Jouissance rétinienne

Je suis sur que vous êtes comme ça aussi, il y a des films qui restent sur un coin de table parce qu’ils vous ont été recommandés par un ami. Vous hésitez à les lancer, vous ne savez pas pourquoi, mais vous êtes méfiant, ça n'a pas l’air si top que ça.


C’est ce que j’ai fait subir à Time and Tide et j’en suis rouge de honte encore aujourd’hui au moment de saisir ces lignes. « Tu verras, Time and Tide c’est juste ultime, t’as jamais vu ça au cinoche » me lançait mon fidèle camarade de virée ciné il y a maintenant quelques années. Un peu circonspect devant cette jaquette un brin colorée, limite gravure de mode, je n’ai pu m’empêcher de sourire en voyant ce qu’il osait me conseiller. A l’époque en pleine découverte d’un monde qui commençait à me ionner, Tsui Hark était pour moi une appellation exotique, qui ne m’évoquait pas grand-chose de bon.


C’est donc par devoir plus qu’envie que j’ai lancé Time and Tide et je peux dire que ce geste a probablement contribué à cette soif de découverte, à cette envie de visionnage qui m’habite aujourd’hui. Parce qu’effectivement, pour moi, il y a eu un avant et un après Time and Tide. Avec ce film ont été comblées de nombreuses attentes que j’avais en moi à ce moment là. Des scènes d’action efficaces, où les questions laissent place aux prises de décision, où les gunfight semblent enfin réels et où notre cœur palpite avec les courses effrénées des protagonistes.


Time and tide, c’est la classe ultime en matière de réalisation. Des scènes d’actions plus énergiques les une que les autres mais également une inspiration sans faille associée à une maîtrise de la caméra sans pareil. Me reste par exemple en mémoire un age surréaliste dans un HLM au cours duquel un surhomme se ballade de fenêtre en fenêtre, glisse avec aisance dans les couloirs entre deux mises à mort d’une précision redoutable, le tout filmé par une caméra qui ne s’arrête jamais, offrant une immersion que je n’avais jamais expérimentée auparavant. Ou bien ce fameux duel, vous savez celui qu’on a tous vu dans moult films, ou deux grandes gueules se braquent armes aux poings, front contre front. Je me retiens pour ne pas spoiler, mais ce age m’a littéralement subjugué par son dénouement, enfin un mec qui porte ses corrones comme il se doit, juste parfait. Ou encore ce final... rien que d’y repenser j’ai envie de revoir le film.


Toutes ces scènes palpitantes au possible, où l'on est propulsé au cœur de l’action, cette came , j'en redemande ! Time and Tide, c’est de l’héroïne sur bobine, un shoot d’adrénaline qui provoque une addiction qu’on devrait tous connaître. Certes, dure est la descente car il est difficile de retrouver une mise en scène aussi efficace ailleurs, et je crois d’ailleurs que c’est vraiment le panache du cinéma HK. Beaucoup copié, rarement égalé, c’est un cinéma en marge, inspiré comme pas possible et surtout sans complexe.


Concentré d’action donc, mais pour ne rien gâcher, l’histoire qui prétexte toutes ses scènes jouissives n’est pas en reste. Si le film paraît fébrile pour beaucoup à ce niveau lors du premier visionnage, c’est parce que Tsui Hark opte pour une narration éclatée, pas forcément évidente à suivre mais qui, pourtant, est d’une cohérence remarquable. Cohérence renforcée par le fait que l’histoire sait finalement rester simple, ce qui laisse la place à l’expérimentation la plus pure dans sa mise en oeuvre formelle.


Vous l’avez compris, Time and Tide est pour moi une oeuvre référence en plus de figurer au sommet de mes films de coeur. Véritable shoot pictural, intelligemment écrit et surtout mis en scène par un génie de la Caméra. Tsui Hark signe avec cette bobine un véritable chef d’œuvre digne de faire aimer le cinéma à n'importe quel homme un minimum honnête avec lui-même :D

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oso

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le 14 févr. 2014

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oso

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