Les prouesses de l’aube

Véritable pierre angulaire des archives tarantinesques, ce film est sa déclaration : d’amour, pour le cinéma, d’intentions, pour sa carrière à venir.
Tout est en germe, et les promesses d’une écriture à la fois singulière et novatrice débordent de chaque scène. On aura de l’indulgence pour les maladresses du débutant en tenant compte de la progression du chien fou dans ses propres réalisations par la suite. L’univers ultra-référentiel, le name dropping et les scènes de dialogue ont encore du mal à se canaliser. Tout est surverbalisé, et les bad guy dans un méta-discours permanent sur leur rôle, leur fonction. Le début du film, entre romance et exposition assez longue, manque de souffle et n’est pas toujours convaincant dans sa façon d’assumer son caractère onirique. La musique, un peu trop présente et plutôt incongrue, est cependant un indice majeur pour nous conduire du côté du conte de fée badass. Pour peu qu’on accepte cette grille de lecture et l’aspect pièce montée exhaustif, le récit se déroule alors avec bonheur.
Déjà, dans ce maelström de drogue, de guns et de décolletés sanglants, surgissent des scènes mémorables et le sens d’une écriture qui ne cessera de ses perfectionner par la suite : c’est la convergence de plusieurs personnages vers un lieu final, l’attente différée d’une fusillade qui aura tout de l’orgasme visuel et baroque où se mêleront plumes, hémoglobine et brouillard épais de coke. C’est une maitrise du montage et de la mise en abyme pour le cinéphile devenu scénariste, jouissant de faire commenter ses scènes par ses propres personnages : belle idée que celle du dialogue et du visionnage aveugle de la scène de l’ascenseur et de la réunion par les flics à l’écoute, à la fois fascinés et inquiets par l’originalité et le danger de la situation.
C’est enfin une rencontre au sommet entre Denis Hopper et Christopher Walken. Le premier, qui semble étrangement sous exploité dans son premier échange avec son fils, encaisse les coups pour s’offrir une sortie de scène magistrale, impliquant un cours d’histoire et des rires plus tendus que les câbles du Golden Gate Bridge.
Les sales gosses ent entre les balles, et le rêve se concrétise : on flingue l’écran, les flics, la coke, et on se paie sa place au soleil, celle du papier peint de l’appartement des potes losers, référence assumée au Scarface de De Palma.
La romance est vraie, le rêve atteint : les bad guys ont mis le pied à Hollywood, et ça va faire mal.
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le 17 mars 2014

Modifiée

le 17 mars 2014

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Sergent_Pepper

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