It's better to burn out than to fade away...
My, my, hey, hey… Out of the blue and into the black... Même si c’est grâce à Kurt Sutter et ses Sons of Anarchy que j’ai connu cette chanson mythique et chargée d’histoire, c’est bel et bien au film de Dennis Hopper que les paroles de Neil Young resteront à jamais associées dans mon esprit. C’est sans doute là, déjà, la marque d’un grand film. Car ils sont bien peu nombreux les cinéastes qui peuvent se vanter de s’approprier avec une telle force un classique musical. Et quand on repense au film, c’est fou de constater à quel point chaque parole lui colle à la peau. Auteur du cultissime Easy Rider à la fin des années 1960, Dennis Hopper revient battre la mesure avec cette œuvre trop méconnue mais tout aussi symptomatique de son époque que ne l’était son premier film. Avec Easy Rider, il démarrait une histoire, celle d’une génération hippie et d’une Amérique libérée. Quand il revient 10 ans après avec Out of the Blue, il en creuse le tombeau. Désillusions, rêves brisés, le mouvement a fait son temps et les dures leçons ont été apprises. Plus punk, plus trash, plus incontrôlable qu’Easy Rider, Out of the Blue a cette allure rebelle et incandescente avec ses personnages atypiques et à fleur de peau. Ses personnages, c’est Dennis Hopper bien sûr, en père alcoolique et meurtrier qui sort de prison, c’est Sharon Farrell aussi en mère toxicomane. Mais c’est surtout Linda Manz, absolument renversante dans ce rôle d’adolescente rebelle et déjantée qui n’a déjà plus de rêves, fascinée qu’elle est par son père et par Johnny Rotten, figure punk emblématique de l’époque. Alors oui, le film peut paraître trop ancré dans le cliché générationnel et le traitement de son sujet n’épargnant pas les scènes d’hystérie peut décontenancer son spectateur. Mais avec le cynisme et le punk comme armes de poing, Hopper nous embarque dans un monde où toutes les fulgurances ne font que renforcer ce trip pessimiste et l’apologie du « No Futur ». De scènes violentes et hystériques aux éclipses musicales, chacun de ses protagonistes semble ici chanter la mort de l’esprit contestataire qui subsistait jusqu’alors. Parfois glauque, parfois rock et libéré, le réalisateur arrive à capter quelques scènes superbes, de la traversée des bagarres de rues à cette évasion au creux d’une décharge peuplée d’oiseaux. Et la scène finale, merveilleusement dévastatrice, n’a de cesse de nous rappeler à ce triste destin, cette funèbre conclusion quand s’élève à nouveau la voix de Neil Young. It’s better to burn out than to fade away… Dans la culture rock moderne, c’est sans doute la chanson phare. Celle de la transition, du changement. Citée par Kurt Cobain dans sa lettre de suicide, cette phrase témoignait de l’importance du renouvellement, de ne pas laisser rouiller la mécanique au risque de disparaître à petits feux. Il n’en est rien pour le personnage de Linda Manz, prophétesse malheureuse d’une génération sans avenir.