Prenez un professeur de philosophie, bourgeois parisien, et mettez le en relation avec une coiffeuse ch'ti d'Arras. A priori ça donne tout sauf une histoire d'amour, et pourtant. On se demande pourquoi Cupidon s'est acharné à rassembler ces deux-là. Avec son nouveau film, l'habitué des polars Lucas Belvaux se demande pourquoi un tel couple nous paraît si improbable et s'interroge sur les raisons de notre scepticisme. Fondé ou infondé ?
Le film a d'abord les aires d'un Bienvenue chez les Ch'tis. Clément, professeur brillant de philosophie, se retrouve muté pour un an dans le pas-de-calais, à Arras. Pour combler son ennui, l'intellectuel qui ne souhaite pas s'engager, séduit une jeune coiffeuse ingénue. Une telle différence culturelle avec la jeune fille lui assure de ne pas rester attacher à cette région qu'il souhaite quitter au plus vite. Malheureusement, malgré leurs différences, celle-ci tombe amoureuse de lui.
Clément est aussi énigmatique pour Jennifer que pour nous. Aime-t-il vraiment le jeu de Jennifer Aniston (peu probable) ou est-il un beau parleur ? À la fin du film, Jennifer, elle, a fait son choix.
La fin du film est très intéressante, et rehausse le tout. Ce qui aurait pu se terminer en fin nœud-nœud, finit avec une interrogation. Pourquoi ça n'a pas fonctionné ? À cause des différences culturelles ou de la goujaterie de Clément, incapable de s’émouvoir quand on lui apprend que Jennifer a disparu ? Quoiqu'il en soit, le plan du vide laissé dans l'appartement de Jennifer est une image forte de ce que Clément a pu faire subir à ses ex-conquêtes. Une revanche, en somme, de la jeune femme.
Cette histoire, ce n'est pas le genre de Lucas Belvaux. Cette façon de nous surprendre permet au réalisateur de nous faire prendre conscience de la violence culturelle qui règne aujourd'hui. On a parfois une vision de la culture un peu formatée, qu'on rangerait dans des cases un peu facilement. Belvaux faire une comédie sentimentale sonne aussi étrangement qu'un irateur de Dostoïevski qui s'intéresse à une ionnée d'Anna Gavalda. Pourtant, ce qui fonctionne pour Lucas Belvaux (le film est une réussite), ne fonctionne pas pour l'histoire de notre couple d'amoureux (qui s'achèvera bien vite). Pas son genre s'avère être un film très pessimiste qui, malheureusement, ne fait que confirmer les idées reçues.
Lucas Belvaux a réussi miraculeusement à jouer avec les clichés sans pour autant tomber dans la grosse caricature. Si le personnage de Clément, cultivé et forcément bourgeois, est limite, le naturel et la fraîcheur d'Emilie Dequenne donne à son personnage de coiffeuse un peu ingénue toute crédibilité.
Le film de Lucas Belvaux pose des questions intéressantes et propose un portrait saisissant de la violence culturelle qui règne aujourd'hui. Le cinéaste belge a parfaitement su s'adapter à ce nouveau genre et a réussi à dépoussiérer le film romantique formaté en lui offrant une réflexion sociologique ionnante. Peu de surprises, mais un film bien mené.