A peine un an après son excellent drame policier "Compte à rebours", l'ancien comédien Roger Pigaut réalise un nouveau polar, mais choisit de changer complètement de tonalité, puisque "Trois milliards sans ascenseur" est cette fois une comédie.
Dans ce film qui suscite une sympathie immédiate (en particulier grâce à son casting et à ses héros attachants), l'idée de génie de Pigaut réside dans le choix de son décor : les vieux bâtiments en voie de démolition du quartier de la Défense, d'où s'érigent les tours modernes en construction.
Un décor formidablement ciné-génique, qui sera également investi la même année par Pierre Granier-Deferre pour le tournage du "Chat".
Les bâtiments gris en ruines sont une belle métaphore de cette bande de gentils losers vieillissants, en quête d'un renouveau dans leurs petites existences ternes.
Il y a là Bernard Fresson, colleurs d'affiches plutôt honnête, qui attend d'être un peu plus riche pour pouvoir épo sa compagne Dany Carrel (enlaidie par une coiffure de mémère), laquelle tient un petit bistrot. Michel Bouquet incarne un vieux garçon qui vit toujours avec sa môman Françoise Rosay, tandis que Marcel Bozzuffi s'encanaille avec la pègre locale, toujours flanqué de son compère Serge Reggiani.
Cette bande de pieds nickelés va décider de braquer une exposition de bijoux, ironiquement installée au sommet d'une immense tour de la Défense, comme pour les narguer chaque matin.
Hélas, il faut reconnaître que le film n'est pas tout à fait à la hauteur de cette mise en place prometteuse. Les péripéties ne sont guère ionnantes (malgré un ou deux rebondissements inattendus), les personnages manquent de chair, et le récit se perd dans quelques séquences sans grand intérêt (cf le vaudeville chez les mafieux avec Dany Carrel).
Il manque aussi un bon dialoguiste à la Audiard ou Le Breton, André Brunelin ne parvenant que rarement à mettre en valeur l'argot si musical des banlieues.
Au moins Roger Pigaut réussit-il plutôt son dénouement, nous épargnant le happy end attendu, et choisit-il un format judicieusement assez bref pour ne pas ennuyer.
Au final, on assiste donc à une comédie policière sympathique, à la bande originale décalée et à la photo très agréable (des tons colorés qui évoquent les années 60 encore toutes proches).