Orphée

Le film est la réappropriation complète du mythe d'Orphée par Cocteau. Ce mythe éternel que chantèrent les poètes et musiciens à toutes les époques, hantés par l'amour et la mort. L'Orphée du mythe grec est un musicien qui utilisera ses dons pour aller charmer les Enfers et tenter d'arracher son Eurydice à la mort. Tandis que Cocteau transforme Orphée en un poète célèbre et contemporain à qui il rajoute à l'histoire de base une dimension, une mission essentielle sur Terre de créateur, de découvreur. La Mort du poète devra s'effacer, s'annuler pour que le poète accède à l'immortalité.

Le scénario du film de Cocteau est inspiré de sa propre pièce de théâtre qu'il a enrichi par d'autres personnages comme les Bacchantes personnifiées par le personnage secondaire d'Aglaonice, amie d'Eurydice ou encore le personnage de Cegeste, poète à la mode, que la Mort d'Orphée utilisera pour duper Orphée et tenter de l'éloigner d'Eurydice.

Ainsi, au-delà de l'histoire d'Orphée bravant la mort pour tenter de récupérer Eurydice, on voit que le film est une réflexion sur la mort et du positionnement du poète face à la mort. Mais on aurait tort de limiter le film à ce seul thème. De nombreux autres thèmes se croisent et s'entrecroisent comme l'inspiration du poète, le visible et l'invisible, la frontière entre le monde des vivants et celui intermédiaire que Cocteau appelle la Zone. Entre le monde des vivants et la Zone, il y a les miroirs dans lesquels les humains peuvent voir chaque jour "la mort travailler", les miroirs qu'on peut traverser ou briser.

D'autres thèmes seront développés comme celui du libre arbitre (personnage d'Heurtebise) ou encore l'amour et la jalousie (Maria Casarès (la mort d'Orphée) face à Marie Dea (Eurydice)).

C'est un film que je connais par cœur, que j'ai vu un grand nombre de fois depuis l'adolescence, où je ressors toujours fasciné par les personnages et les acteurs qui les interprètent ainsi que les sujets abordés.

Les personnages d'Orphée (Jean Marais), de la mort d'Orphée (Maria Casarès) et d'Heurtebise (François Périer) sont inoubliables. Quelle présence de Maria Casarès !

La mise en scène repose sur de nombreux trucages pour simuler la traversée des miroirs (dans des bains de mercure, par exemple) ou montrer la Zone en négatif par rapport au monde des vivants. Les mouvements de la caméra, en particulier, lors des déplacements dans la Zone apportent une touche de réalisme et pourtant accentuent les aspects mystérieux.

La bande son est aussi intéressante alternant une musique moderne ou jazzy dans les scènes au café des poètes mais aussi des extraits de "Orfeo ed Euridice" de Gluck (Scène Heurtebise-Eurydice)

Film magique et ionnant du fait de la multiplicité des thèmes et sujets abordés. Une véritable "auberge espagnole" car les (nombreux) non-dits laissent libre court à l'imagination du spectateur pour interpréter telle ou telle répartie, telle ou telle scène.


10
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Films notés 10

Créée

le 31 oct. 2024

Critique lue 40 fois

7 j'aime

1 commentaire

JeanG55

Écrit par

Critique lue 40 fois

7
1

D'autres avis sur Orphée

La mort amoureuse.

La première fois que j'ai vu "Orphée" de Jean Cocteau, je me suis profondément emmerdé. La seconde vision a toujours du mal à er mais il y a un peu de mieux. Disons simplement que le Cocteau, je...

Par

le 12 oct. 2013

17 j'aime

Orphée
10

Orphée

Le film est la réappropriation complète du mythe d'Orphée par Cocteau. Ce mythe éternel que chantèrent les poètes et musiciens à toutes les époques, hantés par l'amour et la mort. L'Orphée du mythe...

Par

le 31 oct. 2024

7 j'aime

1

Requiem pour un poète

Le cinéma est un art. Récent, certes, mais bien un art à part entière qui est parvenu à s’imposer pendant ses cent vingt ans d’existence. Moderne, doté de ses propres codes, il permet de voir le...

Par

le 20 févr. 2017

7 j'aime

Du même critique

La mort aux trousses

"La Mort aux trousses", c'est le film mythique, aux nombreuses scènes cultissimes. C'est le film qu'on voit à 14 ou 15 ans au cinéma ou à la télé et dont on sort très impressionné : vingt ou quarante...

Par

le 3 nov. 2021

28 j'aime

19

La vanité de l'attente de l'orage

C'est vers l'âge de vingt ans que j'ai lu ce livre. Pas par hasard, je me souviens très bien qu'un copain me l'avait recommandé. J'avais bien aimé. Cependant, je n'ai jamais éprouvé le besoin de le...

Par

le 7 avr. 2023

26 j'aime

33

Quel cirque !

1959 c'est l'année de "125 rue Montmartre" de Grangier mais aussi des "400 coups" du sieur Truffaut qui dégoisait tant et plus sur le cinéma à la Grangier dans les "Cahiers". En attendant, quelques...

Par

le 13 nov. 2021

26 j'aime

5