Alan Rudolph réalise un néo-noir particulièrement loufoque et manie la caricature avec une assurance peu commune en la matière : la bouffonnerie est permanente dans cette histoire pourtant pas spontanément drôle de détective impliquée malgré elle dans une affaire de chantage à la sextape et de politicien corrompu. On ne peut pas franchement parler de comédie car "Trixie", du nom de son interprète principale (Emily Watson), maintient son fil rouge narratif — devenant de plus en plus minimal et secondaire — le long d'une enquête officieuse qui multiplie les ages sordides, manipulations, menaces, et toxicités en tous genres. Mais la mise en scène cultive une certaine malice, un plaisir presque pervers, à maintenir sa dimension parodique à travers deux ou trois composantes.
D'abord, c'est un film d'acteurs et d'actrices. Emily Watson, Dermot Mulroney, Nick Nolte, Brittany Murphy, Will Patton : tous semblent se marrer ablement dans leurs rôles respectifs, que ce soit en véreux, en détraqué, en débile, en déjantée. Watson occupe le devant de la scène et jouit d'un personnage vraiment insaisissable, parfois très ingénieuse, parfois totalement à côté de la plaque, de telle sorte qu'on ne peut jamais vraiment savoir à quoi s'attendre. Mais c'est aussi un film de dialogues, avec une palanquée de tirades lunaires pour la protagoniste qui se mélange régulièrement les pinceaux, entre "She's dead now, she's never gonna be the same again", "You gotta grab the bull by the tail and look it in the eye", "My sister is expecting a baby, but I don't know if I'm gonna be an uncle or an aunt yet", "He smokes like a fish", "Nobody is human", et toute une série de boulettes qui deviennent peu à peu constitutives de son personnage. Le film commence d'ailleurs avec un ratage de sa part pour son essai dans la police...
La grande limitation du film tient à la dimension anecdotique de ce qui est censé être placé au centre, c'est-à-dire l'enquête de Trixie. La parodie et les interprètes en roue libre (Mulroney devient ceci dit presque sympathique à force d'appuyer son personnage de playboy benêt) prennent peu à peu le dessus sur tout le reste. Ça part vraiment dans tous le sens, et il faut être un grand fan de cet humour noir décalé pour apprécier le voyage dans son entièreté.