Livre de Desmond

1:1 En ces jours-là, les enfants jouaient parmi les collines et les pierres.

1:2 Et voici, Desmond dit à son frère : “Ne touche point le portrait du Seigneur.”

1:3 Mais son frère dit : “Je fais ce que bon me semble.”

1:4 Et Desmond, saisi par la colère, prit un parpaing et l’abattit sur son frère.

1:5 Le sang coula, et la mère accourut.

1:6 Elle posa sa main sur le front du descendant de Caïn et dit : “Ne jugez point mon fils, car il est doux.”

1:7 Et Desmond leva les yeux au ciel, vit une lumière entre les branches,

et jura : “Plus jamais je ne tuerai. Même si le monde me demande de le faire.”


2:1 Et il advint qu’un jeune insensé montait la colline en courant,

ayant défié les lois de prudence et les roues de fer.

2:2 Et la charrette des destinées fondit sur lui comme un cheval de l’Apocalypse,

et le frappa de plein fouet, brisant chair et os.

2:3 Et tous s’enfuirent, frappés de stupeur.

Mais Desmond, fils du Parpaing, ne détourna point le regard.

2:4 Il se pencha sur l’enfant gisant,

et de ses propres mains, il déchira sa chemise de coton,

et fit un garrot, serrant le bras de l’innocent comme un pharisien serre sa loi.


2:5 Et voici que vint le docteur, vêtu de science et d’inquiétude.

Il vit le garrot, et dit : “Qui a fait cela ?”

2:6 Et tous montrèrent Desmond.

Et le docteur dit : “Ceci est bien.

Car le sang fut contenu, et la vie non livrée à la mort.”


2:7 Alors Desmond sentit une lumière intérieure,

et il vit que sauver la chair était juste.

Et il comprit que les mains pouvaient guérir,

sans porter l’épée ni le fusil.


2:8 Et en levant les yeux, il vit une jeune femme vêtue de blanc,

le regard doux, les bras chargés de fioles et d’onctions.

2:9 Et son cœur fut troublé, car elle parlait avec grâce,

et sentait l’éther et la miséricorde.

2:10 Il dit en lui-même :

“Voici mon Évangile : je sauverai des hommes.

Et peut-être séduirai-je celle-ci avec mes convictions et mon regard pur.”

2:11 Et après que l’enfant eut été sauvé,

Desmond marcha vers la tente blanche des guérisseurs.

Car il avait vu que le monde avait besoin de vie.

2:12 Et il tendit le bras,

et dit aux scribes du sang :


“Prenez de moi ce que j’ai de plus vital,

car je suis prêt à donner.”


2:13 Et voici que l’infirmière fut là,

celle des fioles et du regard lumineux.

Et elle posa sa main sur son bras,

et y planta l’aiguille de miséricorde.

2:14 Et le sang coula, rouge et paisible,

et Desmond dit en son cœur :


“Voici que je saigne sans violence.

Voici que je souffre par amour.”

2:15 Et elle le regarda longuement,

et vit en lui l’élu des plaies douces.

Et ainsi fut scellée leur alliance sans baiser.


3:1 Et il arriva que Desmond invita la Sainte Infirmière au lieu des images mouvantes,

où l’on projette des ombres pour faire croire à la vie.

3:2 Et dans la pénombre, Desmond ne trouva point les mots.

Car il craignait de troubler la paix de leur lien par des paroles vaines.

3:3 Et à la sortie du temple du spectacle,

Desmond marcha dans l’égarement de son cœur,

et fut presque frappé par le char moderne d’acier.


3:4 Mais la Sainte tendit le bras et le retira du bord de l’abîme.

3:5 Et dans l’élan de la gratitude, Desmond posa ses lèvres sur les siennes.

3:6 Mais elle dit : “Tu n’as point reçu mon assentiment.”

Et elle le gifla, non par haine, mais par justice.


3:7 Elle traversa la voie, et dit d’une voix ferme :


“Ne fais plus cela.

Mais sache que mon cœur, lui, n’est point fermé à ton geste.”

3:8 Et Desmond, saisi par l’amour et la pluie,

s’élança pour la redre…

et faillit de nouveau être fauché par la roue du destin.


3:9 Et le ciel, voyant cela, soupira :


“Cet homme doit survivre.

Mais son jugement reste fragile.”


4:1 Et Desmond dit à la Sainte Infirmière :


“Viens avec moi vers les hauteurs,

là où l’air est pur, et où nos voix se confondront avec le vent.”

4:2 Et elle répondit : “Je te suis, si tu me soutiens.”

Et ils prirent le chemin des pierres abruptes,

franchissant les aspérités du monde comme on franchit les doutes du cœur.


4:3 Et lorsqu’elle faillit chuter,

Desmond tendit la main, et dit :


“Avance, et au sommet je te donnerai ce que tu as refusé jadis :

un baiser, non volé, mais promis.”

4:4 Et elle monta, guidée par la parole douce et ferme du juste.


4:5 Et quand ils parvinrent au sommet,

le ciel s’ouvrit, et la lumière fut grande.

Et le vent porta les senteurs d’un monde lavé de violence.

4:6 Alors Desmond posa ses lèvres sur celles de l’Élue,

et elle ne le repoussa point.

Car ce baiser était monté avec eux,

et descendait maintenant sur leur union comme la rosée du matin.


4:7 Et le soleil se coucha,

non pour signifier la fin,

mais pour saluer l’instant.


5:1 Et Desmond, ayant vu l’horizon, marcha avec son père parmi les tombes.

Car là reposaient ceux qui avaient porté l’uniforme avant lui.

5:2 Le père, vêtu de tristesse, dit :


“Tu es mon fils.

Mais je vois l’ombre de la guerre sur ton front.”

5:3 Et Desmond répondit :

“Je ne suis point un homme d’épée,

je ne suis point Caïn devenu soldat.

Je suis l’infirmier. Je suis celui qui panse,

non celui qui transperce.”


5:4 Et le vent souffla sur les noms gravés dans la pierre,

et le père dit :


“Tous ceux-là ont cru faire le bien… et ils ont péri.”

5:5 Et Desmond baissa les yeux,

mais son cœur ne chancela pas.

5:6 Il dit :

“Je marcherai au cœur du carnage,

mais sans verser le sang.

Je guérirai parmi ceux qui tuent.

Et je vivrai sans arme.”


5:7 Et le père ne dit plus rien,

car il vit que la foi était plus forte que l’acier,

et que son fils était déjà en marche vers le Golgotha de feu.


6:1 Et il arriva que Desmond entra dans le camp des hommes de guerre,

où la force était loi, et la pudeur exilée.

6:2 Et un homme, nu et huilé comme l’idole d’un peuple ancien,

s’éleva par ses bras vers le ciel,

faisant des tractions devant les faibles pour affirmer sa chair.


6:3 Et d’autres, rieurs et grossiers, accueillirent Desmond avec moqueries et jeux de mots impurs.

6:4 Mais Desmond sourit,

car il savait que la bête rit avant de mordre,

et que la violence cherche la compagnie avant le combat.


6:5 Alors vint le Sergent, vêtu de cri et d’autorité.

Et sa bouche était comme un torrent de feu,

déversant l’insulte comme on verse le vin au banquet.

6:6 Il dit :


“Vous n’êtes point des hommes.

Vous êtes des sacs de viande en attente de forme.”

Et il nomma chacun, les humilia, les baptisa dans le ridicule.


6:7 Mais Desmond resta calme.

Car il savait que l’insulte ne touche point celui qui a lavé son âme dans le sang d’autrui.

Et il dit en son cœur :


“Je marcherai parmi les loups, mais je ne deviendrai pas l’un d’eux.”


7:1 Et les hommes couraient comme des bêtes,

jetés contre les murs, rampant dans la boue,

grimpant les cordes comme des condamnés vers le ciel.

7:2 Et Desmond, bien que plus mince, monta vite,

sauta haut, et franchit les obstacles avec grâce,

car le Seigneur allégeait son fardeau.

7:3 Mais l’un des moqueurs, plein de jalousie, le poussa dans la montée.

Et Desmond chancela,

mais il ne frappa point,

et il grimpa de nouveau,

et parvint au sommet avant les autres.


7:4 Et les soldats virent cela,

et murmurèrent : “Celui-là court sans rage.

Il grimpe sans haine.

Et pourtant, il gagne.”


8:1 Et le sergent dit :


“Voici vos armes. Touchez-les. Aimez-les.

Car elles seront votre salut.”

8:2 Et chacun tendit la main vers le métal,

et embrassa la guerre à travers le bois du fusil.


8:3 Mais Desmond recula.

Et il dit :


“Je ne touche point l’instrument de mort.

Je suis venu pour soigner,

non pour tuer.

Ma guerre est d’un autre genre.”

8:4 Et le sergent rit,

et les autres se moquèrent :

“Tu veux être soldat sans être guerrier ?

Tu veux marcher sans arme parmi les bombes ?”


8:5 Et Desmond répondit, sans crier, sans trembler :


“Je ne serai pas un tueur parmi les tueurs.

Mais je resterai auprès des blessés,

et j’agirai sans haine, même dans l’enfer.”

8:6 Et ce fut la première tempête.

Car le monde ne tolère point le juste sans épée.


9:1 Et le sergent dit à ses hommes :


“Celui-là est un poids mort.

Frappez-le, brisez-le, chassez-le.”

9:2 Et les soldats rirent.

Ils jetèrent sa paillasse,

souillèrent ses effets,

et dirent : “Tu n’es point des nôtres.”


9:3 Et l’un d’eux, le plus amer, le frappa au visage.

Et Desmond ne répondit point.

Il ne leva ni la main, ni le regard.

9:4 Et l’homme dit : “Tu es lâche.”

Mais Desmond ne prononça ni insulte, ni cri.

Il resta comme une pierre au milieu du tumulte.


9:5 Alors l’homme fouilla dans ses affaires,

et trouva la Bible du Juste.

Et entre ses pages, il vit une image :

la femme aimée, reflet du lien sacré.


9:6 Et il la montra aux autres, en se moquant.

Il dit : “Voici ta fiancée, saint Desmond.

Elle prie pour toi tandis que tu te caches.”

9:7 Desmond tendit la main, humblement,

et dit : “Je t’en prie, rends-la-moi.”

Mais l’homme jeta la photo au sol.


9:8 Et il marcha dessus,

et dit : “Voici ce que vaut ta foi.”

9:9 Et Desmond ramassa la photo,

essuyant la poussière sans colère,

et s’assit dans le silence.


9:10 Et les autres virent cela,

et furent troublés.

Car ils avaient frappé une muraille d’âme,

et cette muraille n’avait pas tremblé.


10:1 Et les chefs dirent : “Il faut le briser.

Il n’obéit point. Il pense. Il croit. Il dérange.”

10:2 Et ils frappèrent encore.

Ils murmurèrent contre lui dans les couloirs,

ils l’isolèrent dans la chambrée,

et chaque jour ils vinrent, espérant le voir céder.


10:3 Et un soldat, le poing douloureux d’avoir frappé,

regarda Desmond,

et dit :


“Pourquoi es-tu encore là ?”

10:4 Et Desmond répondit :

“Je suis ici pour soigner.

Car même vous, vous tomberez.

Et je serai là.”


10:5 Alors le sergent s’approcha,

le regard dur, la voix basse.

Il dit :


“Ton idéologie ne tient pas.

La guerre est un feu.

Et tu veux y entrer avec une cuillère.”

10:6 Mais Desmond resta debout,

les mains ouvertes,

et ne fléchit point.


10:7 Le sergent dit :


“Donne-moi les noms de ceux qui t’ont frappé.

Et je les chasserai.”

10:8 Et Desmond répondit :

“Je ne trahirai pas mes frères.

Car s’ils m’ont blessé,

c’est qu’ils souffrent d’un mal plus grand que le mien.”

10:9 Et le silence tomba.

Et dans ce silence,

l’armée comprit qu’elle n’avait pas de prise sur cet homme.


11:1 Et il arriva que l’armée dit :


“Tu ne peux aller à la guerre sans avoir porté l’arme.

Tu ne peux être des nôtres sans avoir consenti à tuer.”

11:2 Et Desmond répondit :

“Je suis prêt à mourir pour mes frères,

mais je ne suis pas prêt à tuer pour eux.”


11:3 Alors le colonel, homme de tradition et de loi,

s’approcha et dit :


“Je te l’ordonne, soldat. Prends ce fusil.”

11:4 Mais Desmond ne bougea point.

Et la salle entière fut troublée par son immobilité.


11:5 Et il fut enfermé, non pour rébellion,

mais pour fidélité.

Et on dressa contre lui les textes,

on agita les codes,

on convoqua la cour martiale.


11:6 Pendant ce temps, au village,

la fiancée vêtue de lumière attendait,

regardant le chemin vide,

l’autel déserté,

et murmurant :


“Il a promis de revenir.

Et je crois en sa parole.”


11:7 Mais Desmond, assis dans sa cellule,

ne pleurait point.

Car il savait que la conscience droite

vaut plus que la liberté offerte en échange de la trahison.


12:1 Et le capitaine revint vers Desmond,

et dit :


“Tu es un homme bon.

Mais la bonté seule ne suffit pas dans la guerre.”

12:2 Et Desmond resta silencieux,

car sa foi ne cherchait plus à convaincre.


12:3 Alors vint la fiancée, douce et ferme.

Et elle entra dans la cellule comme une lumière dans l’ombre.

12:4 Elle dit :


“Tu crois servir le Seigneur.

Mais peut-être sers-tu ton image de toi-même.”

12:5 “Tenir une arme n’est pas tuer.

Ne pas la tenir, c’est peut-être laisser mourir.”

12:6 Et Desmond baissa les yeux,

non par honte,

mais parce que la parole était lourde.


12:7 Elle ajouta :


“Tu es différent.

Et je t’aimerai, que tu sois libre ou captif.

Mais choisis ce que tu veux être :

un témoin ou un sauveur.”


12:8 Et Desmond regarda ses mains,

les mêmes qui firent le garrot,

les mêmes qui n’ont jamais saisi l’arme.

Et il sentit en lui le feu du doute,

mais aussi la paix de ne pas céder.


13:1 Et le jour vint,

où Desmond fut présenté devant les juges.

Leurs visages étaient durs,

leurs voix remplies de lois.

13:2 Et son avocat dit :


“Pense à ta liberté.”

Mais Desmond chuchota :

“Non coupable.”

Et son regard était clair comme l’aube.


13:3 Alors l’accusation se leva,

et parla de désobéissance,

d’orgueil, d’inutilité.

Elle dit :


“Niez-vous avoir refusé l’ordre du colonel ?”

13:4 Et Desmond répondit :

“Je ne nie point.

Mais souvenez-vous de Pearl Harbor.

Souvenez-vous de ceux qui ont suivi… et sont morts.

Moi, je veux suivre un autre ordre :

celui de la vie, dans un monde qui meurt.”


13:5 Et le silence fut grand dans la salle.

Alors les portes s’ouvrirent.

Et le père entra, vêtu de son vieux manteau d’honneur.

13:6 Il ne cria point,

il ne plaida pas.

Il posa une lettre,

et regarda son fils comme on regarde un roi.

Puis il sortit,

et les vents le suivirent comme des messagers.


13:7 Le juge lut la lettre,

et vit le sceau du général.

Et les murs de la cour martiale tremblèrent.

13:8 Il dit :


“Affaire classée.

L’homme est libre.

Qu’il parte avec nos prières…

et son courage.”


14:1 Et il arriva que Desmond fut envoyé vers l’Est,

là où les terres sont rouge sang et les cris montent sans fin.

14:2 Il vit les tanks, ces bêtes d’acier sans âme,

et les soldats, ces âmes errantes sans paix.

14:3 Mais surtout, il vit les morts.

Et les morts étaient nombreux,

et les vivants n’étaient que des morts qui respirent.


14:4 Alors il ôta son casque,

où brillait la croix rouge comme une étoile parmi les ténèbres.

14:5 Il regarda les corps empilés,

les chairs ouvertes, les visages sans yeux,

et il ne pleura point.

Car il avait vu cela dans ses rêves.

14:6 Et il dit en son cœur :


“Voici le champ des damnés.

C’est ici que je dois œuvrer.”


14:7 Et les autres soldats le regardèrent,

et virent en lui non un guerrier,

mais une torche silencieuse au milieu du chaos.


15:1 Et les canons grondèrent comme mille tonnerres,

ouvrant les cieux avec leurs gueules de feu.

15:2 La fumée monta comme l’encens des massacres,

et la falaise se dressa comme le mur entre les vivants et les morts.


15:3 Alors les soldats grimpèrent,

filets tendus comme toiles d’araignées pour les âmes.

Desmond monta avec eux,

non pour tuer, mais pour panser.


15:4 En haut, ce n’était point la terre,

mais un royaume gris d’entrailles,

de membres sans maîtres, de boue saturée d’hommes.


15:5 Et le silence fut brisé.

Les balles tombèrent comme une pluie d’enfer.

Les corps tombèrent comme des feuilles mortes.

Le sang ruissela comme fleuve d’offrandes.


15:6 Desmond courait,

liant les plaies, portant les corps,

glissant dans les viscères sans ciller.


15:7 Un soldat le sauva,

tirant à quelques pouces de son oreille,

car la Providence garde les justes pour qu’ils accomplissent leur tâche.


15:8 Un autre infirmier dit :


“Donne-lui la dose et e. Il est fini.”

Mais Desmond regarda l’homme sans jambes,

et dit :

“Tant qu’il respire, il est mien.”


15:9 Et il le souleva,

et marcha à travers le fer et le feu.

Car pour lui, chaque souffle méritait un combat.


15:10 Et la bataille cessa,

comme un orage qui s’épuise,

laissant derrière lui des hommes brisés,

et un Juste encore debout.


16:1 Et la nuit tomba sur le champ de ruines,

et les hommes mangèrent dans la pénombre,

tandis que les rats s’invitaient au banquet des morts.


16:2 Desmond partagea un instant avec celui qui jadis le frappa,

et ils rirent ensemble,

car le feu du combat lave parfois le fiel du é.


16:3 Mais la paix fut brève.

Car une lumière verte s’étendit dans le ciel,

et les Japonais surgirent des ombres,

baïonnettes en main,

et le sang coula de nouveau…


16:4 … mais ce n’était qu’un rêve.

Et Desmond s’éveilla en sursaut,

le cœur battant au rythme des tambours de l’inconscient.


16:5 Alors son compagnon dit,

désignant l’arme posée là :


“Le fusil est juste là.

Il pourrait être ton salut.”


16:6 Mais Desmond détourna les yeux,

et dit :


“Non.

Car j’ai déjà levé une arme.

Et ce jour-là, j’ai tué mon père… dans mon cœur.”


16:7 Et il se souvint :

du hurlement de sa mère,

du cri du métal,

de la peur dans la maison.

16:8 Et de lui,

adolescent, surgissant comme un ange furieux,

saisissant le revolver,

et criant :


“Ne touche plus à ma mère.”


16:9 Et son père, vaincu non par le sang,

mais par la peur de lui-même,

baissa les yeux.

16:10 Et Desmond comprit ce jour-là

que porter une arme,

c’est être prêt à tuer,

et que jamais plus il ne le serait.


17:1 Et le jour se leva avec les canons.

Les hommes montèrent une fois encore,

comme des brebis jetées au feu.


17:2 Et les Japonais surgirent comme l’ombre sur la lumière,

et le feu consuma les rangs.

Les vivants tombèrent, les cris montèrent.


17:3 Et l’ami de Desmond, celui qui jadis doutait,

fut frappé par le fer.

Desmond le porta sur son dos,

à travers la cendre et la peur.

17:4 Il le déposa doucement,

mais l’ami était déjà parti.

Et Desmond pleura,

non comme un enfant, mais comme un homme seul devant Dieu.


17:5 Il leva les yeux,

et dit :


“Que veux-Tu encore de moi ?”

Mais le ciel resta muet.


17:6 Alors Desmond retourna,

vers le champ des morts,

là où nul ne restait,

car tous étaient descendus.

Lui seul monta.


17:7 Et il prit un à un les corps encore tièdes,

les plaça dans une corde de fortune,

et les fit descendre,

comme des offrandes arrachées au Styx.


17:8 Et les balles continuaient de pleuvoir,

et les sabres de trancher,

et les cris de cesser.


17:9 Desmond se coucha sous les cadavres,

et devint lui-même une part du charnier.

Un soldat a,

planta sa lame dans la chair au-dessus de lui —

mais le juste fut épargné.


17:10 Il rampa dans un trou,

et trouva là les ennemis blessés.

Et il ne les tua point.

Il donna la morphine au plus souffrant,

et sortit sans bruit.


17:11 Il poursuivit sa marche,

sauvant encore et encore,

et à chaque respiration, il murmurait :


“Encore un, Seigneur. Donne-m’en encore un.”


17:12 Et le ciel, cette fois,

écoutait.


18:1 Et les soldats virent ce que fit Desmond.

Et ils furent saisis.

Car l’homme qu’ils avaient méprisé

avait sauvé plus d’âmes que tous les leurs réunis.


18:2 Le feu reprit.

Les balles chantèrent leur mort.

Et Desmond fut frappé —

mais son casque, marqué de la croix rouge,

dévoya le métal.


18:3 Il vit le sergent blessé,

et courut vers lui.

Mais l’Ennemi guettait.

Et le sergent, lui qui ne croyait pas,

fit feu, protégeant celui qu’il avait voulu briser.


18:4 Et ensemble, ils avancèrent.

Desmond le tirait.

Le sergent couvrait leurs arrières.

L’Agneau et le Loup, unis par la guerre.


18:5 Arrivés au bord du gouffre,

le sergent descendit à la corde,

et Desmond,

dans un dernier acte,

sauta dans le vide avec un soldat mourant,

comme un ange portant l’âme au seuil de l’oubli.


18:6 En bas, le silence les accueillit.

Les hommes s’approchèrent,

et l’un demanda :


“Vous êtes blessé ?”

18:7 Et Desmond, tremblant, vidé,

regarda le ciel,

et dit :

“Non.”


18:8 Car il n’avait pas de blessures à montrer.

Ses plaies étaient ailleurs.

Et son œuvre était faite.


19:1 Et les soldats se tinrent debout,

les visages levés,

et dirent :


“Prie pour nous, Desmond.

Car si tu es avec nous, rien ne peut nous frapper.”

19:2 Et Desmond pria.

Et sa prière couvrit les hommes comme une armure.


19:3 Alors ils montèrent,

non pour tuer,

mais pour achever ce qui devait l’être.


19:4 Et les Japonais capitulèrent.

Mais dans un dernier souffle de perfidie,

ils lancèrent le feu de la trahison.

Et Desmond fut frappé par le fer.


19:5 Il tomba,

mais ne cria point.

Et dans sa chute,

il demanda :


“Ma Bible… ramenez-la-moi.”

Car son souffle était lié au Livre.


19:6 Et dans un trou, un Japonais,

plutôt que de se rendre,

s’ouvrit le ventre avec son sabre,

car l’honneur des hommes sans foi ne connaît pas le pardon.


19:7 Alors la mission fut déclarée achevée.

Et les hommes regardèrent le sommet.

Et là, suspendu aux airs,

descendit Desmond,

couché sur une civière,

comme un ange retournant à la poussière.


19:8 Il ne tenait plus rien.

Mais tous savaient :

il avait tout donné.

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le 23 mars 2025

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kaireiss

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