Western de revanche certes, mais de rédemption ? Seulement si on pardonne tout à Steve McQueen

Le casting est attractif.

Les gentils de l’histoire sont joués par Steve McQueen, qui joue un métis trop jeune pour lui (il est censé avoir 18 ans au plus) envahi par la rage de se venger après le meurtre sauvage de ses parents, et par Brian Keith, son protecteur temporaire rencontré sur la route.

Le casting est superbe pour les méchants : Martin Landau, Karl Malden, Arthur Kennedy. On a aussi un grand réalisateur, Henry Hathaway, qui était parfaitement capable de nous faire plaisir avec au fil de plusieurs décennies, des années 30 aux années 60, ses films d’aventures et ses westerns.

Mais ce film a quelque chose de dérangeant. 

Non pas que la trame du film de vengeance soit repoussante en elle -même car avec elle, on a fait de magnifiques westerns de poursuite : par exemple Bravados, de Henry King ; de réflexion sur la loi : par exemple Pendez les haut et court, de Ted Post ; ou de véritable rédemption : par exemple Trois enterrements, de Tommy Lee Jones.

Le problème est d’abord le scénario.

Après une scène d‘ouverture impressionnante (le meurtre des parents), où Hathaway a montré tout son avoir faire, l’histoire devient invraisemblable. Ce n'est pas un si grand défaut pour un film d’aventures, mais on ressent qu’elle est cousue de fil blanc juste pour amener des morceaux de bravoure avec McQueen, qui sont de moins en moins crédibles et de plus en plus antipathiques.

La chasse du premier des trois assassins poursuivis, joué par Landau, est plutôt classique. 

Mais dans celle du second, lequel est joué par Arthur Kennedy, la poursuite va jusque dans un pénitencier (pour y être envoyé, le vengeur a commis exprès un délit grave) où les terribles mauvais traitements des détenus alternent avec la mise à disposition régulière d'un groupe de prostituées.

Cette aberration n’a d’autre justification que de rendre possible une évasion du justicier en compagnie de son ennemi grâce à une tromperie qu'il exerce sur une des prostituées, jouée par la magnifique Suzanne Pleshette (dont le rôle est confiné à subir cette entourloupe, ce qui est fort dommage). Et tout ceci pour aboutir à une exécution expéditive dans les marais.

Ce moment est à mon avis plutôt dégradant pour le cinéma de Hathaway.

Enfin, pour attraper le troisième larron, ce sera derechef une manipulation exercée par le héros vengeur.

Il s’infiltre dans le gang de malfaisants de Karl Malden, lequel comprend d’emblée à quoi s’en tenir mais se met à jouer avec le feu en protégeant cet intrus inquiétant pour lui de la méfiance de son propre groupe. Pourquoi ? Sans doute parce que le jeu pervers de chat et de souris qui s'ensuit entre eux deux est censé nous tenir en haleine. Ensuite, le pourchassé tentera de fuir mais bien sûr il paiera pour ses crimes. 

Le final est une pseudo rédemption du héros.

Lors d’un gunfight, il abandonne dans la rivière le méchant, blessé et devenu impotent, et il jette son arme. C’est un refus bien tardif de la vengeance, particulièrement hypocrite car il les a bel et bien liquidé tous les trois, y compris le dernier, même si pour celui-là ce n'est pas de sang-froid.

A noter que les trois meurtriers sont joués par de grands acteurs de second rôle qui font ce qu’ils peuvent pour sauver l’histoire par des compositions très intéressantes, tandis que Steve McQueen, trop vieux pour le rôle, ne convainc pas - sauf si on voit le film pour lui et qu'on lui pardonne tout, ce qui est le cas de beaucoup d'irateurs de ce film.

(Note de 2019 publiée en décembre 2024)

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le 29 déc. 2024

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Michael-Faure

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