Mon film sexiste préféré

N'en déplaise aux manichéens, zoroastriens et autres mystiques essentialistes, le bien et le mal sont des notions assez subjectives, qui dans la nature ne sont pas nécessairement d'essences contradictoires. Entendez par-là qu'il est parfaitement possible qu'un être humain, ou une production de ce dernier, puisse avoir à la fois de grandes qualités et être pourvu de grands défauts ; un excellent substitut du procureur peut ainsi tromper sa femme à la première occasion, une avocate engagée et altruiste être arriviste au point de coucher avec quiconque peut lui obtenir une promotion, et un excellent film se montrer sexiste au possible. Dans aucun de ces trois cas, le défaut moral n'invalidera la qualité. Et du même coup, il se trouve que j'aime ce film, alors que je sais très bien ce qu'il contient de dégradant pour les femmes.


"Présumé innocent" est donc un bon film, qui repose sur un principe simple, mais efficace : une personne est assassinée, une autre est chargée d'enquêter, et l'on découvre au fur et à mesure que toutes les preuves semblent avoir étés faites pour inculper l'enquêteur, qui se retrouve d'autant plus pressé de résoudre l'affaire qu'il lui faut prouver son innocence. En l’occurrence, la victime est Caroline, une jeune avocate présentée d'emblée comme femme fatale ambitieuse et sans scrupule. Elle a entretenu une liaison avec le substitut du procureur de son cabinet, interprété par Harrison Ford, qui va se retrouver chargé de l'enquête. Or, ce cher Harrisson était loin d'être le seul amant de la jeune femme, et plusieurs d'entre eux semblent avoir intérêt à reporter la culpabilité de l'affaire sur le premier venu. Et c'est alors que les preuves commencent peu à peu à pointer vers l'enquêteur, comme par un fait exprès...


On a donc non pas une double, mais une triple intrigue, sans pour autant qu'aucune ne compromette les autres. La première est la résolution de l'enquête, cette simple question de l'identité du tueur, qui va nous mener à un twist de fin magistral ; la deuxième est l'étau qui se resserre autour du personnage de Ford, qui va rapidement se retrouver sur la défensive ; la troisième est la vie amoureuse de Caroline et de Ford, qui va donner lieu à de multiples flashbacks qui développeront les personnages, montreront la femme de Ford comme une amoureuse magnifique prête à tout pardonner pourvu qu'on lui rende son mari, et enfin installeront une série de tensions qui nous fixera à l'écran jusqu'à la fin du film. Il m'est impossible de tout vous décrire en détail, mais sachez que rien n'est confus, et que même si c'est parfois un peu difficile à suivre, ces personnages complexes, ayant chacun un double-rôle caché dans l'affaire, fascinent suffisamment pour que l'on s'accroche malgré tout. Les montées de tension sont irablement gérées, la retombée en fin de film ne servant que d'amorce à la révélation finale, et je vous conseille de le voir rien que pour la leçon qu'il nous donne sur la gestion d'une intrigue complexe.


Mais si ces qualités ne sont en rien altérées par les défauts du film, l'inverse est aussi vrai : on ne peut pas er l'éponge sur les défauts de ce film au nom du fait qu'il est irablement construit. Car il y a en tout et pour tout trois personnages féminins dans présumé innocent et si la vie de Caroline nous donne l'illusion d'une force de caractère chez ces dernières, il n'en demeure pas moins qu'elles n'ont d'identité et de statut que par rapport aux hommes du film. Il y a donc :


-la secrétaire à la peau sombre du film. Elle n'a que trois répliques, ne doit apparaître que trente secondes en tout et bien sûr n'a aucun autre rôle que de donner des informations à Ford. Mais bon, le cinéma regorgeant de personnages fonctions de ce genre, ettons que ça e;


-Caroline, dont on nous dit explicitement qu'elle n'a eut les affaires et le poste qu'elle voulait que parce qu'elle a couché avec le procureur. Puis lorsqu'elle comprend le génie de Ford, elle couche également avec dans l'espoir qu'il la nomme substitut du procureur à sa place. Cette femme n'avance dans sa carrière qu'en couchant, ne se définissant presque que par les hommes avec qui elle a entretenu une liaison. Alors bien sûr, on pourrait imaginer que le film cherche justement a dénoncer les inégalités et ce que la femme est obligée de faire dans ce milieu pour exister. Mais voilà :


-La femme de Ford. Tellement bien développée que j'ai oublié son nom, elle est amoureuse transie de lui et sera son plus grand soutien du film...par son effacement. Elle parlera de lui comme de 'son mari avec qui la vie devenait possible'. Comme les deux autres, elle ne se définit donc que par la relation qu'elle entretien avec Ford. Un peu comme si elle n'avait pas d'essence propre, pour reprendre la métaphore du début de cette critique...


Voilà donc ce qui à mon sens fait le sexisme du film. Mais encore une fois, je ne dis pas que ce sexisme fait qu'il est mauvais en soi. Ni bon d'ailleurs : ce défaut n'a rien à voir avec sa qualité intrinsèque. Et c'est précisément ce qui nécessite qu'on le souligne, parce que pour un peu, on serait capable de er totalement à côté et de se retrouver avec tout un tas de vilains préjugés dans la tête sans même s'en rendre compte. Ce qui serait tout de même dommage avec un si bon film!

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le 27 avr. 2017

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Pulsar

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