Naissance d'un américain

Le western a beau avoir vieilli avec son temps, le genre n’a rien perdu de sa superbe. Après Les Frères Sisters, Never Grow Old avait la lourde tâche de prolonger cette continuité de western de qualité. Mission accomplie ? Pas tout à fait.

En 1849, la mort n’est pas si rentable pour Patrick Tate (John Cusack), accompagné de sa bande, décide de s’installer en ville, les affaires décollent. Mais Patrick se rend vite compte qu’il va devoir protéger sa famille.

Never Grow Old est un vrai western. Dans son propos et son ambiance, le réalisateur Ivan Kavanagh réussit à faire transposer à l’écran une nouvelle ville américaine différente des habitudes du cinéma hollywoodien. Sale, boueuse, froide, la ville de Garlow est peu accueillante. Tourné en Irlande et au Luxembourg, Emile Hirsch n’a pas mâché ses mots en expliquant que le tournage a été éprouvant dû aux conditions auxquelles ils étaient confrontés. Cela se ressent même à l’écran au travers de splendides décors bruts et naturels.

Cette volonté du film à toujours utiliser le naturel pour accompagner le récit est le gros point fort de Never Grow Old. Les décors sont splendides, les costumes parfaits et la ville de Garlow ne ressemble jamais à un produit sur-mesure. Mais c’est dans ses scènes de nuit, éclairées par quelques torches à disposition des personnages, que le naturel prend tout son sens. L’image est belle et les acteurs sont tous visibles malgré une obscurité omniprésente, la gestion de la lumière par le réalisateur irlandais est une réussite. Il ne s’agit d’ailleurs pas du seul aspect technique qu’il maîtrise, par moment, Ivan Kavanagh décide de faire de l’hors-champ ou encore de proposer des tableaux à contre-jour d’une beauté sauvage. Offrant au spectateur une variété de mises en scènes parfaitement contrôlée. Le cinéaste a su utiliser la nature pour rendre crédible Never Grow Old, un élément complexe dans un tournage en extérieur.

Ancré dans l’identité du film par ses environnements, le western ne l’est malheureusement pas dans son personnage principal. Si John Cusack arrive à en tirer le meilleur dans un rôle charismatique et malveillant à la fois, Emile Hirsch a parfois du mal à montrer l’évolution de Patrick Tate. Trop lisse dans la dernière partie du récit, il semble tout simplement ne pas être capable de se mettre en colère. Le jeu d’acteur reste correct, mais ce déement de soi aurait permis au spectateur de ressentir l’émotion voulue. Le chauvinisme ant par là, la belge Déborah François s’en sort quant à elle très bien, au point d’avoir plus de caractère que son compagnon. L’actrice découvre un genre et s’y adapte parfaitement, le scénario lui donnant même une excuse pour son accent anglais à couper au couteau.

Avec un rythme parfaitement dosé et des scènes fortes, Never Grow Old arrive tout de même à faire vibrer le spectateur. Tout en subissant l’injustice dont est victime Patrick Tate, l’œuvre propose une critique de l’américain dans toute son hypocrisie. De son histoire morbide en ant par une religion omniprésente mais surtout tartufe et rongée par le péché, le regardant voit en l’évolution du personnage principal la naissance d’une Amérique cochant toutes les cases d’un pays malade. Les différents thèmes abordés comme la famille, l’immigration ou encore les extrémismes s’opposant à coup de justifications sordides s’intègrent parfaitement bien au récit et donnent une vraie profondeur à ce western accusateur.

Never Grow Old s’impose comme un très bon film par sa richesse technique, sa maîtrise dans ses environnements ou encore un fond bien traité et plutôt subtil. Il n’arrive cependant pas à égaler certains de ses prédécesseurs. En cause, un personnage principal trop amorphe pour concurrencer un John Cusack très en forme. Pour son deuxième long-métrage, Ivan Kavanagh se révèle être un très bon metteur en scène, à voir ce qu’il pourra faire avec un acteur qui pourra pleinement donner corps à son rôle. Réalisateur à suivre.

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le 11 août 2019

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Matt Finance

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