J’avais plutôt bien aimé The Witch, le premier long d’Eggers, un film déjà puissant et oppressant. Ce coup-ci, on change de décor et on radicalise davantage le projet.
On est à la fin du XIXème et deux gardiens de phare arrivent sur un îlot venteux pour s’occuper du lieu pendant un mois. Un vieux ronchon autoritaire habitué au chaos et un jeune paumé. Peu à peu, les rapports vont se tendre et les esprits vont divaguer.
Dès les premières images, on est dans l’ambiance. C’est filmé en noir et blanc sur pellicule au format 4/3. Pourquoi ? Pourquoi pas. Le grain est beau et les contrastes très réussis. C’est là qu’on retrouve la touche visuelle de The Witch. Deux acteurs seulement à l’écran pour un huis clos qu’on aurait pu imaginer sur une scène de théâtre. Les acteurs sont bons, très bons même, Dafoe en particulier. Leurs trognes d’un autre temps sont expressives et vides à la fois. On croit les avoir déjà vu mais en fait non. Un peu comme l’arrière grand oncle au regard étrange sur une vieille photo de famille. Dehors, il pleut et il vente et les Goélands occupent leur territoire. L’obscurité de la nuit se confond avec le noir du charbon qui alimente le phare, la lumière froide nourrie du feu. Voilà. C’est beau. De son côté, le récit est cryptique. Pour être tout à fait honnête, je dois manquer de références car un certain nombre de choses m’ont échappé. Les dialogues sont bien écrits mais on ne sait pas ce qu’ils veulent dire, où ils veulent en venir. De fait, pendant tout le film, j’ai eu le sentiment qu’il n’y avait pas la volonté de m’embarquer dans l’aventure. Alors je suis resté sur le bord du chemin, comme si je regardais le film de l’extérieur. Et à la fin est venue la question : Et donc ? Tout ça pour dire quoi ? J’ai bien vu le rapport à la mythologie, à la Bible, à Moby Dick, l’inspiration expressionniste, la référence à Bergman. Ok.
Au final, le sentiment tenace que l’auteur a comblé le vide de sa pensée ou plutôt la vacuité de son objet esthétique par un fatras savant pour lui donner une impression de densité sémantique.