La loi du silence

En 2021, la Terre a été envahie par des créatures aveugles réagissant au bruit. Les humains ont appris à vivre dans le plus grand silence, le moindre son pouvant leur être fatal. C’est le cas des Abbott (John Krasinski et Emily Blunt) qui, ayant perdu leur plus jeune fils (Cade Woodward) à cause d’une bête erreur d’inattention, redoublent de prudence avec leurs deux autres enfants (Millicent Simmonds et Noah Jupe). Mais comment éduquer des enfants, lorsque le moindre bruit et la plus petite erreur peuvent être si lourds de conséquences ?


Initialement prévu pour appartenir à l’univers étendu de Cloverfield, Sans un bruit a réussi, par une décision commune et miraculeuse des scénaristes John Beck et Bryan Woods et de la Paramount, à échapper à une saga certes sympathique, mais trop inégale pour pouvoir produire des chefs-d’œuvre.
Se dotant d’un budget qui, sans être ridicule (17 millions de $), autorise le film à s’assurer une rentabilité colossale en cas de succès, Sans un bruit met toutes les chances de son côté en lorgnant plus du côté d’un Alien. De fait, cela faisait bien des années que l’on n’avait plus eu droit à une tension aussi réussie, et c’est un vrai plaisir de ressentir enfin un stress intense face au grand écran, renouant avec une recette que l’on croyait pourtant définitivement sombrée dans l’oubli.
Se jouant merveilleusement du bruit dans une étude sonore rigoureuse et intéressante, Sans un bruit marque par sa capacité totale d’immersion, nous faisant oublier de respirer de sa scène d’introduction haletante jusqu’à sa dernière image, osée et jouissive. Car en effet, la grande réussite du film de Krasinski, c’est de savoir respecter toutes les limites qu’il s’impose. Ainsi, là où le climax aurait pu briser toute tension en basculant dans un combat ouvert entre les hommes et les créatures, le scénario a l’intelligence d’arrêter son film avant ce stade, restant constamment dans la stricte épouvante.
Par le biais d’un incroyable casting (que ce soit les acteurs expérimentés ou débutants, dont Millicent Simmonds, une vraie sourde-muette dont l’excellence annonce une grande carrière, et Noah Jupe, qui confirme son talent après le très bon Bienvenue à Suburbicon), Sans un bruit distille une paranoïa inquiétante à un spectateur qui ne demande qu’à avoir le plus peur possible. Et même si Krasinski ne se prive pas des inutiles jumpscares d’usage, son film réussit à déer sans problèmes le stade de l’horreur standard pour nous offrir un film de science-fiction angoissant à souhait et visuellement accompli (très belle photographie de Charlotte Bruus Christensen).
On pourrait certes regretter que le concept ne soit pas exploité plus à fond (au lieu de couper tout lien social en se centrant sur une famille vivant en autarcie, il aurait pu être intéressant de s’intéresser à la perpétuation d’une vie en société, mais dans le plus grand silence), mais Krasinski nous offre une trop belle pépite, magnifiquement enrobée, qui réussit autant dans la tension que dans l’émotion, dont chaque bouchée est un pur délice, et à l’issue de laquelle on veille bien à sortir de la salle sur la pointe des pieds. Au cas où…

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le 20 juin 2018

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Tonto

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