Ollie
7.1
Ollie

Film de Antoine Besse (2024)

Ollie par Spectateur-Lambda

Un premier long métrage qui laisse augurer d'un cinéaste dont il faudra suivre la future carrière. Antoine Besse filme un endroit que manifestement il connait bien et qu'il aime et respecte, tout comme il aime et respecte les gens qui le peuple. La campagne. Une campagne qui dans son application à ne pas la montrer comme la succession de clichés propres au cinéma parisien venu poser ses caméras comme on viendrait au zoo, évoquera davantage l'œil bienveillant d'un Robert Bresson ou la verve d'un Alain Guiraudie. Partageant avec ce dernier l'idée d'investir un territoire, non pas comme un entomologiste, mais comme la scène d'un théâtre de la comédie humaine pour y faire les récits d'un commun, d'une universalité.

Là en l'occurrence les cultures urbaines transposées à la ruralité, comment les jeunes adolescents vont conquérir ou refonder les rares lieux où il est possible de pratiquer les activités habituellement associées aux grands centres urbains. Ce qui va permettre à Antoine Besse, à partir de cette réappropriation culturelle de traiter le cœur de son histoire, la rencontre de deux êtres fragilisés qui vont mutuellement s'apporter et puiser chez l'autre ce qui leur manque.

Pierre adolescent effacé qui suite au décès de sa mère doit venir vivre chez son père, un père qui plus qu'autoritaire est surtout noyé sous ses problèmes d'agriculteur, dans ce nouvel environnement Pierre va subir le harcèlement des trois "terreurs" du village et se réfugier dans le skate.

Bertrand, saisonnier sur l'exploitation, marginal en rupture avec la société, figure sans attaches qui multiplie les comportements autodestructeurs - "tu ne peux rien me faire, je suis déjà mort" - parcours chaotique emprunté suite à un drame dont il se sent, mais surtout dont on le tient responsable.

Cette collision d'âmes en déshérences va ouvrir aux deux la voie à une nouvelle étape sur le parcours de la vie. Pierre va au de ce grand frère adopté grandir et s'affirmer, il trouvera dans ce mentor et ce conseiller l'attention qui lui font défaut ailleurs. Bertrand de son côté y trouvera les raisons de se pardonner, mais aussi de se responsabiliser sur un point qu'il peut disputer au destin. Lors d'une scène où Pierre fait une connerie, le genre de connerie qui parait anodine et qu'on peut faire ado quand on veut suivre l'exemple d'une figure plus âgée, Bertrand va prouver qu'il n'est pas la tête brûlée qu'il parait, mais qu'il sait si besoin en est fixer cadres et limites.

C'est à travers une suite comparables de petits détails dans l'écriture et la caractérisation des personnages, que le film tient en parvenant, non seulement à nous les rendre attachants, mais aussi à nous faire adhérer en leur vraisemblance. Mêlant avec délicatesse et serti dans une mise en scène soignée, jamais démonstrative pas plus qu'elle n'est avare en style ou esthétique, le film sur le age de l'enfance à celui des premiers émois amoureux et le film du tuteur dont on se demande jusqu'à quel point ce n'est pas lui qui avait besoin d'être soutenu.

La photographie du film est somptueuse, il y a notamment des scènes nocturnes à couper le souffle. Je pense en particulier à la première scène où Bertrand va dévoiler ses aptitudes de skater qui se déroule sur une départementale éclairée par un pauvre lampadaire, une scène où tout le décor environnant est plongé dans la nuit et où uniquement nos deux personnages, la petite portion de bitume sous les roues et les gestes sont baignés d'une lueur irréelle.

Deux mentions aux deux jeunes comédiens Kristen Billon dans celui de Pierre dont la bouille et l'apparente fragilité le rendent immédiatement sympathique et Vega Degli Espositi qui joue le rôle de sa pote auprès de qui vont s'éveiller ses premiers sentiments amoureux et troubles hormonaux et qui bouffe la pellicule cette môme a un magnétisme incroyable ! Quant à Bertrand il souligne à quel point Theo Christine est certainement un très grand nom en devenir du cinéma français. Découvert en ce qui me concerne dans "Suprêmes" de Audrey Estrougo où il devait opérer un exercice pas évident: incarner dans un biopic non exempts de défauts mais loin d'être raté, l'icone du rap Joey Starr et dont il se sortait de façon remarquable. Il avait ensuite confirmé dans "Vermines" de Sébastien Vanicek, si vous ne l'avez pas vu, regardez "Vermines" c'est excellent et sans doute le meilleur film d'horreur français de ces dernières années. Là mes amis il délivre une prestation irable qui marie finesse et intensité dans une maîtrise des émotions qu'il interprète rare. C'est le point fort du film. Juste, précis, nos émotions sont accompagnées et calquées sur les siennes. Si cet acteur continue à choisir avec le même soin et la même intelligence ses prochains projets il va faire de l'ombre à beaucoup.

7
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il y a 4 jours

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Spectateur-Lambda

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Belle surprise

En premier par le jeu des deux acteurs principaux et par le rythme du film, un peu lent mais qui laisse le temps d’apprécier et de s’attacher aux personnages.

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