Arriver à mauvais port

[Mouchoir #69]


La force de Que Farei com Esta Espada ? ne réside pas dans les mots d'ordre scandés, mais dans les images collées, les confrontations mythiques, entre différents pans d'Histoire. Cette fois-ci, comme le préconisait Godard, on n'a pas mis le son trop fort sur l'image, au contraire, on l'a confronté. C'est pourquoi les séquences de paroles paraissent si pauvres en soi, même si elles permettent les mots nécessaires pour activer la pensée sur les images muettes suivantes.


Et dans cette confrontation où l'on sent le poids historique des symboles, la civilisation millénaire et le peuple actuel qui résiste à l'OTAN, on voit les américains déés, trouvant le pays trop vieux pour seulement le saisir en imagination. Son histoire est une épée à brandir face à l'envahisseur, symbolisé dans le porte-avions qui se baignait sur le port de Lisbonne au cas où la Révolution se propageait.


Ainsi, détourner les symboles devient ici un acte révolutionnaire, où le navire de l'OTAN n'est autre que le voilier de Nosferatu, et son impérialisme la peste des rats. C'est Madame Butterfly dans les faubourg portugais, et toujours l'américain. Où la ville semble se défendre d'elle-même selon l'angle de caméra, les canons de guerre d'antan bien en position. Et de l'autre côté, les manifestation en caméra épaule pour être au plus près des slogans anti-OTAN.


C'est du cinéma direct confronté à la construction par blocs du cinéma muet, c'est une analyse politique jamais détaillée, mais plutôt un tableau de collages des opprimés, avec pour défense la poésie, le mythe, l'Histoire, la rue, l'épée et le cinéma, tous et toutes braqué·e·s sur un bateau arrivé à mauvais port.

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le 2 sept. 2024

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Cynique de Bergerac

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