En introduction, disons-le tout net : un film avec Michael Ironside ne peut pas être mauvais.
Total Recall est un formidable film d'action. Un grand film de science fiction. L'action rebondit à chaque instant, il y a de l'humour, des répliques qui tuent, des effets spéciaux, du sang, des fusillades, de l'exotisme spatial, etc. Bref, tous les ingrédients sont réunis pour en faire un formidable divertissement. On peut en rester là et en sortir parfaitement contenté.
Mais ce serait mal connaître Paul Verhoeven.
Pour le spectateur déjà habitué à Verhoeven, en particulier pour celui qui a regardé Robocop, l'univers du début de Total Recall n'est pas étranger. L'omniprésence des postes de télévision diffusant informations gouvernementales et publicités, c'est-à-dire deux formes de manipulation, nous fait comprendre que nous sommes dans le même monde. Le monde où une dictature s'impose tranquillement, sans en avoir l'air, par le biais des moyens de communication.
Très vite aussi, à travers ce que nous proposent ces publicités, une nouvelle facette du monde se dévoile. Un monde sûrement rempli d'une profonde injustice sociale. Un monde où les pauvres doivent accepter sereinement de rester pauvres. Ansi donc, pour ne pas s'émouvoir de l'impossibilité où ils sont de partir en vacances, on leur propose... des souvenirs de vacances ! Des souvenirs implantés directement dans leur cerveau. Comme si, ne pouvant partir, on devait se contenter d'une collection de cartes postales. Cela permet d'éviter que les pauvres regrettent d'être pauvres. Ainsi, notre bon Douglas, ne pouvant se permettre de changer de vie, va juste se payer le rêve d'un tel changement.
Panem et circenses, comme disait l'autre.
(au age, un monde où les média confinent au lavage de cerveau et où on propose aux pauvres de les dvertir pour leur faire oublier qu'on les exploite, ça ne vous rappelle rien ?)
Total Recall est une formidable machine à perdre le spectateur, à travers le thème du double. Le double n'est pas seulement un sujet traité rapidement, c'est toute la structure du film. Une organisation en miroir qui a pour but de perdre le spectateur. Comparez la première et la dernière scènes. Le jeu de miroir apparaît déjà avec évidence. Et le jeu se poursuit ainsi pendant tout le film.
Les doubles sont partout. Double vie. Double identité. Agent double. Double pour tromper les autres, comme ce déguisement de femme à la frontière. Double pour être trompé soi-même. Illusions d'optique, comme ce reflet de Douglas.
Et double décor. Car il est évident que Mars est le reflet de la Terre. Comme la projection d'un subconscient où tout n'est que violence, perversion, pulsions diverses.
Le film a donc, lui aussi, une double identité. A la fois divertissement impressionnant et film intelligent.
Cela correspond si bien au cinéma du réalisateur, que l'on pourrait bien affirmer que, derrière Total Recall, se cache tout un "art poétique" de Verhoeven. En tout cas, toute une conception du cinéma comme un divertissement qui ne cache pas son manque de réalisme mais assume aussi un second degré plus subtil qu'il en a l'air. Un personnage vient nous prévenir, à peu près au milieu du film : nous sommes dans le domaine du rêve, de l'irréalité. Nous avons le choix : nous plonger à nouveau dedans ou quitter tout. Avec Douglas, nous plongeons dans le rêve sans le moindre regret. Et c'est très bon.