Road-movie sanglant et ionné dans des paysages magnifiques porté par une superbe musique de Hans Zimmer, Thelma et Louise fait partie de ces films « absolus » qui associent fond et forme de façon assumée, et dont l'importance au-delà du monde du cinéma est encore bien réelle aujourd'hui, ce qui en fait un vrai film « culte », un des rares, selon moi, qui mérite vraiment ce titre depuis la chute du système des majors...
La scénario de base est simple : Thelma (Geena Davis) est une femme au foyer considérée comme un meuble pratique par Darryl (Christopher McDonald), son « bof » de mari. Elle se voit proposer un week-end à la montagne par sa meilleure amie Louise (Susan Sarandon) qui elle-même souffre d'une vie quotidienne ennuyeuse entre son boulot de serveuse et son petit ami Jimmy (Michael Madsen) bienveillant et gentil mais « lisse » au-possible... Durant leur escapade, elles s'arrêtent dans un bar où un homme éméché tente de violer Thelma qui est sauvée par Louise laquelle tue l'agresseur. Tentant, pour échapper à la police, de rallier le Mexique sans er par le Texas (Louise est catégorique sur ce dernier point, on comprendra petit à petit pourquoi), elles vont, au fil de leurs déboires et de leurs décisions, donner à leur voyage des accents de fuite vers la liberté et de lutte contre cette société patriarcale dont elles ont été les victimes expiatoires et qu'elles vont défier de plus en plus ouvertement...
Ce film est exemplaire à plus d'un titre. Son esthétique d'abord : partant des coins affreusement ordinaires de l'Arkansas, Thelma et Louise traversent ensuite les vastes plaines poussiéreuses de l'Oklahoma, puis les champs pétrolifères et ensoleillés du Nouveau Mexique, pour enfin terminer en apothéose dans la beauté sauvage de l'Arizona : les paysages deviennent de plus en plus beaux en même temps que les deux héroïnes, aux abois, prennent de plus en plus leur vie en mains avec un plaisir de plus en plus manifeste. L'esthétique est donc inséparable du synopsis : chaque paysage, chaque costume, reflètent une étape du cheminement de l'âme de ces deux amies qui deviennent ainsi des symboles autant physiques que moraux de l'émancipation féminine. Certes, il y a aussi une dimension sexuelle tant de genre que de sentiments : Thelma et Louise prennent de plus en plus des habits et des attitudes associés généralement à la gent masculine, et leur relation progressera inévitablement de l'amitié vers l'amour (une des dernières scènes est explicite là-dessus et en fera, je pense à juste titre, des icônes lesbiennes). Mais limiter ce film à sa seule dimension homosexuelle serait une erreur, car cet aspect est ici totalement secondaire : Thelma et Louise est avant tout un film féministe dénonçant l'hypocrisie et le sexisme ordinaire de la société américaine (d'où certains personnages masculins que d'aucuns ont dit caricaturaux...mais qui semblent tellement « vrais » qu'on n'a aucun mal à croire qu'ils existent réellement...), une merveilleuse ode à la liberté et indépendamment de ça un film formidablement réalisé et formidablement joué ! Le dernier fondu au blanc conclut l'ensemble de façon « immaculée » et donne définitivement une dimension sur-humaine aux deux personnages principaux. Une vraie jouissance !..