é l’exercice de style, accompli avec un brio rafraîchissant et sans précédent, de Birdman, Inarritu revient avec une œuvre, toute aussi maîtrisée, mais plus complète.
Dès l’une des premières scènes, sa caméra virevolte avec une précision encore plus dévastatrice. Ce plan-séquence d’ouverture pourrait rappeler celui de Spectre mais le dée en un point important. En effet, à chaque déplacement de caméra, des éléments nouveaux de l’histoire sont apportés. Il ne s’agit pas seulement de filmer une scène, mais d’apporter une prise de vue à 360 degrés sur des actions rapides, toutes ayant leur importance dans le récit. Le résultat final est grandiose et permet une immersion absolue.
Cette immersion dans l’histoire, dans les décors, dans ce froid qui vous arrache, ce froid qui essaie de vous ôter tout espoir, Everest l’avait déjà relativement atteint cette année. Mais avec The Revenant et la performance de Di Caprio, l’attachement au personnage est cette fois beaucoup plus fort. C’est la vengeance qui l’anime, refusant l’abandon en toutes circonstances. Et si les dialogues sont d’un minimalisme extrême, ce n’est pas le cas des émotions viscérales qu’il transmet, faisant étalage de toutes ses capacités.
Qu’il est bon surtout, en amoureux du cinéma, d’être encore surpris, de se demander avec toute honnêteté, comment est-il techniquement possible de filmer cette scène ? Celle du combat avec l’ours, qui a fait la une de nombreux médias, entre dans cette catégorie. Elle a selon les mots de Di Caprio, nécessité « plusieurs mois de tournage » et requis des « techniques cinématographiques innovantes », permettant une expérience complètement nouvelle pour le spectateur. Tout semble réel et pour une raison assez simple. Manger du foie de bison cru, dormir à l’intérieur d’une carcasse de cheval, Inarritu ne recule devant rien pour attester de la véracité de l’image. Le caractère réel est encore amplifié par la décision d'Inarritu de tourner toutes les scènes dans leur ordre chronologique. Je vous laisse d’ailleurs cette phrase absolument géniale d’Inarritu, dont de nombreux réalisateurs devraient s’inspirer.
« If we ended up in greenscreen with coffee and everybody having a
good time, everybody will be happy, but most likely the film would be
a piece of shit »
Car c’est bien de cela qu’il s’agit. Une expérience. Au travers surtout de ces plans fantasmagoriques, dont certains, sans exagération aucune, marqueront l’histoire du cinéma. La décision de prolonger le tournage de plusieurs mois afin de capturer l’image à la seule lumière naturelle s'avère payante, et était déjà l’obsession d’un certain Kubrick qui filmait à la lueur des bougies dans son parfait Barry Lyndon.
Western survivaliste aux thématiques coréennes (il devait d’ailleurs initialement être dirigé par le grand Park Chan-Wook), The Revenant réussi ce que Fury Road avait déjà accompli : remplir toutes les promesses, déant même toutes les attentes les plus folles. Le minimum de dialogues, une histoire haletante qui ne laisse aucun répit, un rôle principal fort dans un univers impitoyable et servi par une cinématographie à couper le souffle.