Oslo, 31 août par ValM

A Oslo, le jeune Anders est sur le point de terminer sa cure de désintoxication. Pendant des années, il aura tout pris, coke, ecsta, amphèt,... Il aura même dealer. Il aura pris soin de tout détruire dans sa vie : sa famille, ses amis, ses amours, son talent. Ce 31 août, Anders à l’autorisation de sortir du centre où il se soigne pour se rendre en ville et er un entretien d’embauche. Il en profite pour revoir ses amis et sa famille. Cette journée sera l’occasion de faire un point sur sa vie, et de tenter, du moins le pense-t-il, de trouver un nouveau départ. Pourtant, chacune de ses rencontres l’enfonce un peu plus dans sa déprime et sa solitude.

On a souvent dit que Oslo, 31 Août était un film sur l’addiction. Je ne le crois pas. Si l’addiction d’Anders est ce qui l’a conduit à se couper du monde en subissant une cure de désintoxication, le film évoque surtout la dépression qui l’a conduit à se droguer. A ce titre, il s’agit sans doute d’un des films restituant le plus fidèlement qui soit le sentiment dépressif. Anders est extrêmement intelligent, plutôt doué et pourtant il est mal dans sa peau. Son problème est sans doute sa difficulté à communiquer. Ayant grandi avec pleins d’idées contradictoires sur ce qu’il est bon de faire ou non (la scène où il évoque ses parents), il s’est construit avec l’envie de se démarquer du monde qui l’entoure. Et de fait, il est différent, mal à l’aise dans cette société qu’il déteste. Il se sent d’une autre époque. De là, Anders ne parvient plus a communiquer, à exprimer ses sentiments, de peur de devenir comme les autres. Et de cette impossibilité à communiquer, il développe une attitude le faisant er pour un connard prétentieux auprès des autres, lui qui ne cherche que des preuves d’affection. Le résultat est que dès qu’un ami pense l’aider à s’en sortir à base de conseils d’une rare banalité (mais peuvent-ils sérieusement dire autre chose ?), cela ne fait qu’enfoncer Anders dans sa déprime.

Le film dépeint aussi de manière très juste ce sentiment contradictoire qui est que malgré son jeune âge (32 ans), on a l’impression que notre vie est déjà finie. C’est-à-dire, qu’elle est déjà tracée, qu’il faudra s’en accommoder, qu’elle a déjà commencée sans nous. On ne pourra pas la recommencer, le train est parti sans nous et il faudra réussir à monter en marche. Et même si on pouvait la recommencer, on n’en aurait pas la force. D’où un sentiment de solitude exacerbé. De vraie solitude, pas celle qui consiste à être physiquement seul, mais mentalement aussi. L’impression que toutes les personnes du monde ne parviendront jamais à vous redonner le goût de vivre, malgré tous leurs efforts. Un des dernières scènes, celle de la piscine, est à ce titre d’un pessimisme total : malgré les appels à redre ceux qui s’amusent, Anders restera toujours sur le bord. Il le comprend, l’accepte et décide de s’autodétruire jusqu’au bout.

Pour son second film, le jeune Joachim Trier signe un drame bouleversant, d’une justesse incroyable, porté par un acteur magnifique (Anders Danielsen Lie). Sa mise en scène, discrète et élégante met en avant ses acteurs et son histoire en se permettant des moments de spleen magnifiques. Un film indispensable.
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le 28 juil. 2014

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ValM

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