Quand j'étais p'tit on m'appelait rapporteur, j'ai tellement aimé l'idée que j'suis dev'nu reporter
Un peu moins d'une heure, c'est ce que dure cette replongée dans le monde de l'enfance et des cours de récréation. Adultes parvenus que nous sommes malgré nous devenus, nos deux billes se posent sur ce documentaire (parce qu'il en emprunte tous les codes à vrai dire) convenu dans l'idée et au demeurant truculent mais qui s'avère finalement très réussi dans la réalisation et profond de sens. Je parle de documentaire et Claire Simon, par ses choix de réalisatrice, nous offre une tranche digne d'un documentaire animalier en pleine plongée dans un milieu hostile, impitoyable et révélateur du monde dans lequel il se trouve. La caméra pénètre les murs de la cour et se pose entre ces petits êtres autonomes. Le rapport de la caméra et de sa présence à ces comédiens insoupçonnés qui jouent leurs propres pièces est étonnant: ils savent qu'elle est, les suit, qu'elle pointe son objectif et capture leurs moindres mouvements mais ne les perturbe en rien dans les rôles qu'ils tiennent les uns pour les autres. Quand bien même un môme se fait maltraiter, la caméra, non sans rappeler ce Graal de Strip Tease, s'érige en tant que simple témoin oculaire, lâche et incapable d'intervenir. C'est pourtant ça le point de ce métrage, Claire Simon ne nous offre pas un point de vue sur l'enfance mais ce sont les enfants eux-mêmes qui le crée. Entre jeux tyranniques, enfants menés à mal et victimes des bandes organisées, découverte des corps, de la compétition, de la mise en marge, ce média dépeint une triste réalité des cours de récré des années 90 (oserais-je soupçonné qu'elle a empiré depuis?) qui est l'introduction d'une violence banalisée et presque insoupçonnée (au regard des adultes qui veillent sur ces enfants mêmes) dans le quotidien de ces têtes blondes.
On retrouve tout spectateur que nous sommes un brin de souvenir, de nostalgie amère dans ces petites situations tantôt cocasses tantôt terrifiantes et on se dit qu'avant d'être là où nous sommes, nous avons été ce que eux, ils sont, que le monde ne s'est pas assagi depuis et que finalement d'enfants comme ceux-là, les hommes qui nous entourent n'en sont que les parents.