Pour avoir eu deux maîtres en matière de fantastico-monstruo-merveilleux depuis ma plus tendre enfance, Tim Burton et Guillermo del Toro, je ne peux m'empêcher de voir les sorties récentes de leurs derniers labeurs en parallèle et en miroir (déformant, sans surprise). D'un côté un nom devenu argument de marketing gothique sans plus aucune substance, inventivité ou affirmation, de l'autre un oeil pétillant encore animé par la malice et l'amour de son art. Entre un vieux lutin rompu au charbon et le Père Noël en personne, l'enfant qui regarde encore à travers moi Wednesday, le Cabinet de curiosité ou Pinocchio a vite fait de choisir. Non que j'aie é un mauvais moment devant Wednesday (enfin presque), mais plutôt que le age de Pinocchio à sa suite en a vite effacé le souvenir. Ne serait-ce que pour le motif monstrueux chez Guillermo, qui a su rester authentique, vivant et palpable (quand la stop-motion met un énorme scud aux FX), et pas seulement laid ou tristement efficace mais bien inquiétant, voire terrifiant, sans avoir recours à des yeux banalement globuleux. Pinocchio dérange, fait peur, déstabilise, parce qu'on n'a plus tant l'habitude d'un cinéma cruel pour les enfants. Le conte est conté, les plus jeunes marqués à jamais (bien plus que par un Dumbo vite consommé), et l'adulte que je suis devenue, rassurée. Cela reste très subjectif, la comparaison entre Burton et Del Toro ne m'a sauté aux yeux que par malheureux hasard. Mais je persiste à penser que les enfants qu'on me laissera éduquer au cinéma (pas facile à obtenir comme privilège) verront un jour Pinocchio
comme mes parents me montrèrent autrefois La prophétie des Grenouilles devant lequel je suis restée scotchée. Parce que les contes doivent nous apprendre quelque chose et pas nous rassurer, et parce que le cinéma du monstrueux a bien plus de sens à travers la silhouette désarticulée de Del Toro qu'à travers celle, plus mielleuse et mainstream, de Burton.