Alors que la bande-annonce suscite l’envie, des avis autorisés dénoncent une certaine forme de vide pour Parthenope. En fait, ce film tient ses promesses, puisqu’il évoque le parcours de Parthénope (titre) et assume haut la main son pari esthétique (affiche, bande-annonce), ainsi que le choix du prénom du personnage qui doit autant à la mythologie qu’à son lieu de naissance (Naples). Le reste peut se discuter.
On suit Parthenope depuis sa naissance dans les années 1950 jusqu’à nos jours. Et si sa naissance est présentée, cela sert essentiellement à donner une idée du milieu franchement aisé dans lequel elle voit le jour (voir les folies réalisées), ce qui aide bien pour envisager un avenir confortable et évoluer dans un décor de rêve. On la retrouve ensuite à l’âge de 18 ans sous les traits de la lumineuse Celeste Dalla Porta que je ne connaissais ni d’Eve (surtout) ni d’Adam. Puisqu’elle fait ici ses débuts tout en portant l’essentiel du film sur ses épaules, voici mes impressions. Son charme tient au fait qu’elle n’affiche pas une féminité agressive. Plutôt mince et élancée, son physique juvénile lui permet de porter par exemple une robe échancrée jusqu’en bas des reins de façon tout à fait naturelle. De même, son visage est très agréable, mais sans le petit plus qui la rendrait éblouissante. On remarque deux légères cicatrices (à l’image de la blessure intérieure de son personnage) sur son visage aussi bien proportionné que son corps. Le vrai plus qui se dégage d’elle à mon avis, c’est un naturel jamais mis en défaut, avec un port de sirène et une démarche naturelle qui lui permettent de jouer ce personnage fascinant sans jamais surjouer ou entrer dans le jeu de la séduction qui ruinerait son personnage. En effet, tout le monde autour de Parthenope vante sa beauté, ce qui fait qu’on suppose qu’elle a entendu le discours depuis déjà de nombreuses années, ce qui pourrait avoir engendré de graves dégâts sur son psychisme. Or, sa façon d’être, c’est de penser à ce qu’elle veut faire et non de profiter du charme qui se dégage de sa personne pour obtenir tout ce qu’elle veut. En fait, ce qui l’intéresse c’est l’anthropologie et suivre les traces du professeur Marotta (Silvio Orlando) pour qui elle a une grande estime dans ce domaine. Celui-ci veut bien la prendre sous son aile. Tout pourrait aller dans le meilleur des mondes possibles, puisque la jolie Parthenope s’avère douée dans son domaine de prédilection. Elle devient ainsi très naturellement l’assistante de Marotta. Pourtant, malgré des demandes réitérées, elle n’arrive pas à obtenir du professeur une réponse satisfaisante sur ce qu’est l’anthropologie. En sport, on dirait que Marotta botte systématiquement en touche.
L’autre point fondamental du film, c’est sa réussite esthétique pour laquelle Paolo Sorrentino fait feu de tout bois. Il réussit son pari, notamment en montrant l’Italie sous son meilleur jour (lumineux) ainsi que la ville de Naples. Une ville mise à l’honneur plusieurs années durant par le footballeur Maradona, ce que le film illustre à sa manière. Le réalisateur nous offre également une séquence somptueuse avec ces paniers descendus en douceur depuis les fenêtres d’une rue, un soir, par des habitants qui les tiennent par des cordes. Leur chargement à l’aspect bleu fluo donne un rendu inimitable.
Le vrai hic ici, c’est ce que sa fantaisie inspire à Paolo Sorrentino. Il faut quand même dire qu’il place une phrase de Louis-Ferdinand Céline en exergue de son film. Or, on sait que, malgré tout son talent, ce que l’écrivain racontait ne flirtait pas vraiment avec la beauté. Eh bien, avec Parthenope le réalisateur ose une sorte de parallèle, puisque la beauté côtoie le plus repoussant et laid. Et ce qu’il y a de plus beau dans l’amour côtoie un exhibitionnisme qui se donne dans un spectacle qui se veut original alors qu’il a tout de la vulgarité, un spectacle auquel Parthenope assiste on ne sait même pas pourquoi. N’oublions pas le fils de Marotta et son physique monstrueux qu’on finit par découvrir. Mais, que serait la beauté si elle ne côtoyait pas l’ordinaire voire le laid, le repoussant ?
Donc, ce film a quelque chose de fellinien – dans le meilleur sens du terme – avec ses aspects outranciers et même parfois grotesques au milieu de ses fulgurances esthétiques. D’ailleurs, en choisissant de faire interpréter Parthenope vieillissante par Stefania Sandrelli (vue récemment dans Marcello Mio), Sorrentino nous rappelle l’aspect éphémère de la beauté. Le réalisateur se permet la provocation ultime vis-à-vis de la religion, thème on ne peut plus sensible pour les italiens, en montrant Parthenope face à un possible futur pape. Ni déesse ni sainte, elle sait où elle met les pieds et renvoie son interlocuteur à ses manigances en osant un accoutrement qui peut choquer.
Le réalisateur rend donc son personnage de Parthenope (ainsi que celles et ceux qu’elle côtoie) plus humain que si elle se contentait de traverser l’existence en se contentant de profiter de sa beauté naturelle lui ouvrant toutes les portes. Son goût pour la mise en scène lui inspire des tableaux de premier ordre, mais également des moments outranciers pour un film qui évite le piège du manichéisme.
Alors qu’on peut se demander ce que vaut le parcours de Parthenope (ses réussites, ses échecs), la conclusion lui permet d’obtenir enfin une définition satisfaisante de ce qu’est l’anthropologie. Une définition en un mot, déconcertante de simplicité, qui donne malgré tout entière satisfaction. Autant dire qu’elle justifie à elle seule de consacrer 2h16 à voir ce film. Votre serviteur serait même enclin à considérer que le revoir ne serait pas superflu.