Ridicule
6.9
Ridicule

Film de Patrice Leconte (1996)

Saillie drolatique

Le film de Patrice Leconte est un exercice de funambule : à la fois grave et cynique dans son fond, drôle et léger dans sa forme.


Un petit aristocrate de province, Grégoire Ponceludon de Malavoy (j'adore ces noms désuets à particule) monte à Versailles pour plaider sa cause : son territoire, la Dombe est un lieu puant, humide, visqueux et misérable. Mais voilà, dans l'espoir de rencontrer le roi et de lui demander son concours, le voilà confronté à l'esprit railleur, mesquin et hypocrite de la cour. On le toise, on le regarde de haut et la seule issue possible est d'être le plus spirituel pour attirer le regard du roi. Voilà notre jeune noble de province, dont on décrit très bien la modeste situation par rapport à la noblesse de cour, très fortunée et comme coupée du monde, entré dans la fosse à serpent.


La caméra de Patrice Leconte fait des merveilles : la reconsitution, les costumes, le faste de la cour sont retranscrits à merveille et puis il y a ces confrontations, ces duels verbaux et aux armes entre nobles dans le seul but d'être les plus en vue, le comble de la vanité et de l'arrogance. Jean Rochefort, en mentor du jeune Charles Berling, est excellent. Fanny Ardent, en amante suflureuse et manipulatrice fait inexorablement penser à la Marquise de Merteuil des Liaisons Dangereuses. Ridicule, assurément, parvient à s'inscrire dans l'époque sans mal, sous l'angle du cynisme et de la raillerie, ce qui est pertinent, quant on relit les oeuvres de l'époque, aussi bien Beaumarchais que Choderlos de Laclos. Ce monde de la cour est égratinné : on s'exprime certes magnifiquement, mais pour ne rien dire. On est épris de bons mots, de "saillies drolatiques" que Jean Rochefort recense dans un carnet mais c'est un monde vide. Quand Grégoire Ponceludon de Malevoy demande de l'aide, personne ne s'intéresse à son problème et il lui faudra un effort surhumain pour parvenir à sauver sa seigneurie. Ce monde aristocrate est vide, drôle mais également dramatique dans sa décadence et sa dureté lorsque l'on voit ces destins humiliés et ces fortunes défaites en quelques paroles. Il annonce la fin de ce monde, éminente, avec la Révolution Française.


Et pour finir quelques répliques qui prouve que c'est surtout l'écriture des dialogues qui est excellente dans ce film, devant lequel on e un bon moment :



Un aristocrate : Il est moins sot qu'il en a l'air !
Ponceludon de Malavoy : C'est toute la différence entre nous, Monsieur !



Un aristocrate : Sachez qu'on juge un homme à ses fréquentations !
Ponceludon de Malavoy : On a tort, Monseigneur. Judas avait d'excellentes fréquentations.


7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Les films avec les meilleurs dialogues

Créée

le 2 nov. 2015

Critique lue 2.8K fois

7 j'aime

2 commentaires

Tom_Ab

Écrit par

Critique lue 2.8K fois

7
2

D'autres avis sur Ridicule

Le roi n'est pas un sujet.

Ce film m'a amusé des heures entières ! Les dialogues sont tellement chics que j'ai dans ma mémoire des repliques gravées à vie - - J'adore les groseilles, j'en mangerai autant que Samson a tué de...

Par

le 21 déc. 2010

21 j'aime

6

Ne mords pas la main qui te nourris

Ce qu'il y a de cocasse avec Ridicule est qu'un échange au sein du film résume à lui seul son principal problème. Echange au cours duquel le protagoniste Ponceludon de Malavoy se trompe en citant...

Par

le 13 févr. 2025

16 j'aime

1

Le calembourt est la fiente de l'esprit qui vole.

Avant de s'engouffrer dans une comédie française bas de gamme entrecoupée de productions plus modestes que personne ne va voir, Patrice Leconte parvenait de temps en temps à livrer de véritables...

Par

le 17 févr. 2013

15 j'aime

5

Du même critique

Le temporel et le spirituel

Le film se veut réaliste. Mais pour un film sur le mysticisme, sur un personnage aussi mythique, mystérieux et divin que Jésus, il y a rapidement un problème. Le réel se heurte à l'indicible. Pour...

Par

le 26 déc. 2013

69 j'aime

4

Les amazones priment

Le film augurait une promesse, celle de parler enfin de l’histoire africaine, pas celle rêvée du Wakanda, pas celle difficile de sa diaspora, l’histoire avec un grand H où des stars afro-américaines...

Par

le 7 juil. 2023

54 j'aime

5

Vanité des vanités

Paolo Sorrentino est influencé par deux philosophies artistiques en apparence contradictoires : la comedia dell'arte d'une part, avec des personnages clownesques, bouffons, des situations loufoques,...

Par

le 31 oct. 2018

30 j'aime

4