Dans "Si Beale Street pouvait parler", Harlem des années 60 devient l’écrin d’une romance naissante, brutalement frappée par une fausse accusation de viol, emprisonnant Fonny et laissant Tish, sa compagne, porter leur histoire à bout de souffle. Sa voix(-off) , à la fois résignée et combattive, traverse le récit comme un fil d’or, reliant l’intime au politique, le tendre à l’injuste.
Si l’amour entre Tish et Fonny illumine le film, Barry Jenkins ne détourne jamais le regard des réalités sociales et raciales qui les écrasent. Le système judiciaire, raciste et implacable, devient un antagoniste tentaculaire et inéluctable.
La mise en scène célèbre l’intimité avec une tendresse infinie. Jenkins capte les instants suspendus : regards échangés, caresses et expressions traversées d’émotions. La lumière, chaude et dorée, enveloppe les personnages d’un halo protecteur, fragile contre la brutalité extérieure. C’est un cocon d’humanité au milieu du chaos.
La musique de Nicholas Britell transcende les images. Ses cordes mélancoliques se mêlent aux silences, accentuant les douleurs et espoirs des protagonistes.
En somme, le film privilégie la parole à l’action, offrant à ces personnages, trop souvent réduits au silence, un espace où leurs voix s’élèvent en lieu et place des gestes, de toute façon contenus et retenus contre eux. En d'autres mots, le film résonne comme un cri contenu, mais magnifié, face à l’indifférence d’un monde sourd.