Dans une logique assez proche de celle du superbe "Mystery Train", soit de minuscules histoires dressant un panorama modeste de notre état émotionnel et mental, Jim Jarmusch nous emmène avec son magnifique "Night on Earth" dans une nouvelle ballade nocturne, cette fois à travers la planète. A travers un mécanisme similaire, qui pourrait sembler artificiel s'il n'était aussi banal -, un dialogue entre un chauffeur de taxi et son ager (ou sa agère…), Jarmusch filme à la fois des rencontres, ordinaires mais pas si banales que ça, entre des êtres humains qui nous ressemblent, même s'ils vivent ailleurs, loin de nous, et l'esprit de chacune des villes qu'il visite : L.A., New-York, Paris, Rome, Helsinki… Tous les acteurs sont justes (Gena Rowlands ! Roberto Benigni ! Béatrice Dalle ! Winona Ryder !), ce qui est une constante du cinéma de Jarmusch, mais nous ne les voyons jamais comme des acteurs, plutôt comme des êtres humains, nos frères et nos sœurs dans la nuit. Bien sûr, la mise en scène classieuse habituelle de Jarmusch est là, ces travellings latéraux enchantés, ces plans fixes picturaux, mais elle n'a finalement que peu d'importance par rapport à la profonde magie qui se dégage de ces rencontres éphémères dont nous sommes témoins.
[Critique écrite en 1995]