Sarabande par Alligator

Formidable film, téléfilm à l'origine devenu film de ciné grace à l'acharnement de Claude-Eric Poiroux directeur du festival d'Angers et Jeanne Moreau qui ont réussi à convaincre le maître. Par contre, le film ne peut être diffusé que dans des salles spécifiques au numérique.
Le film est un grand, un très grand Bergman. Ecrit d'une manière irable, un livre d'images et de musique, servis par quatre comédiens qui jouent tellement juste. Ullman capte extraordinairement bien la lumière. Les plans sont fantastiques, l'originalité bergmanienne est au rendez-vous, toujours, à 91 balais, le gaillard fait toujours mouche et produit là un chef d'oeuvre d'une violence et d'une beauté surprenantes. On a beau s'y attendre on ne peut que rester pantois devant tant de magie, de maîtrise et d'imagination. Je suis encore un peu sous le choc. Et ai du mal à trouvé les mots pour raconter toutes mes émotions. Et il est quand même extraordinaire de se faire avoir comme ça, systématiquement, par un réalisateur, d'être fasciné, sans pouvoir en donner une explication rationnelle. Ses plans sont simples, épurés, rien de clinquant. A priori, il ne filme rien. Et pourtant, on reste abasourdi par la forme de ses films. Et quelle écriture! On lit littéralement un film de Bergman, les phrases dites, criées, pleurées.

SPOILER : certains plans sont des inventions merveilleuses, des tableaux pas seulement dans l'immobile : regardez la course de Karin dans la forêt, sa chute, son hurlement qu'on écoute puisqu'elle sortit du champ en même temps qu'elle entre dans la mare! Notez le plan où elle annonce son départ à son père en plan large, notez les zooms!
Quant à la narration et le jeu de mise en scène avec Marianne qui s'adresse à nous, lisant le compte à rebours avec sa montre du moment où elle va retrouver Johan! Et son émotion! Qui se traduit seulement dans le regard, fabuleuse Liv Ullman!
Et quelle violence! Quel coup de pied! A l'image de ce que dit Henrik à Marianne dans l'Eglise : on chancelle entre stupeur et dégoût!
Et encore quel amour éprouve Bergman pour ses personnages! Pas un n'échappe à sa propre cruauté, pas un n'est montré du doigt de façon simpliste. Il ne crache pas sur le mal qui émane d'eux, au contraire, la caméra s'approche affectueusement, délicatement, de ce mal, ce mal qui vient toujours d'une souf profondément ancrée, depuis longtemps enfouie parfois. Ce n'est qu'à la toute fin du film qu'on se rend compte que Marianne n'a jamais touché sa propre enfant et qu'elle aussi a fait du mal, comme Henrik avec sa fille, comme Johan avec son fils. Les parents sont terribles!
10
Écrit par

Créée

le 23 nov. 2012

Critique lue 655 fois

5 j'aime

Alligator

Écrit par

Critique lue 655 fois

5

D'autres avis sur Sarabande

Requiem pour un bond.

Rien n’a changé, car tout change : tel pourrait être l’épitaphe cinématographique de Bergman. Dans cet ultime œuvre de fiction tournée pour la télévision, le réalisateur retrouve, exactement trente...

le 30 nov. 2017

25 j'aime

2

Critique qui spoile

Pour son dernier film (rappelons que sa sortie en salles en est une exception, Bergman ayant arrêté sa carrière cinéma après Fanny och Alexander ; Saraband est à l'origine un téléfilm suédois,...

Par

le 28 sept. 2010

17 j'aime

4

Scherzo, trio... solo.

Sarabande. De violoncelle pour commencer. Instrument de prédilection de Karin, talentueuse mais pas virtuose, qui voudrait y consacrer sa vie et s'y perfectionner. C'est sans compter sur l'amour...

le 7 janv. 2013

14 j'aime

Du même critique

Critique de Cuisine et Dépendances par Alligator

Pendant très longtemps, j'ai débordé d'enthousiasme pour ce film. J'ai toujours beaucoup d'estime pour lui. Mais je crois savoir ce qui m'a tellement plu jadis et qui, aujourd'hui, paraît un peu plus...

Par

le 22 juin 2015

56 j'aime

3

Critique de The Handmaid's Tale : La Servante écarlate par Alligator

Très excité par le sujet et intrigué par le succès aux Emmy Awards, j’avais hâte de découvrir cette série. Malheureusement, je suis très déçu par la mise en scène et par la scénarisation. Assez...

Par

le 22 nov. 2017

55 j'aime

16

Critique de Sharp Objects par Alligator

En règle générale, les œuvres se nourrissant ou bâtissant toute leur démonstration sur le pathos, l’enlisement, la plainte gémissante des protagonistes me les brisent menues. Il faut un sacré talent...

Par

le 4 sept. 2018

53 j'aime