Total Recall est un film hautement problématique, du fait de son caractère hybride : issu d’un auteur de génie, d’un réalisateur non moins intéressant, il est tant porté par son scénario de génie qu’on a tendance à lui exc à peu près tout.
Inutile de s’étendre sur cette intrigue retorse où le rêve le dispute sans cesse à la réalité, métaphore assez brillante des désirs du spectateur quant au produit devant lequel il se trouve : agents secrets, twists, fusillades et planète à sauver. Verhoeven, moins présent qu’à l’habitude dans ses obsessions, y place quelques unes de ses marottes, comme le duo de rivales blonde et brune, recrutant l’incendiaire Sharon Stone qu’on retrouvera pleinement à l’œuvre dans Le quatrième homme.
Le cœur du sujet est là : de la même manière qu’on fait souvent remarquer à Quaid que son aventure répond point pour point à ce que son rêve initial avait prévu, le film suit les balises du blockbuster hollywoodien. Dans le récit, la machine se grippe et rien ne se e apparemment comme prévu, possible écran de fumée vers un itinéraire qu’on croit jalonné de surprises mais qui serait peut-être une machine parfaitement huilée. Ce jeu avec l’attendu, cette façon de placer le ver dans le fruit est une habitude chez Verhoeven : il l’a déjà mise en place dans Starship Troopers.
Quelle posture adopter en tant que spectateur/rêveur face à cet univers ? C’est la grande question. Ce film des années 80 finissantes, avec tout le charme vintage qu’il peut avoir aujourd’hui, peut générer un plaisir d’historien : le latex, l’imagination d’un futur pourtant terriblement ancré dans son époque, avec ses téléphones filaires, ses voitures playmobil et ses écrans cathodiques dans le métro, les couleurs criardes et les choucroutes des pépées sorties tout droit du top 50. Il n’en reste pas moins que tout cela a terriblement mal vieilli. De la même façon, ces poursuites et fusillades à répétition, ces maquillages outranciers, cet humour en carton, le jeu bovin de Schwarzenegger et ces plateaux de décor en toc dont les façades de polystyrène attendent d’exploser noient à de multiples reprises les enjeux réellement excitants de l’entreprise générale. Bien entendu, on pourra rétorquer que tout se joue dans cette double lecture : ce qu’on reproche au film est précisément en adéquation avec la médiocrité des attentes des rêveurs frustrés du réel. Certes. Mais la frustration demeure, parce que les moyens déployés pour l’architecture du rêve ne sont clairement pas à la hauteur. Tout cela est tout de même bien laid.
Et la question de se poser : est-il possible de concilier SF futuriste et beauté ? Blockbuster, fusillades et mélancolie introspective ?
On peut un temps de consoler en répondant par la négative : après tout, voilà le propre de ce genre de film, et à nous de faire avec.
Et puis on pense à Blade Runner.
(6,5/10)
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