The Pale Blue Eye
6
The Pale Blue Eye

Film de Scott Cooper (2022)

Voir le film

L’hiver meurtrier

Voir Scott Cooper adapter l’imaginaire gothique d’Edgar Allan Poe ne surprend guère compte tenu de son goût pour les personnages hantés, de Rodney revenu traumatisé de la guerre en Irak (Out of the Furnace, 2013) au capitaine Joseph J. Blocker contraint de cohabiter avec le chef indien ennemi à l’origine de l’exécution de ses frères d’arme, en ant par la figure de la mère endeuillée, à laquelle on a ravi époux et enfants (Hostiles, 2017). Cet intérêt porté aux fantômes qui accompagnent des protagonistes oscillant entre deux rives confère à ces derniers une profondeur sensible et ancre les situations qu’ils vivent dans des motivations de vengeance ou, plus généralement, dans une démarche spirituelle.

Nous retrouvons tout cela dans The Pale Blue Eye, enquête teintée de sciences occultes au sein d’une académie militaire, microcosme dépeint dans sa rigidité et son hypocrisie congénitales : l’inspecteur Landor a perdu sa femme et ne sait ce qu’est devenue sa fille – du moins, selon ses dires ; sa détresse répond à la noirceur des crimes perpétrés dans les bois environnant l’école, ainsi qu’à celle du poète Poe qui convertit son « ennui », comprenons sa mélancolie, en poèmes. La magnifique photographie de Masanobu Takayanagi, habitué du cinéma de Scott Cooper et de celui de Tom McCarthy, confère au film une atmosphère glaciale onirique dans lequel les paysages enneigés sont autant de s offerts à une rêverie douloureuse. Le cinéaste sait capturer l’errance intérieure de ses personnages : ainsi laissés à une nature tout à la fois hostile et magique, ils accomplissent en enquêtant sur autrui une marche vers l’acceptation d’un é qui peine à er ; ils se racontent par l’intermédiaire de l’autre, laissent des indices (ici, les deux messages manuscrits) comme autant de fragments d’une vérité à reconstruire. La partition musicale de Howard Shore, subtile et envoûtante, rejoue sous la forme d’une variation le thème de The Silence of the Lambs (1991), autre œuvre consacrée à un tueur en série.

Desservi par un ventre mou et le recours aux clichés du genre – notamment dans sa représentation du satanisme, facile –, The Pale Blue Eye n’en demeure pas moins intrigant et maîtrisé, preuve de l’indéniable talent de Scott Cooper et de son acteur fétiche Christian Bale.

7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Les meilleurs films de 2023

Créée

le 5 févr. 2023

Critique lue 36 fois

3 j'aime

Fêtons_le_cinéma

Écrit par

Critique lue 36 fois

3

D'autres avis sur The Pale Blue Eye

Pas de Poe !

Edgar Allan Poe qui aide un enquêteur à résoudre une série de meurtres, avec arrachage de cœur intégré, à West Point alors que le futur écrivain de génie y était cadet à l'époque ! Ouais, cela a un...

Par

le 9 janv. 2023

38 j'aime

5

Behind The Pale Blue Eye

En 1830, à la prestigieuse académie militaire de West Point, un jeune cadet est retrouvé pendu. Pire encore, son corps laissé ensuite sans surveillance est profané par une personne qui lui subtilise...

Par

le 6 janv. 2023

28 j'aime

7

Bale perdu

Augustus Landor (Christian Bale) est é par l'Académie militaire de West Point pour enquêter sur la pendaison d'un des élèves officiers et sur la profanation de son cadavre. Rapidement, il...

Par

le 7 janv. 2023

16 j'aime

8

Du même critique

L'Ecole Netflix

Il est une scène dans le sixième épisode où Maeve retrouve le pull de son ami Otis et le respire tendrement ; nous, spectateurs, savons qu’il s’agit du pull d’Otis prêté quelques minutes plus tôt ;...

le 19 janv. 2019

89 j'aime

17

Résoudre la peur (ô malheur !)

Ça : Chapitre 2 se heurte à trois écueils qui l’empêchent d’atteindre la puissance traumatique espérée. Le premier dommage réside dans le refus de voir ses protagonistes principaux grandir, au point...

le 11 sept. 2019

78 j'aime

14