La fabrication du mythe
Richard Linklater offre un superbe objet cinéphile fétichiste qui ne manque pas de souffle et de drôlerie sur la naissance, la production et le tournage du révolutionnaire ÀÀ bout de souffle. Ce long...
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le 26 mai 2025
« Un film sur Godard dans le style de Godard » : l’erreur, face à Nouvelle vague, serait de prendre au pied de la lettre les déclarations de Richard Linklater à propos de son premier long-métrage français, dépeignant avec moult détails et anecdotes le tournage légendaire d’À bout de souffle. Évacuons d’emblée une fausse piste : Nouvelle vague ne s’inspire pas vraiment de la manière godardienne des années 1960, en dehors de quelques clins d’œil plus ou moins discrets au film auquel il rend hommage. Le pastiche porte sans doute davantage sur les photos de tournage, reconstituées à plusieurs reprises et qui tapisseront le générique de fin, mélangées à celle du tournage de Nouvelle vague lui-même. Si la vision de Godard développée par le film relève donc du cliché cinéphile, c’est au sens propre qu’il faut prendre le mot ; le cinéaste est d’ores et déjà une image de marque, filmée avec le même appétit et la même malice que les boîtes de céréales ou les séries TV d’Apollo 10 1/2. La parole godardienne, réduite à un tissus de citations, révèle à ce titre l’artificialité même de l’entreprise mémorielle du biopic. Il n’y a pas de Godard véritable (au sens de l’artiste ou de la personne) derrière l’image de lui qu’il s’est fabriquée ; il ne fait qu’un avec le personnage qu’il s’est créé.
Que fait Linklater de cette figure de papier glacé ? Un « ralentisseur » : face au fil tendu du récit (l’avancée inéluctable du tournage jusqu’à la sortie du chef-d’œuvre), Godard vient apporter des respirations nées de sa méthode imprévisible et improvisée. Interrompant sans cesse le tournage, il impose du même coup au film de Linklater un double principe de construction : temps mort et répétitions. C’est en quelque sorte, littéralisé par l’entremise d’une figure de créateur, l’art poétique de Linklater qui se dévoile ici, tant le cinéaste texan s’attache, dans ses propres films, à décorréler le récit d’une logique de narration en accumulant les vignettes sans progression apparente. Nouvelle vague n’est peut-être pas le film son plus radical sur ce plan, mais il ne faut pas le balayer d’un revers de la main – il s’agit bien d’un film de Godard « dans le style de Godard », au sens d’une fiction s’appropriant le patrimoine culturel pour développer une esthétique propre.
Créée
le 25 mai 2025
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