Devenir la bête.

Nominé pour la Palme d'Or au Festival de Cannes en 1963, "Sa majesté des mouches" est l'adaptation par Peter Brook du roman éponyme de William Golding, récit que j'avais découvert en classe de quatrième mais qui ne m'avait pas marqué plus que ça. A relire donc, d'autant que cette transposition cinématographique me donne furieusement envie de m'y replonger.

Par le biais d'un noir et blanc presque clinique, d'une mise en scène sans fioriture procurant une véritable sensation d'étouffement malgré de splendides décors naturels, Peter Brook observe les effets d'un retour brutal à la nature sur une poignée de jeunes garçons confrontés à un effet de groupe pour le moins violent.

Avec une pertinence certaine, Peter Brook brosse le tableau effrayant d'une micro société entièrement construite sur de pures réflexes éducatifs, avant de laisser place à une sauvagerie ancestrale, montrant des gamins livrés à eux-mêmes prendre la même voie que leurs aînés, commettre exactement les mêmes fautes.

Le metteur en scène confronte également deux visions diamétralement opposées du commandement, de la survie, deux facettes d'un même être humain, civilisé ou sauvage. L'une, strict et autoritaire, reposant sur des règles clairement définies mais dans un but démocratique, directement héritée d'une éducation purement britannique. L'autre, aléatoire et brutale, fondée sur la force et la soumission, répondant à un désir de plaisir immédiat.

Parabole terrifiante mettant en résonance la nature profonde de l'être humain avec la cruauté de l'enfance, "Sa majesté des mouches "est une oeuvre exigeante que l'on pourra juger difficile d'accès, mais qui n'en reste pas moins forte et interprétée par un groupe de gamins à l'implication ahurissante, une cauchemardesque récréation qui aurait viré à la folie temporaire... avant que l'autorité suprême ne vienne remettre les choses dans l'ordre.