes qui nagent dans leur propre esbroufe. Une auto-dérision entière, un tout qui rit de sa propre capacité à se détruire, à être du vent, du rien, de l'inertie.
Et à force, ce n'est même plus drôle. Lorsqu'on connait le cinéma de Hong-Sang Soo, on s’aperçoit que tout se répète, que tout est pareil, identique. Des copies d'humains, des copies de lieux, des copies d'image, d'inertie, de vent, de vide.
Cela, nous l'avions déjà vu dans Sunhi, premier film vu du réalisateur, et petite claque cinématographique pleine de vie, d'absurdité, comiques de situations qui se répètent, immenses de lucidité, d'humour.
C'est un monde à la Rohmer, candide et innocent, naïveté exacerbé où les individus sont des bouts de bois, se tiennent trop loin les uns des autres lorsqu'ils se parlent face à face. C'est une caméra qui filme sans mise en scène, épurée jusqu'à la moelle, au naturel exacerbé, aux personnages non mis en valeur dans leur façon de s'habiller, d'être au monde. C'est une esbroufe, une normalité, une unité des êtres humain, une platitude des attitudes, des vies, des façons de se vêtir. Un moule où les paroles, au contraire d'un Rohmer, sortent inintelligibles, butées, inconsistantes, comiques, pathétiques.
Ce dernier film est l'un des plus radicaux dans son contenu, sa forme, son inconsistance, sa vie. Dans son jeu à être sa propre inconsistance, sa prise de recul sur lui-même.
Le dernier film de Hong Sang-Soo est une caricature de son propre cinéma, une mise en abîme de sa propre répétition, de sa propre ironie, loufoquerie, une boucle.